http://contreinfo.info/article.php3?id_article=873
Le refrain revient, Sarkozy, président de l’”identité
nationale”, fait peur. C’est donc Edwy Plenel, rédacteur
en chef historique du Monde, qui s’exprime sur le site
militant “ antisarko
” et déclare solennelement : “Nicolas
Sarkozy agraverait nos problèmes”,
le 25-4-2007,
Edwy
Plenel :
Sarkozy aggraverait toutes les crises dont souffre le pays
« Nicolas Sarkozy ne serait
pas la solution à nos problèmes. il serait leur aggravation. Plus de
pouvoir personnel, plus d’inégalités sociales, plus de désordre mondial ».
L’ancien directeur de la rédaction du journal Le Monde fait part de ses
craintes face à l’hypothèse d’une accession de Nicolas Sarkozy à la
Présidence de la République. Vidéo et transcription.
Interview d’Edwy Plenel
Ma position c’est qu’un journaliste n’a pas à dire son vote. En revanche
il peut faire partager son analyse. La mienne, c’est que l’élection de
Nicolas Sarkozy à la présidence de la république aggraverait toutes les
crises dont souffre notre pays. La crise sociale d’abord, parce qu’il
veut donner beaucoup plus à ceux qui ont déjà trop, à l’oligarchie
financière, ou aux grandes fortunes. La crise politique ensuite, parce
qu’il veut accentuer un présidentialisme institutionnel qui étouffe à
petit feu notre vie démocratique. Et puis la crise internationale, car
il a une vision identitaire, communautariste, voire religieuse de la
société, celle la même qui nourrit l’affrontement des cultures et la
guerre des civilisations.
Pour toutes ces raisons, Nicolas Sarkozy ne serait pas
la solution à nos problèmes. il serait leur aggravation. Plus de pouvoir
personnel, plus d’inégalités sociales, plus de désordre mondial.
Son principal ennemi, c’est lui-même. Et le principal
danger, c’est la rencontre de ce personnage, et des institutions de la
cinquième République. Nicolas Sarkozy, tout le monde le dit, tout le
monde le sait, a une vision guerrière et égocentrique de la politique.
On est avec lui, ou contre lui. on est son obligé ou son ennemi. Il n’y
a pas d’entre-deux. Il hystérise la politique. il met en crise, il met
en tension, ce qui est le conflit démocratique normal. Or nous savons
que nos institutions, cette présidence de la République qu’il brigue,
sont potentiellement dangereuses. Nous savons qu’elles donnent des
pouvoirs sans équivalents dans aucune autre démocratie, même
l’américaine, au président qui sera élu. Nous savons surtout que
l’Elysée c’est un bunker. Et qu’une fois élu, on est indéboulonnable.
Les exemples de François Mitterrand - 14 ans - et Jacques Chirac - 12
ans - sont là pour nous le montrer.
Alors c’est la rencontre de ce personnage qui met en
crise, qui met en tension la politique et de nos institutions si peu
démocratiques - qu’il faut changer, qu’il faut radicalement changer -
c’est cette rencontre qui est potentiellement très dangereuse.
Je ne cherche pas à convaincre [les électeurs de Nicolas
Sarkozy ], je voudrais juste leur faire partager mon témoignage. En tant
que journaliste, je peux témoigner que Nicolas Sarkozy n’a pas une
vision très pluraliste de la vie médiatique. Je peux témoigner du fait
que la normalisation, l’uniformisation du paysage médiatique étaient
pour lui un enjeu avant le début de cette campagne électorale. Je peux
témoigner que toute sa politique sert a imposer un agenda en réduisant
l’indépendance des journalistes. Et je peux encore une fois en témoigner
en rappelant à notre pays ce qui est arrivé au moment de
Clichy-sous-bois, ou au fond, un mensonge d’Etat est passé dans les
médias pendant une semaine, le temps que ce déni de réalité soit
ressenti comme une telle injustice, qu’il mette le feu à l’herbe déjà
sèche de nos banlieues.
Donc voila ce que je voudrais leur dire. Je voudrais
leur dire que la démocratieest un bien précieux, que nous vivons des
temps difficiles, compliqués, qu’il faudrait prendre le temps de
s’écouter, prendre le temps de faire revivre cette démocratie, prendre
le temps d’intégrer à cette démocratie les classes populaires qui sont
de plus en plus marginalisées dans toutes leure diversitée, dans toutes
leurs origines, et que face à cela il n’y a pas de raccourci, et que le
raccourci que leur propose Nicolas Sarkozy est une illusion.
Reconstruire
Par: Ignacio Ramone
Dans l’histoire de la Ve République, la victoire de M. Nicolas
Sarkozy le 6 mai 2007, au second tour de l’élection
présidentielle, avec 53 % des voix, marque un tournant. Car il
ne s’agit pas de la simple reconduction de la droite française
au pouvoir – qu’elle a occupé au plus haut niveau de 1958 à 1981
et à nouveau depuis 1995. Le programme du candidat de l’Union
pour un mouvement populaire (UMP) et les forces qu’il a voulu
rassembler autour de lui marquent un infléchissement majeur :
ils en font le premier président à la fois néolibéral,
autoritaire, pro-américain et pro-israélien. Le brouillage
systématique d’une campagne jalonnée de références éclectiques,
de Jeanne d’Arc à Léon Blum, ne saurait en effet masquer le
profil politique très marqué de M. Sarkozy. S’il se réclame d’un
volontarisme grâce auquel l’Etat pourrait « protéger » la France
et les Français, son programme économique et social puise
néanmoins largement dans les vieilles recettes thatchériennes et
privilégie… les privilégiés. De même, ses envolées républicaines
n’ont pas réussi à gommer sa vision essentiellement sécuritaire
de la société, opposant la seule répression aux revendications
des catégories populaires et de la jeunesse. Ceci expliquant
peut-être cela, son « dérapage » sur les origines génétiques de
la pédophilie et du suicide en dit long sur l’eugénisme rampant
qui l’inspire. Enfin, malgré ses efforts pour atténuer l’effet
de l’onction demandée au président George W. Bush, il n’a pas
renié sa volonté de rapprochement avec la politique américaine,
y compris au Proche-Orient — sans parler de l’enterrement
annoncé par une procédure parlementaire du référendum du 29 mai
2005 sur le traité constitutionnel de l’Union européenne…
Le programme de M. Sarkozy est important, la « clientèle » à
laquelle il s’est attaché à le vendre ne l’est pas moins. De ce
point de vue, les grandes manœuvres de l’entre-deux-tours
destinées à récupérer l’électorat de M. François Bayrou
n’effacent pas des mois de débauchage de celui de M. Jean-Marie
Le Pen. Sous couvert de « reconvertir » à la démocratie les
troupes de ce dernier, le candidat de la droite a littéralement
intériorisé les thèses de l’extrême droite : de la proposition
de créer un ministère de l’immigration et de l’identité
nationale à la reprise du mot d’ordre « La France, on l’aime ou
on la quitte », de la chasse aux sans-papiers jusque devant les
écoles à l’abolition de l’ordonnance de 1945 protégeant les
mineurs, de la pseudo défense de ceux qui « se lèvent tôt »
contre les « profiteurs » et les « assistés »… Aucun de ses
prédécesseurs n’avait été aussi loin pour se faire élire : il
convient d’en prendre la mesure avant de saluer le recul du
Front national.
Mais les efforts de M. Sarkozy et les soutiens médiatiques
massifs dont il bénéficie n’expliquent pas, seuls, son succès,
pas plus que les effets pervers, vérifiés encore une fois, de
l’élection présidentielle au suffrage universel :
personnalisation, démagogie, vote utile… A surtout pesé
l’absence, face à la droite et à l’extrême droite, d’une
authentique alternative politique. Jamais le total des voix de
gauche au premier tour — 36,44 % — n’a été aussi faible depuis
1969. Et pour cause ! Le Parti socialiste s’est laissé imposer
par les sondages une candidate, Mme Ségolène Royal, qui a certes
su effacer le traumatisme de 2002, mais sans offrir aux forces
populaires une perspective mobilisatrice. D’autant qu’à ses
côtés, le Parti communiste, l’extrême gauche et les écologistes
ne se sont pas rassemblés afin de prolonger à la fois les
grandes mobilisations sociales pour la défense de la sécurité
sociale comme des retraites, l’élan du « non » au référendum du
29 mai 2005 et la colère des banlieues. Au-delà des querelles
d’appareil et de personnes, ce qui est en cause, c’est d’abord
l’incapacité à penser une politique anticapitaliste à l’échelle
de la France et de l’Europe.
C’est sur ce terrain qu’il faut commencer à rebâtir, et sans
attendre. Car la droite et l’extrême droite au pouvoir, si elles
l’emportent aux élections législatives, tenteront de faire
passer en force leur politique de destruction sociale : contrat
de travail unique précaire imité du « contrat nouvelle embauche »
(CNE) ; augmentation du temps de travail ; obligation d’activité
en échange des minima sociaux ; limitation du droit de grève ;
casse du Code du travail ; suppression des droits de succession
et, via « le bouclier fiscal », de l’impôt sur les grandes
fortunes ; poursuite du démantèlement des services publics, de
la protection sociale et des retraites ; franchise évolutive sur
les frais de santé ; non remplacement d’un fonctionnaire sur
deux partant à la retraite ; liquidation de la carte scolaire ;
nouvelles remises en cause des retraites ; chasse aux immigrés
doublée d’un appel à la main d’œuvre « choisie » du Sud ;
relance de l’Europe libérale et soutien à la politique
américaine… La gauche aura besoin de toutes ses forces pour
résister à cette offensive sans précédent, mais aussi pour
rouvrir une perspective de changement.
Le Monde diplomatique n’est l’organe ni d’un parti ni
d’une association. Ce n’est pas un journal militant. Mais il
s’engage sur des valeurs qu’il défend depuis des décennies. Et
c’est ainsi, à sa manière, qu’il entend contribuer à une
architecture intellectuelle alternative : en s’efforçant de
faire mieux connaître les réalités géopolitiques du monde
contemporain, en informant sur les expériences sociales et
politiques qui s’y développent, en prenant toute sa part des
débats d’idées en cours. Pour reconstruire.
|
http://www.acrimed.org/article2314.html
Sarkozy, consultant du Monde ?
Colombani allié de Sarkozy ?
Edwy Plenel accuse...
Les consultations réciproques et intéressées
entre responsables politiques et responsables médiatiques ne
sont pas nouvelles. L’une des dernières en date - Elkabbach
consultant Sarkozy - a provoqué quelques vaguelettes (Voir
notre article :
« Sarkozy, conseiller en recrutement d’Elkabbach : de quoi
enflammer les rédactions ? »).
« Si vous saviez. Il n’y a
pas qu’Elkabbach qui fait cela... »,
aurait précisé Sarkozy. Mais qui d’autre ?
Si l’on en croyait un « encadré » paru
Marianne du 11 mars - « Le
Monde : le coach des médiacrates », une variante des
services rendus par Sarkozy aurait impliqué Jean-Marie
Colombani, Edwy Plenel et Alain Minc :
« [...] C’est dans son
bureau [de Sarkozy] de la place Beauvau
- il était alors ministre de l’Intérieur - que les trois
dirigeants du quotidien auraient préparé l’émission "Campus"
de Guillaume Durand. Selon une source très proche du
dossier, Sarkozy aurait, en effet, entraîné Jean-Marie
Colombani, Edwy Plenel et Alain Minc en imaginant toutes les
questions vachardes auxquelles ils pouvaient être exposés.
F.D. »
Cette « révélation » n’a été relayée alors
par aucun média [1].
En raison de l’absence de précision ? Parce que la méfiance
sur des informations de source anonyme qui peuvent relever
de la malveillance est de rigueur ? On voudrait le croire.
Mais l’ « encadré » de Marianne n’a fait
l’objet ni de vérifications, ni de démentis, ni de menaces
de procès... Etonnant, non ?
Jusqu’à ce que, la semaine suivante,
Marianne publie un « courrier » d’Edwy
Plenel, titré « Un intrus chez Sarkozy » qui oppose un
démenti aux allégations de l’hebdomadaire, suivi d’une
confirmation partielle qui étaye un acte d’accusation.
Démenti :
« [...] en 2003, durant la tempête provoquée
par la parution de la Face cachée du Monde,
je serais allé me préparer pour l’émission « Campus » de
Guillaume Durand dans le bureau du ministre de l’Intérieur,
en compagnie de Jean-Marie Colombani et d’Alain Minc.
Sarkozy coach de Plenel ! On aura tout lu. Comme toutes les
rumeurs, cette plaisanterie part d’un petit fait vrai
déformé jusqu’au délire. »
Quel est donc ce « petit fait vrai », selon
l’expression qu’Edwy Plenel affectionne ? Celui-ci va-t-il,
après plusieurs années de silence, « porter
le fer dans la plaie », pour reprendre l’expression
d’Albert Londres qu’il cite régulièrement ? La réponse suit...
Confirmation :
Jean-Marie Colombani aurait sollicité le soutien de
Nicolas Sarkozy. Mais pas exactement pour préparer
« Campus ». Edwy Plenel :
« Un jour de 2003, en effet,
Jean-Marie Colombani m’a entraîné à un rendez-vous qu’il
avait pris avec Nicolas Sarkozy. C’était un samedi
après-midi, Cécilia Sarkozy était présente, ainsi que le
chien du couple qui, un instant, se fit remarquer en
vomissant sur la moquette. Pas d’Alain Minc à l’horizon,
encore moins de Guillaume Durand - l’invitation à « Campus »
ne m’avait pas été annoncée. Convaincu que les attaques
contre le Monde étaient en partie
inspirées par l’entourage de Jacques Chirac, Jean-Marie
Colombani cherchait auprès de Nicolas Sarkozy des
informations pouvant étayer cette hypothèse à laquelle, pour
ma part, je n’ai jamais cru. »
Il est vrai qu’Edwy Plenel avait alors,
officiellement et officieusement, découvert d’autres sources
au « complot » : en vrac, les auteurs eux-mêmes,
L’Express, PLPL et Acrimed, ainsi que,
quelques temps après, les auteurs d’autres livres consacrés
au Monde : Bernard Poulet et Alain
Rollat !
Quoi qu’il en soit, « entraîné » dans le
bureau de Sarkozy, Edwy Plenel aurait assisté à une scène
très compromettante.
Accusation :
la proximité entre Jean-Marie Colombani et Nicolas Sarkozy.
Edwy Plenel la décrit ainsi :
« Ce fut ma première et ma
dernière rencontre avec Nicolas Sarkozy, place Beauvau, dans
ses fonctions de ministre de l’intérieur. J’ai assisté plus
que participé à une conversation qui, pour l’essentiel, se
tenait entre Sarkozy et Colombani qui se tutoyaient et dont
j’ai découvert, à cette occasion, l’amicale proximité. Il y
eut notamment un monologue du ministre, expliquant comment
lui-même avait su psychologiquement résister aux attaques
des chiraquiens après l’échec présidentiel d’Edouard
Balladur. Je suis ressorti de ce rendez-vous avec le
sentiment d’avoir été un intrus. Ce malaise et bien d’autres
choses ont ensuite cheminé dans mon esprit jusqu’aux
ruptures que vous savez. »
On savait déjà que, en soutenant ardemment
la perspective d’un passage du Monde en
Bourse, Edwy Plenel ignorait qu’il œuvrait à la soumission
du quotidien aux financiers, une soumission qu’il découvre
au moment de rédiger son dernier livre,
Procès. On apprend désormais que, en fréquentant Nicolas
Sarkozy, en dehors de tout motif proprement journalistique,
lors d’une entrevue destinée à lui demander son soutien,
Edwy Plenel n’était qu’un « intrus ». Mais peut-être qu’un
peu de lucidité tardive vaut mieux que pas de lucidité du
tout...
Donc, Jean-Marie Colombani serait un allié
de Sarkozy ? C’est ce que soutient encore plus explicitement
l’ancien directeur de la rédaction du Monde,
en confiant dans un entretien à la lettre électronique
Presse News, que, selon lui, les
dirigeants actuels du journal ont « des
liens forts » avec Nicolas Sarkozy, que démontrerait
notamment un éditorial du 9 novembre publié pendant les
révoltes dans les quartiers populaires dans lequel on
pouvait lire que « Dominique de Villepin n’a
pas encore les nerfs d’un homme d’Etat » et que
« le couple fermeté-justice énoncé par Nicolas Sarkozy (...)
est de nature à rassembler le pays ». « Maladresses
d’expression », se serait défendu Jean-Marie Colombani face
aux critiques de journalistes du Monde.
Le témoignage d’Edwy Plenel a pour effet (et
pour but ?) de propager des soupçons. En guise de
journalisme d’investigation, il nous offre, malgré lui, une
brève description des mœurs d’un microcosme livré aux jeux
de pouvoir, aux connivences consternantes et aux
rodomontades pittoresques.
Comment s’abstraire de ces jeux de pouvoir
qui charrient souvent plus de rumeurs que d’indices ? En
préférant au règne des soupçons l’arme de la critique.
[1]
A l’exception, sauf erreur, d’une "brève"
parue dans
Stratégies
http://www.voltairenet.org/article147847.html
France : élections
présidentielle & législatives 2007
Machine à voter, machine à truquer
Les scrutins présidentiel et législatifs
de 2007 en France risquent de donner lieu à une polémique qui pourrait
être aussi intense que lors de l’élection de George W. Bush à la
présidence des États-Unis en 2000. On se rappelle que les plaintes et
recours avaient afflué de tout le pays, que le dépouillement avait duré
plus d’un mois, puis que la Cour suprême avait désigné George W. Bush en
ordonnant la suspension du recompte des bulletins. Ce désordre était en
grande partie dû à l’utilisation de machines à voter. Depuis, de
nombreuses études menées par des laboratoires de recherches, des
commissions gouvernementales et des commissions d’experts indépendants
jettent le doute sur la sincérité des scrutins dans lesquels des
dispositifs de votes électroniques sont utilisés. De telles machines
seront utilisées dans de nombreuses circonscriptions françaises lors des
élections présidentielle et législatives de 2007. Au risque de mettre en
doute la légitimité des nouveaux élus. On se souvient que l’élection
de George W. Bush à la présidence des États-Unis en l’an 2000 s’avéra
frauduleuse.
L’un des moyens systématiques de triche
alors mis en place pour lui garantir le pouvoir était l’utilisation des
machines à voter. Il s’agissait d’invalider une partie des votes dans
des bureaux habituellement démocrates, en s’appuyant sur des « erreurs »
des machines. À l’époque, une partie de ces machines était équipée d’un
système mécanique de perforation des bulletins dont le mauvais
fonctionnement assura la non-élection d’Al Gore. par la suite,
l’ex-président Jimmy Carter, co-président de la commission bipartisane
sur la réforme des procédés de scrutin, déclara publiquement que les
électeurs avaient en réalité choisi Al Gore [1]
Alors que les machines sont présentées
comme augmentant la rapidité et la fiabilité des résultats, il
s’ensuivit un mois de troubles durant lequel personne ne savait qui
était le nouveau président élu. Les candidats opposaient procédures à
procédures, l’un afin de faire recompter manuellement les voix, l’autre
afin d’empêcher ce recomptage. Le résultat de l’élection fut finalement
renvoyé devant la Cour suprême contrôlée par des juges proches de George
Bush père – qui désignèrent sans surprise son fils comme 43e président
des États-Unis. Grâce à sa systématisation, l’utilisation de machines
avait permis la plus grande fraude électorale de l’histoire. [2]
À titre d’exemple, citons le
Washington Post du 7 novembre 2000 :
« Une chose très étrange est arrivée à Deborah Tannenbaum, qui
représentait le parti démocrate dans le comté de Volusia durant cette
nuit d’élection. À 22 h, elle avait appelé le bureau du comté chargé du
décompte et on lui avait appris qu’Al Gore devançait George Bush par 83
000 voix contre 62 000. Mais quand elle consulta, une demi-heure plus
tard, le site Internet du comté pour une mise à jour de ses chiffres,
elle découvrit un résultat surprenant : le score de Gore avait baissé de
16 000 voix. »
L’erreur venait du bureau 216 du comté
de Volusia, qui compte 585 inscrits. La machine à voter annonçait que
412 des inscrits étaient venus voter, un pourcentage habituel. Le
problème est que la machine annonçait que ces 412 votants avaient
exprimé 2 813 voix pour George Bush – ainsi que 16 022 voix
négatives à Al Gore.
Aux États-Unis toujours, en novembre
2003, dans le comté de Boome (Indiana), un ordinateur de vote enregistra
144 000 votes alors qu’il n’y avait que 19 000 électeurs. En octobre
2004, dans le Dakota du Nord, les codes-barres lus par les machines à
voter censés coder un « oui » et un « non » lors d’un référendum
donnaient tous les deux un « non ».
Généralisation de la fraude électorale
Ce système de triche fut rapidement
perfectionné par la généralisation des ordinateurs de vote à de nombreux
États. À chaque scrutin, les plaintes, recours et demandes d’annulation
affluent. Lors des élections parlementaires de mi-mandat, le 7 novembre
2006, l’ONG
VotersUnite a recensé plus de 250 incidents à travers le pays. Le
Congrès avait pourtant dépensé plus de 3 milliards de dollars pour
remettre à jour les équipements, après les problèmes de comptage des
voix constatés depuis l’élection présidentielle en 2000.
Un faisceau d’éléments semble, en fait,
montrer que la principale utilité des machines à voter est de faciliter
la fraude électorale. L’exemple de l’élection du sénateur républicain du
Nebraska Charles Hagel est édifiant.
Sa première élection au sénat, en 1996,
fit sensation tant elle allait à l’encontre des sondages qui donnaient
son adversaire démocrate loin devant. L’explication de cette élection
surprise fut apportée bien des années après par la responsable de l’ONG
BlackBoxVoting,
Bev Harris, qui révéla qu’avant d’être sénateur, Charles Hagel avait été
actionnaire, président et directeur du fabricant d’ordinateurs de vote
ES&S. Cette société compte environ 60 % des bulletins des États-Unis et
constitue l’une des trois marques homologuées en France. Lors de son
élection surprise,
les bureaux de vote de sa circonscription étaient équipés d’ordinateurs
de vote… ES&S.
Devant un exemple aussi flagrant de
conflit d’intérêts entachant la légitimité de l’élection, le comité
d’éthique du Sénat fut saisi. Dans une décision qui fit scandale, il
finit par confirmer M. Hagel – qui avait acquis un rôle politique clef
puisqu’il contrôlait potentiellement l’élection de plus de la moitié des
élus – dans sa fonction de sénateur et, afin d’éviter la réédition de ce
genre de problème… modifia la règle régissant le conflit d’intérêt.
La supériorité des ordinateurs de vote
sur les vieilles machines à voter à perforation est incontestablement
que la majorité d’entre eux ne permettent pas le recomptage des voix,
puisque tout est électronique et qu’il n’y a pas de bulletin. Ce qui
évite de longues batailles juridiques.
Une étrange société du nom de VoteHere
joua d’ailleurs un rôle prépondérant dans l’installation systématique
des ordinateurs de vote aux États-Unis. Malgré sa taille réduite, elle
dépensa plus d’argent que les trois fabricants d’ordinateurs de vote
réunis, ES&S, Diebold et Sequoia, pour promouvoir le vote électronique.
Le fait que Robert Gates, remplaçant de Donald Rumsfeld au poste de
secrétaire à la Defense, ait été l’un des directeurs de VoteHere accroît
la suspicion légitime contre les ordinateurs de vote.
Rappelons pour mémoire que Robert Gates
fut embauché par la CIA lors de son cursus universitaire et devint
analyste spécialisé en « soviétologie ». Il navigua entre l’Agence et le
Conseil de sécurité nationale jusqu’à devenir, en 1991, directeur de la
CIA. Au sein de l’agence, il organisa ou participa à de nombreuses
opérations de manipulation de l’opinion publique telles que l’imputation
erronée de la tentative d’assassinat de Jean-Paul II au KGB via la « filière
bulgare » [3].
Nicolas Sarkozy autorise les ordinateurs
de vote en France
En France, le ministère de l’Intérieur –
alors dirigé par Nicolas Sarkozy – a autorisé l’utilisation des
ordinateurs de vote par l’arrêté du 17 novembre 2003. Les modèles agréés
sont le modèle « ESF1 » de la société Nedap-France élection, le modèle
« iVotronic » de la société ES&S Datamatique et le modèle « Point & Vote »
de la société Indra Sistemas SA. Ils ont été utilisés à partir de 2004.
Lors des élections européennes, une quarantaine de villes les ont
utilisées dont Marseille, Nice, Dijon, Rennes et Grenoble. Lors de
l’élections présidentielle de 2007, 82 villes ont eu recours aux
ordinateurs de vote, ce qui représente 1,5 millions d’électeurs.
Cependant, l’arrivée en France des
ordinateurs de vote se base sur une interprétation litigieuse du terme
« machines à voter » introduit dans le code électoral en 1969, époque où
les ordinateurs n’existaient pas et où ce terme désignait une machine
mécanique que les autorités essayaient de mettre en place pour réduire
le taux de fraude électorale en Corse. La fiabilité de cette machine
dans laquelle aucune électronique n’intervenait était sans commune
mesure avec celle des ordinateurs de vote actuels.
De nombreuses études menées par des
informaticiens, ou avec leur concours, se sont posées la question de
savoir si l’utilisation du vote électronique était neutre ou si elle
pouvait introduire des biais contraires aux critères de sincérité,
confidentialité, transparence, unicité et anonymat du scrutin. Les
études indépendantes se concluent toutes par l’émission de sérieuses
réserves.
En septembre 2006, le département
informatique de la prestigieuse université de Princeton a, par exemple,
rendu publique une étude sur la sécurité des machines à voter. Les
chercheurs ont analysé une des machines présente dans les bureaux de
vote aux États-Unis, la Diebold AccuVote-TS. Leurs conclusions sont, sur
les points principaux, transposables à l’ensemble des ordinateurs de
vote présents sur le marché électoral du fait de leurs similitudes de
fonctionnement.
D’après le professeur Felten, membre du
laboratoire, les défis techniques nécessaires pour rendre fiable le vote
électronique sont « très difficiles voire impossibles à
relever ». L’étude stipule : « À la lumière des
procédures réelles d’élection, l’analyse de la machine montre qu’elle
est vulnérable à de très graves attaques. Par exemple, une personne qui
obtient un accès physique ne serait-ce que pendant une minute à la
machine ou à sa carte mémoire, peut y installer un programme pirate ; un
tel programme peut voler des voix de manière indétectable, modifier les
enregistrements, journaux et compteurs de sorte qu’ils soient en accord
avec les faux résultats qu’il vient de créer. Une telle personne mal
intentionnée peut également créer un programme qui se répand
silencieusement et automatiquement durant le cours normal des activités
électorales – un virus de vote. Nous avons procédé à des démonstrations
de ces attaques dans notre laboratoire. »
Le logiciel pirate peut être installé
aussi bien par un employé du fabricant, du vendeur ou loueur, que par le
transporteur ou toute personne ayant accès au lieu de stockage des
machines ou à ces même machines le jour du vote.
Dans le cas de figure précédent, il est
facile de faire en sorte que le programme pirate installé sur la machine
vole les voix à l’un des candidats pour les donner à un autre — sans que
cela soit détectable ni que l’on puisse ultérieurement recompter les
bulletins. Il n’y aurait ainsi aucun moyen de détecter la fraude
électorale.
De même, on peut aisément programmer
l’ordinateur pour qu’il répartisse les voix au profit d’un parti plutôt
que d’un candidat, qu’il truque les votes sur certaines élections
seulement, qu’il assure un certain pourcentage final ou, au contraire,
qu’il vole un certain pourcentage des voix adverses et ainsi de suite.
« Le décompte des votes
se fera correctement, le total des votes exprimés se fera correctement,
et les journaux internes de la machine ainsi que ses compteurs seront en
accord avec les résultats annoncés — mais les résultats seront
frauduleux. »
D’après l’étude, les failles de la
machine « sapent la fiabilité et la crédibilité des
élections dans lesquelles elle est utilisée. Les chercheurs en
informatique se sont toujours montrés sceptiques envers les systèmes de
vote de type Direct Recording Electronic (DRE, le type d’ordinateurs de
vote présents en France) qui sont essentiellement constitués
d’ordinateurs personnels sur lesquels tournent des logiciels conçus pour
les élections. L’expérience de toute sorte de systèmes informatiques
montre qu’il est extrêmement difficile de garantir la fiabilité et la
sécurité de logiciels complexes ou de détecter et diagnostiquer les
problèmes quand ils arrivent. Pourtant les DRE reposent fondamentalement
sur le fonctionnement correct et sécurisé de logiciels aux programmes
complexes. Pour le dire simplement, de nombreux chercheurs en
informatique doutent que des ordinateurs de vote sans impression papier
simultanée puissent être fiables et sûrs. Et ils s’attendent à ce que
les failles de tels systèmes restent indétectables. »
La procédure de vote à l’aide d’un
ordinateur dont le résultat est invérifiable, et qui est entièrement
contrôlé par une entreprise privée peut être représentée par une
analogie : il faut imaginer que le vote se déroule selon la procédure
habituelle à l’aide de bulletins papier, mais que le dépouillement des
bulletins soit réalisé par une entreprise privée qui emporterait les
bulletins, sans que quiconque puisse contrôler ce dépouillement, et
qu’il soit impossible d’obtenir les bulletins afin d’effectuer une
vérification.
Cela peut être analysé comme une
confiscation du contrôle du vote qui échappe alors aux citoyens pour
être confié à une entreprise privée.
Opposition de la population
En France, alertée par des
associations, des
informaticiens et un
documentaire vidéo faisant la démonstration d’une fraude, la
population est très majoritairement opposée à l’utilisation
d’ordinateurs de vote. À titre d’exemple, une pétition demandant le
retrait des machines a recueilli en quelques semaines plus de 80 000
signatures.
Le 22 avril 2007, le premier tour de
l’élection présidentielle n’a pas été pour rassurer les électeurs :
alors que les ordinateurs de votes sont présentés comme rendant plus
rapides les élections, de nombreux électeurs ont été contraints de faire
de longues queues devant les machines — et certains bureaux ont été
amenés à fermer après l’heure légale du fait des difficultés rencontrées ;
alors que les ordinateurs de vote sont présentés comme apportant plus de
garanties que les urnes transparentes traditionnelles, de nombreuses
personnes ont dû se faire aider dans l’expression même du vote —
remettant en cause la confidentialité du scrutin. Sans parler des
différences constatées entre les voix exprimées par la machine et les
émargements…
D’autres problèmes ont été soulevés. Ils
concernent les agréments des machines présentes dans les bureaux de vote.
Sous la pression d’associations et d’élus de l’opposition, ES&S a dû
remplacer dans l’urgence – à trois jours du scrutin – la quasi-totalité
de ses machines, manifestement non conformes à l’agrément du ministère
de l’Intérieur. Le logiciel installé dans les ordinateurs datait de
janvier 2007, date postérieure à l’agrément. Cette différence entre le
logiciel autorisé et le logiciel installé laissait la porte ouverte à
toutes les interprétations…
Les ordinateurs Nedap (France élection),
qui représentent 80 % des machines présentes dans les bureaux de vote,
ont quant à eux un autre problème. Ils ne sont pas équipés d’horloge
interne, comme en atteste le site Internet de France élection. [4]
Or l’arrêté du 17 novembre fixe parmi les exigences de conception des
machines qu’elles possèdent une horloge interne.
« Exigence 46 : La
machine à voter doit comprendre une horloge interne qui permette de
dater les divers événements et comptes-rendus mémorisés au cours d’un
scrutin. Les données heure-minute-seconde doivent pouvoir être ajustées
par les membres du bureau de vote avant l’ouverture du scrutin. Un
dispositif complémentaire, interne à la machine, doit permettre
d’enregistrer et de dater tous les événements, qu’il s’agisse d’actions
effectuées durant ou hors d’un scrutin, de manière à garder une trace de
toutes les interventions sur la machine et d’en vérifier l’imputabilité
en cas de contrôle ou de contentieux. »
Là encore, ces ordinateurs de vote ne
sont donc pas conformes à l’agrément et ne devraient pas être utilisés
lors des élections en France. Ils équipent pourtant 1 500 bureaux de
vote dans 70 villes.
Des recours devant le tribunal
administratif déposés avant le premier tour de l’élection présidentielle
ont tous été déboutés.
Interrogé par Le Monde informatique Gilles
Guglielmi, professeur de droit public à Paris II, livre son analyse :
« Le tribunal dit : "l’irrégularité existe mais au
vu de l’urgence, ce n’est pas suffisamment important pour que je règle
le problème à mon niveau". Or, explique Gilles Guglielmi,
il faut comprendre : "c’est trop compliqué pour moi, ça dépasse le
ressort territorial de Boulogne ou d’Issy, il vaut mieux que ce soit le
Conseil d’État qui tranche le problème". De fait, estime
le professeur, "il s’agit presque d’une incitation à faire appel.
" »
Pour les élections présidentielle et
législatives de 2007, 1.5 millions d’électeurs voteront sur un
ordinateur. Vu les doutes exprimés par les informaticiens et les
problèmes de conformité au code électoral des machines, les partis
politiques démocrates, et singulièrement les candidats, s’ils ne veulent
pas être suspectés de fraude seraient bien inspirés d’obtenir la
suspension de l’utilisation des ordinateurs de vote en France.
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[1]
« Jimmy
Carter déclare qu’Albert Gore a été élu président des États-Unis en
2000 », Réseau Voltaire, 27 septembre 2005.
[2]
Démocratie-Business, par Greg Palast, Éditions
Timeli, 2006.
[3]
Voir l’article
« L’OTAN : du Gladio aux vols secrets de la CIA », par Ossama Lotfy,
Voltaire, 24 avril 2007.
[4]
« Questions/Réponses »,
La machine à voter Nedap, alinéa 9, mars 2007, Grégoire REYNS, France
Election.
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