Entendons-nous bien: il n'y a aucun enjeu politique en tant que tel à évoquer ou pas, subitement, les ascendants juifs de Sarkozy du côté de sa mère. Il y a juste une loi du silence un peu débile qui veut que, depuis des années, l'on se garde bien de mentionner dans les médias certaines origines ethniques ou religieuses de personnalités publiques, tout en en mettant en avant d'autres en avant lorsque le contexte politique y invitait.
Nicolas Sarkozy en tout premier lieu, pour lequel on nous fait part de façon croîssante et étrangement sélective, depuis des années, de ses seuls ascendants "chrétiens" et "hongrois".
Lequel
Sarkozy "joue"
de façon
récurrente
et parfaitement
instrumentale
de ce
faux paradoxe qui
permettrait
qu'un
"fils de
l'immigration"
accède à
la
Présidence
de la
République.
Que
d'autre
part,
son
grand-père
aurait
"choisi
la
liberté",
"fui le
communisme"...
Fort bien, on a déjà tous entendus cela quelque part !
Mais alors:
Le fait est que la presse de qualité britannique (The Economist) évoque désormais en toute simplicité et assurance la judéité de Nicolas Sarkozy (The Economist deux fois de suite à une semaine d'intervalle, dans ses deux derniers numéros).
Par contraste, on peut s'étonner de constater de ce que pas un seul quotidien en France, pas une seule chaine généraliste, pas un seul commentaire radiophonique récent, et de mémoire pas une seule fois en près de 5 années que Sarkozy se trouve à la tête du ministère de l'Intérieur, n'a évoqué (eu le droit de, peut-être ??) autre chose que "ses origines d'aristocrate hongrois".
Qui sont les antisémites cachés et dangereux pour la sérénité du candidat, qui expliquent ainsi que l'on soit obligés d'être aussi pudiques en ce qui concerne l'évocation des origines de Nicolas Sarkozy?
De quel(s) antisémitisme(s) les médias français auraient-ils peur? Leur rôle n'est-il pas tout simplement d'informer sur tout et sur rien, en toute indépendance ?
A l'évidence donc, présenter Nicolas Sarkozy comme "juif hongrois" pose un vrai gros problème aux médias français. Au point que c'en est devenu quasiment inimaginable qu'ils le fassent aujourd'hui...
En fait, un tel "coming-out" (s'il avait lieu, et qu'au 20 heures de TF1, on en parlait l'air de rien, au passage...) serait considéré par les médias français, dans leur généralité, comme susceptible de signer ipso facto le réveil d'un certain nombre de discussions plutôt malsaines et archaiques, typiques du seul électorat de droite (et dont se passent bien par avance certains journalistes complaisants à l'égard de Sarkozy, qui souhaitent qu'il soit élu en continuant à le présenter à l'opinion comme le continuateur classique des leaders traditionnels et sempiternels de la droite : catho, conservateurs et "nationaux", à l'image de Giscard, De Gaulle, Chirac because Bernadette, Pinay et pourquoi pas même Pétain, Mac Mahon...).
Donc omerta oblige, mieux vaut continuer de lire les journaux anglais...
Pour nos éminents stratèges, des "discussions" du type de celles qui se tiennent lors des repas de famille (en France, à l'occasion de fêtes chrétiennes comme Pâques, instants où nombre de décisions de votes continuent de se prendre traditionnellement) seraient sans doute susceptibles de réveiller le volcan endormi de l'antisémitisme de Papa, qu'on pense être vivace et à fleur de peau dans les milieux populaires.
Lesquels (cela est bien connu) sont "acquis au vote Le Pen".
Pour nos stratèges en herbe de l'UMP et pour nos médias complaisants depuis 15 ans vis-à-vis de Sarkozy, il y va assurément de la préservation du potentiel électoral de Premier tour de Sarkozy, qui pour le coup est une raison d'Etat jugée suffisante.
Un tel "message" (de transparence, d'information, de véracité: appelons-le de diverses manières...) du candidat quant à ses origines (puisqu'il tient tant à les afficher, abondons dans son sens!), ne coûterait pourtant rien et donnerait une image de modernité au candidat Sarkozy, qu'il n'aura jamais, du fait d'une culture du silence et de la dissimulation, qu'il entretient soigneusement, dans la plus parfaite tradition de la droite française.
Accessoirement, révéler plus avant et de manière décontractée sa judéité pourrait favoriser (du moins le pense-t'il) ses concurrents, qu'ils soient "catholiques, athées, agnostiques, ou juifs, musulmans..": c'est le modus vivendi auxquels sont parvenus Sarkozy et ses stratèges en ce qui concerne la "communication" du candidat.
Le "Point" évoquait cette semaine, pour faire tout à la fois chic et néocons, les convictions religieuses des différents candidats, faisant valoir le "catholicisme pratiquant" de Nicolas Sarkozy (lequel s'est par exemple rendu à Lourdes l'an passé avec Cécilia) et sa volonté (évidemment avancée comme saine et allant dans le sens de l'Histoire) de se signer en public, de glorifier Jean-Paul II dans ses discours...
Certes, Nicolas Sarkozy semble bien plutôt, dans les faits, d'obédience catholique pratiquante, à l'instar d'un José-Maria Aznar ou des deux jumeaux Kasczinsky qui sévissent en Pologne (il se signe en public et affiche des croyances irrationnelles comme le déterminisme génétique de la pédophilie, par exemple, sen rend à Lourdes, parle du "déficit de vocation des jeunes prêtres"...).
Les médias anglo-saxons n'ont aucune difficulté d'ordre déontologique (pour eux, cela va de soi, signe de leur matûrité sur la question) à mentionner ou promouvoir la judéité (ou les ascendants juifs) d'une femme ou d'un homme politique candidat à une élection présidentielle (ex:Joe Lieberman, chez les Démocrates américains).
Et ils le font également sans difficulté en ce qui concerne Sarkozy.
Commentaires
Mais gare à ne pas surinterpréter mon article. Je pense qu'il y a un certain nombre de personnalités juives et de gauche, anciennement, qui ont pu se retrouver derrière Sarkozy entre autres parce qu'ils se sentent confortés à l'aune du fait qu'il est juif (en partie): c'est superficiel mais c'est ainsi que raisonnent une partie des élites.
Cela prouve aussi leur échelle des valeurs (Klarsfeld, Glucksmann...)
Comme tu le dis, Sarko se signe, défend Jean-Paul II. Il n'est donc clairement pas juif (contrairement à Lieberman, ou, en France, DSK -et là la presse en parlait). Des origines juives ? Peut-être, mais peut-être pas ! Si on faisait la liste de toutes les personnalités supposés avoir des origines juives, on obtiendrait grosso modo toute la liste des personnalités tout court...
Même The Economist peut se tromper ... :)