Kevin MacDonald : Culture De La Critique –
L’implication Juive Dans Le Mouvement Psychanalytique (5)
La psychanalyse en tant que mouvement politique (suite et fin)
La psychanalyse servait à Freud non seulement à contrôler ses
vassaux masculins, mais aussi à pathologiser la résistance des
femmes aux avances sexuelles des hommes. La chose est évidente
quand on examine le cas fameux de l’adolescente Dora, qui avait
repoussé les avances d’un homme d’âge mûr et marié. C’est le
père de Dora qui l’avait envoyée chez Freud pour qu’il la
persuadât de céder aux avances de cet homme, car il s’agissait
pour le père, qui avait eu une aventure avec la femme de cet
homme, de lui offrir un dédommagement. Freud, complaisant,
attribua le refus de Dora à la répression d’un désir amoureux
envers cet homme. Le message consiste à dire que les jeunes
filles de 14 ans qui ne cèdent pas aux propositions d’hommes
mûrs et mariés ont un comportement hystérique. Un évolutionniste
interpréterait ce même comportement comme une conséquence
compréhensible (et adaptée) de sa psychologie évoluée.
Donald Kaplan, un psychanalyste non-professionnel, refléta bien
le sentiment favorable à l’égard de Freud dans les médias
populaires des années 1950, quand il écrivit dans le magazineHarper’sque
Freud avait « mis en œuvre la plus grand ingéniosité » dans
l’examen du cas Dora : « Ces trois mois avec Freud ont dû être
la seule expérience d’irrécusable honnêteté de sa longue et
pauvre existence » (‘Freud and his own patients’, déc. 1967).
Lakoff et Coyne concluent leur étude du cas Dora en établissant
que la psychanalyse se caractérisait en général par le contrôle
mental, la manipulation et l’avilissement de l’analysant[*].
De même, Crew décrit le cas « à peine croyable » de la
manipulation d’un certain Horace Frink, président de la Société
de Psychanalyse de New York. Freud l’avait poussé à faire un
divorce désastreux et à se remarier avec une riche héritière,
qui apporterait en dot une contribution financière
non-négligeable au mouvement psychanalytique. La seconde femme
de Frink demanda ensuite le divorce. Ces deux divorces
s’accompagnèrent d’épisodes maniaco-dépressifs.
Ces découvertes ont pour corollaire important d’exhiber nombre
de traits communs entre psychanalyse et lavage de cerveau. Toute
objection que ferait l’apprenti psychanalyste pendant son
analyse de formation est considérée comme une résistance à
dépasser. Beaucoup d’analysants contemporains estiment que leurs
analystes les ont traités avec agressivité, en les
assujettissant à « l’autorité incontestée » de l’analyste
idolâtré qui faisait d’eux des suiveurs passifs et dévoués.
Masson décrit son analyse de formation comme une « éducation
prise en main par un parent despotique », étant donné que les
qualités attendues du futur analyste sont la douceur dans la
soumission et la servilité dans l’obéissance.
Je prétends que ce travail d’inculcation imposé à des disciples
passifs et dévoués, par le truchement de l’agression et du
contrôle mental, a toujours fait partie intégrante du projet
psychanalytique. Au niveau des principes, la structure
essentiellement pseudo-scientifique de la psychanalyse implique
l’impossibilité de résoudre les désaccords d’une manière
scientifique, ce qui fait que le seul moyen d’y parvenir est de
passer par la contrainte personnelle, comme le fait remarquer
Kerr. En conséquence, le mouvement devait de toute nécessité
déboucher sur une orthodoxie, affectée ici et là de déviations
sectaires issues d’individus expulsés du mouvement. Ces rameaux
dissidents répliquèrent la structure fondamentale de tous les
mouvements de type psychanalytique :
Chaque désaccord majeur portant sur la théorie ou la
thérapie devait s’adosser à un nouveau groupe social
susceptible de l’accréditer, tradition psychanalytique
encore confirmée par les dernières scissions dans les
instituts freudiens (Hale, The Rise and Crisis of
Psychoanalysis in the United States : Freud and the
Americans, 1917-1985, p. 26).
Si la science véritable est individualiste dans son noyau, la
psychanalyse est, dans toutes ses manifestations, un ensemble de
groupes autoritairement soudés autour d’un chef charismatique.
Malgré le fait qu’aucune espèce de corpus de recherches
scientifique ne vient la soutenir et en dépit de l’atmosphère
autoritaire et fortement politisée du mouvement, la psychanalyse
a pu jusqu’à une date récente « se tailler une place très
honorable à l’intérieur du monde de la pratique et de
l’enseignement de la médecine ». L’Association Psychiatrique
Américaine (APA) « a été dirigée pendant de nombreuses années
par des psychanalystes cliniciens, que ce soit en qualité de
médecin-chef comme le Dr. Melvin Sabshin, ou de président comme
l’illustre toute une succession de présidents psychanalystes »
(Cooper, ‘The future of psychoanalysis : Challenges and
opportunities’, p. 82). L’APA a directement et indirectement
soutenu la Société Américaine de Psychanalyse. Le crédit
intellectuel accordé à la psychanalyse dans le monde de la
psychiatrie au sens large, et une part considérable des
ressources financières qu’elle a pu obtenir, n’ont donc pas été
le fruit du développement d’un corpus de recherches
scientifiques ou de l’expérimentation d’autres types de
recherches, mais d’un jeu d’influence politique au sein de
l’APA.
La psychanalyse a trouvé une autre source de financement au sein
de la communauté juive, bien disposée en sa faveur. La
sur-représentation juive parmi les patients désireux d’un
traitement psychanalytique est flagrante : dans les années 1960,
il y avait 60 % de Juifs parmi les clients des cliniques
psychanalytiques. Glazer & Monihan ont fait le portrait de cette
sous-culture juive new-yorkaise du milieu du XXe siècle, où la
psychanalyse était une institution culturelle centrale qui
remplissait peu ou prou les mêmes fonctions que l’appartenance à
la religion traditionnelle :
En Amérique, la psychanalyse est un produit spécifiquement
juif (…) C’était une façon scientifique de réformer son âme,
pour la rendre complète et robuste, qui se séparait, au
moins en surface, du mysticisme, du libre-arbitre, de la
religion et autres obscures conceptions romantiques que
leurs esprits rationnels rejetaient (Beyond the Melting Pot,
p. 175).
Patients et analystes participaient à un même mouvement laïc qui
conservait les traits psychologiques du judaïsme en tant que
mouvement séparatiste, autoritaire et collectiviste à tendance
sectaire.
Pour finir, on peut conclure raisonnablement que le véritable
analysant de Freud était la gentilité elle-même et que la
psychanalyse était essentiellement un acte d’agression contre
cette culture. On peut considérer la méthodologie et la
structure institutionnelle de la psychanalyse comme des essais
de lavage de cerveau de la gentilité visant à obtenir
l’acceptation passive de la critique radicale de sa culture,
telle qu’elle est contenue dans les prémisses fondamentales de
la psychanalyse. Sous le manteau de son jargon scientifique,
l’autorité de l’analyste dépendait en dernier ressort d’un
mouvement fortement autoritaire dans lequel le désaccord
conduisait à l’expulsion et à la confection de rationalisations
qui pathologisaient son expression.
Dans une lettre à Karl Abraham, Freud montre qu’il croyait que
les Gentils devaient dépasser leurs « résistances intimes » pour
accepter la psychanalyse. Comparant son destinataire à Jung,
Freud écrivait :
Vous êtes plus proche de ma constitution intellectuelle pour
des raisons de parenté raciale [rassenverwandschaft], alors
que lui en tant que chrétien et fils de pasteur ne peut
cheminer vers moi qu’en rencontrant de grandes résistances
intimes (inYerushalmi,Freud’s
Moses : Judaism Terminable and Unterminable, p. 42).
Dans ces conditions, l’acceptation de la psychanalyse par les
Gentils représente en un sens la victoire des Juifs sur les
tendances « intimes » des chrétiens – autrement dit, la victoire
du général sémite sur son adversaire tant haï, la gentilité.
Kurzweil a montré que la tendance à la pathologisation du
désaccord ne se manifestait pas seulement à l’encontre des
dissidents du mouvement, mais aussi à l’encontre de l’ensemble
des pays où la psychanalyse n’arrivait pas à prendre racine.
Ainsi, le peu de chaleur que la psychanalyse commença par
rencontrer en France fut expliqué par la présence de « défenses
irrationnelles » (The
Freudians : A Comparative Perspective, p. 30) et la
situation semblable de l’Autriche par « une résistance générale
» à la psychanalyse (ibidem p. 245), expression où le mot «
résistance » est à prendre avec tous ses échos psychanalytiques.
Sigmund Freud, par Lug
La psychanalyse, instrument de la critique radicale de la
culture occidentale : l’influence culturelle du freudisme
Étant donné que l’idéologie de Freud était délibérément
subversive et cherchait en particulier à saper les institutions
occidentales touchant au sexe et au mariage, il n’est pas
inutile d’examiner ses effets d’un point de vue évolutionnaire.
En Occident, le mariage est depuis longtemps monogame et
exogame, caractères qui tranchent avec ce qui a cours dans
d’autres sociétés stratifiées, en particulier celles du
Proche-Orient, tel l’Israël antique.
Les opinions de Freud qui sont font jour dansTotem
et TabouetMalaise
dans la Civilisationne saisissent pas le
caractère unique des institutions romaines puis chrétiennes qui
ont produit les systèmes d’accouplement, uniques dans leur
égalitarisme, de l’Europe de l’Ouest. En Europe de l’Ouest, la
répression du comportement sexuel a servi fondamentalement de
soutien à la norme sociale de la monogamie, système
d’accouplement où les différences de richesses sont beaucoup
moins reliées à l’accès aux femmes et au succès reproductif que
dans les civilisations traditionnelles non-occidentales, où la
polygamie a été la norme. Comme nous l’avons expliqué dansA
People That Shall Dwell Alone, la polygamie implique une
compétition sexuelle entre mâles, les mâles riches ayant accès à
un nombre disproportionné de femmes et les hommes de plus basse
condition étant souvent privés de la possibilité de se
reproduire. Ce genre de système matrimonial est très commun dans
les sociétés stratifiées traditionnelles ; on l’observe dans la
Chine et l’Inde anciennes, dans les sociétés musulmanes et dans
l’Israël ancien. Tandis que les hommes pauvres ne peuvent pas
trouver une femme, celles-ci sont réduites au statut de bien
meuble et sont achetées en qualité de concubines par les mâles
riches. La norme sociale de la monogamie représente donc un
système reproductif relativement égalitaire pour les hommes.
En outre, à cause des niveaux plus élevés de compétition
sexuelle entre mâles, le statut de la femme dans les sociétés
non-occidentales est incommensurablement plus bas que dans les
sociétés occidentales où la monogamie s’est développée. Ce n’est
pas un hasard si le mouvement récent pour les droits des femmes
s’est développé dans les sociétés occidentales plutôt que dans
les autres sociétés stratifiées. La confusion massive
caractéristique de la psychanalyse se retrouve chez le proche
collaborateur de Freud, Fritz Wittels. Ce dernier attendait
qu’une poignée de psychanalystes juifs messianiques
inaugurassent une ère de libération et de liberté sexuelle, mais
cette attente se fondait sur une incompréhension profonde du
sexe et de la psychologie humaine. Wittels condamnait « notre
satanée culture contemporaine » qui forçait les femmes à rentrer
dans « la cage de la monogamie » (inGay,Freud :
A Life for Our Time, p. 512), remarque qui manifeste une
incompréhension complète des effets de la compétition
inter-masculine telle qu’elle se manifeste dans la polygamie.
Il y a de bonnes raisons de supposer que la monogamie a été un
élément nécessaire du profil démographique particulier, à «
pression faible », des Européens, tel que décrit par Wrigley et
Schofield. Ce profil démographique découle des mariages tardifs
et du taux élevé de célibat féminin pendant les périodes de
disette économique. La connexion théorique avec la monogamie est
que le mariage monogame aboutit à une situation où les pauvres
des deux sexes sont incapables de se reproduire, alors que dans
les systèmes polygames, un excédent de femmes pauvres ne fait
qu’abaisser le prix des concubines pour les mâles riches. À la
fin du XVIIe siècle par exemple, environ 23 % des individus des
deux sexes restaient célibataires entre 40 et 44 ans, mais à la
faveur d’un changement de conjoncture économique, ce taux chuta
à 9 % au début du XVIIIe siècle et l’âge moyen du mariage
s’abaissa corrélativement. Tout comme la monogamie, ce schéma
était unique en son genre dans les sociétés stratifiées de
l’Eurasie.
Ce profil démographique à pression faible semble avoir produit à
son tour des effets d’ordre économique. Non seulement les taux
de mariage étaient le frein principal à la surpopulation, mais,
en Angleterre surtout, cette réponse a fourni l’arrière-plan à
des changements économiques favorables, puisque l’accumulation
du capital pouvait avoir lieu pendant les périodes fastes au
lieu d’être sous la pression constante des bouches à nourrir.
Le fait que l’ajustement mutuel ait pu se faire si librement
entre les fluctuations économiques et démographiques a
conduit à une augmentation du revenu réel, graduelle, mais
importante. Ceci donna l’occasion de sortir du piège des bas
revenus, qu’on voit parfois comme le grand inhibiteur de
toutes les nations pré-industrielles. Une longue période de
hausse des revenus réels, en changeant la structure de la
demande, donne normalement un fort coup de fouet à la
demande de marchandises qui ne sont pas des biens de
première nécessité, et donc aux secteurs économiques dont la
croissance est particulièrement importante en cas
d’irruption d’une révolution industrielle. (Wrigley &
Schofield,The
Population History of England, 1541-1871, p. 439)
Il n’est pas absurde donc de supposer que la monogamie,
déterminant ce profil démographique à pression faible, était une
condition nécessaire de l’industrialisation. L’argument suggère
que la norme sociale de la monogamie – encadrée religieusement
et culturellement dans les sociétés occidentales – est bel et
bien un aspect central de l’architecture de la modernisation
occidentale.
Les institutions occidentales touchant au sexe et au mariage ont
produit une autre conséquence importante, qui est de favoriser
un haut degré d’investissement parental. Comme nous l’avons
souligné, une des pires erreurs de Freud a été d’absorber
l’amour dans le sexe. C’était aussi son erreur la plus
subversive, et on ne saurait surestimer le caractère désastreux
des effets produits par l’acceptation de l’idée freudienne selon
laquelle la libération sexuelle aurait des effets socialement
salutaires.
Contrairement au point de vue psychanalytique, la théorie
évolutionnaire est compatible avec une perspective qui
distinguerait au moins deux systèmes indépendants influençant le
comportement reproductif. Le premier système est celui de la
liaison d’une paire d’individus de façon à favoriser la
stabilité de la paire et un haut degré d’investissement
parental. Ce système place le père dans la famille en position
de pourvoyeur de ressources pour les enfants, pourvoyant ainsi
une base à des liens d’affection étroits (amour romantique)
entre l’homme et la femme. Les recherches en psychologie de
l’attachement et de la personnalité donnent assez de preuves de
l’existence de ce système.
Le deuxième système est celui de l’attirance sexuelle qui
favorise l’accouplement et les rapports sexuels à court terme.
Ce système est associé du point de vue psychométrique à
l’extraversion, à la recherche de sensations, à l’agression et à
d’autres systèmes appétitifs. La recherche en psychologie
confirme l’hypothèse que les individus fortement inscrits dans
ce deuxième système ont en moyenne davantage de partenaires
sexuels et un comportement sexuel moins inhibé. Touchant
particulièrement les jeunes hommes adultes, ce système sert de
base à un comportement d’accouplement où le rôle des hommes
revient à inséminer les femmes plutôt que de procurer un
investissement continu aux enfants. Beaucoup de sociétés
humaines ont été caractérisées par une intense compétition
sexuelle entre hommes pour le contrôle d’un maximum de femmes.
Cette recherche masculine d’un grand nombre de partenaires et de
rapports sexuels n’a rien à voir avec l’amour. C’est un trait
distinctif de la culture occidentale que d’avoir
significativement inhibé cette tendance masculine, tout en
procurant un soutien culturel à l’établissement de couples et
aux mariages d’amour. Il s’en est suivi un système
d’accouplement à haut investissement parental et relativement
égalitaire.
Par conséquent, la mise en valeur par la psychanalyse de la
sexualité et du sexe avant le mariage est en son fond un projet
qui promeut un style de vie à faible investissement parental. Le
faible investissement parental est associé à la sexualité
précoce, à la reproduction prématurée, à l’intempérance et à
l’instabilité des couples. Écologiquement, le fort
investissement parental est associé au besoin d’une progéniture
compétitive. Or, nous avons vu que l’un des aspects du judaïsme
en tant que stratégie évolutionnaire de groupe était son
insistance sur le fort investissement parental (A
People That Shall Dwell Alone, chap. 7). Appliqué à la
gentilité, le projet subversif de la psychanalyse devrait avoir
pour effet de produire une progéniture moins compétitive ; à
long terme, la gentilité devrait se caractériser par un faible
investissement parental, et comme nous allons le voir ci-après,
les preuves ne manquent pas pour affirmer que la révolution
sexuelle inaugurée ou au moins grandement favorisée par la
psychanalyse, a produit exactement ce genre d’effets.
À cet égard, il est intéressant de remarquer que la norme
sociale monogame en Occident s’est accompagnée du développement
du mariage d’amour. Un des traits particuliers du mariage
occidental est qu’il connaît un courant qui tend vers le mariage
d’amour fondé sur l’affection et le consentement entre
partenaires. Bien que la datation de cette révolution affective
au sein des diverses couches sociales soit l’objet de
controverses, plusieurs historiens ont remarqué combien
l’affection dans les rapports entre parent et enfant et entre
époux était chose fréquente et importante psychologiquement en
Occident depuis le Moyen Âge, ou au moins depuis le dix-septième
siècle. Stone fait remarquer qu’à la fin du dix-huitième siècle,
« même dans les grandes maisons de la noblesse, l’affection
mutuelle était considérée comme un prérequis matrimonial
essentiel » (The
Road to Divorce, p. 60).
Considérant l’animosité de Freud envers la culture occidentale
en général et l’Église catholique en particulier, il est
intéressant de voir que la politique ecclésiastique concernant
le mariage a comporté un effort largement couronné de succès en
vue d’instituer le consentement et l’affection entre partenaires
comme des traits normatifs du mariage. L’opposition à
l’hédonisme et l’idéalisation de l’amour romantique comme base
du mariage monogame ont aussi périodiquement été portées par des
mouvements intellectuels occidentaux non-religieux comme le
stoïcisme de l’antiquité tardive et le romantisme du
dix-neuvième siècle.
D’un point de vue évolutionnaire, le consentement libère les
individus pour la recherche de leurs intérêts matrimoniaux, dont
font partie la compatibilité et l’affection conjugale. Bien que
l’affection puisse tout à fait exister dans des mariages
arrangés (aspect mis en avant par certains historiens de la Rome
républicaine, comme Dixon), toutes choses étant égales par
ailleurs, le libre consentement au mariage est davantage
susceptible de faire que l’affection soit un critère important.
Ces constats montrent de manière frappante la différence qui
existe entre le judaïsme en tant que stratégie de groupe
collectiviste, dans laquelle les décisions individuelles sont
submergées par les intérêts du groupe, et les institutions
occidentales fondées sur l’individualisme. Au chapitre 7 de
notre ouvrage sus-mentionné, nous avons montré des preuves que
même après la Première Guerre mondiale, les mariages arrangés
étaient la règle chez les Juifs, parce que la base économique du
mariage était trop importante pour laisser faire les caprices de
l’amour romantique. Bien que le fort investissement parental fût
un aspect important du judaïsme en tant que stratégie
évolutionnaire de groupe, l’affection entre époux n’était pas
considérée comme centrale dans le mariage, à telle enseigne que
Cuddihy a pu faire remarquer que toute une lignée
d’intellectuels juifs la tenaient pour le produit fort suspect
d’une culture étrangère. Les Juifs on continué à pratiquer le
mariage consanguin – pratique qui met en évidence le caractère
fondamentalement biologique du projet judaïque – bien après
1900, alors que l’Église s’est opposée à la consanguinité comme
fondement du mariage depuis le Moyen-Âge. Le judaïsme ne cessa
pas de mettre l’accent sur les mécanismes collectivistes de
contrôle social du comportement individuel, conformément aux
intérêts des familles et du groupe, des siècles après que le
contrôle du mariage passa en Occident des familles et du clan
aux individus. Contrairement à l’importance donnée par les Juifs
aux mécanismes de groupe, la culture occidentale a mis en valeur
les mécanismes individuels de l’attirance personnelle et du
libre consentement.
Pour conclure, les institutions laïques et religieuses de
l’Occident ont produit un système d’accouplement très égalitaire
associé à un fort investissement parental. Ces institutions ont
donné un rôle central au caractère heureux de l’assortiment et à
la bonne entente dans la vie de couple, comme base du mariage.
Cependant, quand ces institutions furent l’objet de la critique
radicale de la psychanalyse, elles en vinrent à être vues comme
porteuses de névroses et la société occidentale elle-même se vit
comme malsaine. Les écrits de Freud qui portent sur ces sujet
sont pleins de remarques faisant étant du besoin d’une plus
grande liberté sexuelle pour dépasser les névroses débilitantes.
Comme nous allons le voir, les critiques psychanalytiques plus
tardives de la gentilité allaient considérer que la répression
de la sexualité menait à l’antisémitisme et portait en germe
d’autres maladies modernes.
"Si j'étais un leader arabe, je ne signerais jamais un accord
avec Israël. C'est normal; nous avons pris leur pays. [...] Ils ne voient qu'une seule chose : nous sommes venus et nous
avons volé leurs terres. Pourquoi devraient-ils accepter cela ?"
- David Ben-Gourion, premier ministre israélien, cité par Nahum Goldmann dans
"Le Paradoxe Juif", page 121.