Valablement
représentée par son Comité
(article 69 du Code civil et chiffre 3.15 des statuts
de l'Association), en la personne de Philippe
Brennenstuhl, vice-président, et
René-Louis Berclaz, secrétaire
général, l'Association
Vérité et Justice (case postale 355 -
1618 Châtel-Saint-Denis) adresse au Tribunal
civil de la Veveyse (Châtel-Saint-Denis) un
Mémoire en défense contre la demande en
dissolution de l'Association Vérité
& Justice présentée par le
Ministère public de l'Etat de Fribourg en date
du 29 octobre 2001.
Historique
de l'Association
Objectifs
L'Association
Vérité & Justice a été
fondée le 17 janvier 1999 par Jürgen Graf,
Philippe Brennenstuhl et René-Louis Berclaz,
lesquels exercent respectivement les fonctions de
président, de vice-président et de
secrétaire général. Ses buts sont
de défendre les libertés d'opinion et
d'expression et de promouvoir la libre recherche en
histoire. V&J peut aussi venir en aide aux
personnes victimes de persécutions politique ou
idéologique. L'abrogation de l'article 261 bis
du Code pénal constitue l'objectif
suprême de V&J, cette loi étant
contraire à l'intérêt public et
incompatible avec la nouvelle Constitution
fédérale.
Activités
Après plus de
trois ans d'activité, V&J compte plus de
600 membres, sympathisants ou correspondants,
répartis sur les cinq continents. Ce
réseau a permis de constituer une banque de
données concernant des faits en rapport avec
les buts de V&J. Sur la base de ces
données, V&J publie périodiquement
des brochures et un bulletin d'information. De
même, V&J organise ou participe à des
rencontres et à des conférences, en
Suisse et à l'étranger. Davantage connue
à l'étranger qu'en Suisse (nul n'est
prophète en son pays !), totalement
indépendante sur le plan politique et
confessionnel, V&J est ouverte à toute
personne, sans distinction de religion, de culture ou
de race, ne craignant pas de s'engager activement en
faveur de la Justice et de la Vérité.
Précisons encore que V&J ne touche aucun
subside public : son budget de fonctionnement ne
dépend que de la
générosité de ses membres et
sympathisants.
L'accusation
En droit, le
Ministère public de l'Etat de Fribourg se
réfère à l'article 78 du Code
civil pour demander au Juge la dissolution d'une
association lorsque son but est illicite ou contraire
aux murs. Le Ministère public prend acte
que les statuts de V&J ne sont pas en cause. Le
Ministère public demande aussi la
dévolution de la fortune de V&J à
l'Etat de Fribourg. Pour justifier sa requête,
le Ministère public allègue que les
activités de V&J sont contraires à
la Convention internationale sur l'élimination
de toutes les formes de discrimination raciale du 21
décembre 1965, en particulier son article 4,
lequel condamne les organisations qui
prétendent justifier ou encourager toute forme
de haine ou de discrimination raciale.
La
défense
En soi, V&J n'est
pas mise en cause par le Ministère public :
celui-ci allègue à charge les seuls
agissements individuels des membres du Comité,
à l'exclusion des membres et autres
sympathisants. C'est pourquoi il convient d'appliquer
l'article 138 du Code de procédure civile vu
qu'une procédure pénale visant le
Comité de V&J est pendante devant le
Tribunal correctionnel de la Veveyse et d'autoriser
V&J à poursuivre ses activités
jusqu'à droit connu. Par ailleurs, les membres
et sympathisants de V&J n'étant pas
visés par le Ministère public, il
conviendrait de leur restituer, au cas où
V&J serait définitivement interdite, les
sommes qu'ils auraient versées sur le compte
postal de l'Association actuellement bloqué sur
ordre de justice.
Toutefois, afin de
permettre au Juge d'apprécier les enjeux en
cause et préalablement au procès
pénal où la défense se
réserve de développer d'autres
arguments, il n'est pas inutile d'exposer ce qui suit
:
Constatons tout
d'abord que le Ministère public relève
avec pertinence que les révisionnistes tiennent
pour " sacro-sainte " la liberté d'expression,
formellement garantie par l'article 16 de la
Constitution fédérale.
Il est vrai que dans
un Etat démocratique digne de ce nom, pour que
les citoyens puissent exercer leurs droits civiques en
toute connaissance de cause, il convient de garantir
la libre circulation de l'information pour tous. Et
cette liberté d'expression est effectivement
reconnue et garantie autant par la Déclaration
universelle des droits de l'homme adoptée par
l'Assemblée générale des Nations
Unies que par la Constitution fédérale.
Cette libre information doit nourrir le débat
public pour confronter les intérêts en
jeu, de manière à éclairer
l'opinion publique sur la meilleure politique à
suivre.
Il est vrai aussi que
la liberté d'expression se trouve rarement
libre de toute considération restrictive.
Comment concilier la liberté d'expression,
émanant d'intérêts particuliers,
avec la défense de l'intérêt
public ? Quel sera le critère permettant de
distinguer une restriction légitime à la
liberté d'expression d'une limitation
arbitraire ?
Pour répondre
à cette question, le Ministère public se
réfère au Conseil
fédéral.
" Le Conseil
fédéral s'était penché sur
la question de la compatibilité de la
restriction imposée par l'art. 261 bis CP avec
les deux libertés fondamentales
précitées [liberté
d'expression et liberté d'association]. Il
a conclu que l'art. 261 bis CP protégeait un
autre droit fondamental, le droit a la dignité
humaine (art. 7 Cst). Dans le cas d'opposition entre
plusieurs droits de même rang, il a
estimé qu'une pesée des
intérêts en présence permettait de
favoriser le droit à la dignité au
détriment de la liberté d'opinion et de
la liberté d'association
(FF 1992
III 298ss) ".
Dans un Etat de droit,
la réponse devrait normalement se trouver dans
la loi. Autrement dit, la loi peut,
exceptionnellement, limiter certaines libertés
fondamentales pour la seule sauvegarde de ces
mêmes libertés, mais cette loi devra
alors établir cette limitation au terme d'un
débat public précédant le vote
d'une telle loi, et non pas en vertu d'une
interprétation arbitraire du pouvoir
exécutif intervenant après ce même
vote.
Ce qui fait
problème avec l'article 261 bis du Code
pénal, son implication et ses enjeux, c'est que
sa présentation n'a pas fait l'objet d'un
véritable débat public et contradictoire
: cette loi s'est imposée sous l'influence
d'intérêts particuliers, ce qui a
faussé le débat, grossi certains faits
de manière abusive et désigné
comme " racistes " les opposants dont les arguments et
les intentions ont été
grossièrement diffamés et
falsifiés. C'est que partis, lobbies,
intérêts économiques,
privés ou sectoriels, bref, tout ce qui compose
la société, se livrent une
compétition implacable dans le but de
conquérir ou de garder le pouvoir. Dès
lors, il est évident que si une majorité
de ces acteurs s'entend pour exclure l'un des groupes
politiques en compétition, il cherchera
à le mettre hors la loi, au sens propre comme
au sens figuré, par tous les moyens possibles,
même légaux ! L'Etat et le gouvernement,
émanation de cette majorité dominante, y
compris les plus hautes instances judiciaires, se
trouvent ainsi engagés dans la même
compétition pour tenter de maintenir leur
hégémonie et leur influence en
disqualifiant ceux dont l'opinion
dérange.
Sous prétexte
de défendre la dignité humaine, on a
limité des droits fondamentaux jusqu'à
les vider de leur substance, notamment le droit de
pouvoir exposer sa cause, le droit de pouvoir
communiquer ses raisons et ses arguments, bref, le
droit d'être entendu. Rappelons que le droit
d'être entendu est expressément reconnu
au citoyen comme à tout justiciable.
Sous prétexte
de défendre la dignité humaine, on
s'autorise à considérer les citoyens
comme des mineurs, incapables de discernement dans
certains cas, mais, paradoxalement, tout à fait
aptes par ailleurs à exercer leurs droits
civiques. La capacité de discernement est
pleine et entière, ou n'est que fictive. Quand
le Conseil fédéral tranche
d'autorité en déclarant que le droit
à la dignité humaine prime sur les
autres droits fondamentaux, il tombe dans l'arbitraire
et commet un abus de pouvoir. Ainsi, chaque fois qu'un
justiciable se réclamera d'un droit fondamental
pour présenter une requête jugée
indésirable, on lui opposera le " Joker " de la
" dignité humaine " ! Fort
opportunément, le Conseil fédéral
se garde bien d'en définir le sens : c'est que
les libertés d'opinion, d'expression,
d'association, ainsi que le droit supérieur du
public d'être informé, font
intrinsèquement partie de la dignité
humaine, et que la liberté d'expression, en
particulier, résume et garantit toutes les
autres, à l'exemple du Premier Amendement de la
Constitution américaine. L'argumentation
liberticide du Ministère public fribourgeois
est insoutenable sur le plan logique, éthique
et juridique. Tout justiciable a le droit de se
défendre, donc de s'exprimer. En voulant
interdire V&J, le Ministère public veut
priver les révisionnistes du droit de
s'exprimer, donc du droit de se
défendre.
L'abus
d'autorité est flagrant et devrait tomber de
lui-même, dans un Etat de droit digne de ce nom,
sous le coup de la loi ! Mais l'abus d'autorité
est couvert par la raison d'Etat. Le seul moyen de
dénoncer et de combattre les abus
d'autorité et leurs tentatives consiste
à user de la liberté d'expression pour
en informer l'opinion publique. L'enjeu, on le voit,
est de taille, et l'on comprend pourquoi les "
abuseurs " tentent, par tous les moyens possibles, de
censurer toute information contraire à leurs
intérêts.
Voici un exemple
flagrant d'un abus d'autorité couvert par la
raison d'Etat. La lettre ci-dessous a
été adressée en date du 8
novembre 1999 au conseiller fédéral
Adolf Ogi, alors chef du Département
fédéral de la défense.
Monsieur le
Conseiller fédéral,
Nous nous
référons à un article paru dans
le quotidien " 24 Heures " du 5 novembre dernier,
article dans lequel le colonel commandant de corps
Fernand Carrel est interrogé par le journaliste
Xavier Dormond, et plus particulièrement au
passage suivant :
" Aujourd'hui, quinze
accords bilatéraux ont été
signés avec dix armées de l'air
étrangères. Des accords au grand jour.
Il n'en a pas toujours été de
même. En mars-avril 1979, deux pilotes
israéliens ont pu voler secrètement sur
des Mirages helvétiques, depuis
l'aérodrome de Payerne, pour s'entraîner
au combat aérien contre le nouveau F-5 Tiger,
un modèle que l'Egypte venait aussi
d'acquérir. "
Cet article rejoint
celui paru dans le quotidien " La Liberté " du
20 septembre 1999, lequel se référait
à une dépêche de l'ATS
:
" En parallèle
à cette affaire [l'affaire Bellasi], le
Sonntagsblick a indiqué que des membres des
forces de sécurité israéliennes
ont été formés [en
Suisse] de 1979 à 1983 à la
sécurité des ambassades et des
synagogues en Europe. "
Le 12 septembre 1993,
le quotidien " Le Monde " publiait l'article suivant
au sujet du respect des droits de l'homme en
Israël :
" Cette organisation
humanitaire [Betselem, organisation
israélienne] indique aussi qu'au moins
vingt mille détenus sont torturés,
chaque année, dans des centres de
détention militaire, au cours
d'interrogatoires. "
Auriez-vous
l'obligeance, Monsieur le Conseiller
fédéral, de bien vouloir nous dire sur
quelles bases légales a eu lieu cette politique
de " collaboration ", sachant que l'Etat d'Israël
était alors sous le régime de la loi
martiale, que la Cour suprême israélienne
avait légalisé la torture le 15 novembre
1996, et que l'Assemblée générale
des Nations Unies avait adopté une
Résolution le 10 novembre 1975
(Résolution 3379-xxx) définissant le
sionisme comme " une forme de discrimination raciale
".
De plus, l'Etat
d'Israël violait au moment des faits
incriminés l'article 49 de la Convention de
Genève, lequel stipule : " La puissance
occupante ne pourra procéder au transfert d'une
partie de sa propre population civile dans le
territoire occupé par elle ". Relevons que
cette situation, dans les faits, reste
inchangée.
Notre Association a
pour buts de promouvoir la libre recherche historique
et de défendre les libertés d'opinion et
d'expression, lesquelles sont garanties en principe
par l'article 16 de la nouvelle Constitution
fédérale. Il nous semble digne
d'intérêt d'obtenir des
éclaircissements au sujet de cette politique de
" collaboration " menée par la Suisse neutre
avec un Etat raciste et terroriste, en vue d'informer
objectivement l'opinion publique.
Nous vous remercions
de votre obligeante attention, et vous prions de
croire, Monsieur le Conseiller fédéral,
à l'assurance de notre haute
considération.
Vérité
& Justice
Le conseiller
fédéral Ogi n'a jamais daigné
répondre à cette missive. Faut-il
interpréter un tel silence au fait que certains
citoyens, considérés comme mineurs,
n'ont pas à s'immiscer dans ce qui
relève de la raison d'Etat ?
Le but de V&J
consiste à inciter les citoyens à ne pas
subir ce genre de discrimination politique, et non pas
à inciter à la haine et à la
discrimination raciale. La dignité humaine bien
comprise consiste à lutter pour obtenir
l'émancipation politique des citoyens de cet
état de minorité qui leur est
imposé au nom de la raison d'Etat et du droit
du plus fort. Une telle action ne doit pas être
seulement comprise comme une démarche partisane
en vue de promouvoir des intérêts
particuliers : toute restriction arbitraire des
libertés d'opinion, d'expression et
d'association constitue un attentat contre notre
démocratie et contre l'intérêt
public. Affirmer, comme le prétend le
Ministère public, que V&J est une
association " raciste ", ceci pour justifier son
interdiction, relève du procès
d'intention, autrement dit du procès politique.
Nos droits constitutionnels et ancestraux ne nous ont
pas été octroyés : ils sont le
fruit d'une conquête acharnée et, comme
toute conquête, ils doivent être
défendus. La liberté ne s'use que si
l'on ne s'en sert pas. Le philosophe Emmanuel Kant
s'est exprimé de la manière la plus
claire sur cette question. Dans sa Réponse
à la question : qu'est-ce que les
Lumières, le Maître de K?nigsberg a
écrit ceci :
" Les Lumières
se définissent comme la sortie de l'homme hors
de l'état de minorité, où il se
maintient par sa propre faute. La minorité est
l'incapacité de se servir de son entendement
sans être dirigé par un autre. Elle est
due à notre propre faute quand elle
résulte non pas d'un manque d'entendement, mais
d'un manque de résolution et de courage pour
s'en servir sans être dirigé par un
autre. "
Kant:
uvres philosophiques, La Pléiade,
Gallimard, 1985, Vol. 2, pages 207-217
On voit que Kant ne se
réfère pas à un droit
théorique, mais qu'il fait d'abord appel au
courage et à la résolution de chacun. Le
droit, si excellent soit-il, ne saurait en effet
produire spontanément le courage et la
résolution nécessaire à
l'exercice des libertés. Le droit seul ne peut
permettre la manifestation des libertés et,
surtout, garantir les conditions de leur usage public.
C'est donc un droit, mais surtout un devoir, pour tout
citoyen digne de ce nom, de défendre les
libertés publiques. Cette exigence de libre
communication, de comparaison et de confrontation des
opinions est d'autant plus nécessaire que les
idées rationalistes et idéalistes qui
ont fondé le mouvement des Lumières ont
été confrontées dans la pratique
à des révolutions sanguinaires qui en
ont perverti les idéaux. Aussi cette exigence
a-t-elle été confirmée, au XXe
siècle, par Karl Popper, qui la situe au tout
premier rang de son épistémologie et de
son rationalisme critique, affirmant les
critères fondamentaux que sont la libre
communication, le libre examen et la libre
confrontation de toutes les thèses formulables.
Soustraire de cette méthode un domaine
quelconque de la recherche, interdire le libre examen
de ce qui est présenté comme une
vérité historique absolue et
indiscutable, détourner le public, par la
censure, la menace et la répression, de
certaines publications sous prétexte que leur
intention porterait atteinte à quelque grand
principe tabou, ou minimiserait des faits de
notoriété publique, revient à
avouer que l'on détourne la méthode au
profit d'une idéologie, autrement dit que l'on
est décidé à remplacer la raison
critique par un dogme politique. Des faits, si
notoires nous dit-on, qu'ils ne supportent ni
comparaison, ni confrontation - ce que nous impose
désormais une loi interprétée de
manière abusive ! - sont de nature à
faire régresser le citoyen dans l'état
de minorité, si propice aux agissements des
Etats totalitaires.
Plus grave encore, la
répression consiste à criminaliser
certaines opinions pour en bannir toute expression
dans le domaine public. Les nouveaux inquisiteurs
n'hésitent plus à procéder
à des amalgames odieux, exprimée dans
cette formule incantatoire : " L'antisémitisme
n'est pas une opinion, c'est un crime contre
l'humanité ". Conclusion expiatoire : " C'est
un crime sanctionné par la loi ". Ce qui veut
dire, concrètement, qu'il est possible, dans
notre " Etat de droit ", de produire un faux
témoignage, puis de se soustraire à
toute critique en arguant d'un contradicteur qu'il est
antisémite et de le faire condamner comme
tel
Un Etat se disant
démocratique qui autoriserait dans la personne
de ses magistrats et de ses juges un semblable
détournement de ses propres principes et de ses
obligations légales doit, sans doute,
être au service d'intérêts
inavouables pour livrer ses citoyens au mensonge,
à l'arbitraire et à la répression
sous le prétexte fallacieux de protéger
la dignité humaine d'un lobby tout-puissant.
L'interdiction de
V&J serait la confirmation que cette conclusion ne
relève plus de l'hypothèse, mais de la
plus inquiétante
réalité.
Châtel-Saint-Denis,
le 28 février 2002
Vérité
& Justice
Philippe
Brennenstuhl,
vice-président
René-Louis
Berclaz,
secrétaire
général