Kevin MacDonald : Culture De La
Critique – Les Juifs Et La Gauche (3)
Gauche
radicale et identification juive en Angleterre et aux États-Unis
Depuis les débuts du mouvement à la fin du XIXe siècle, la
gauche radicale juive américaine s’est caractérisée elle aussi
par une forte identification juive. L’étude de Sorin parue en
1985 sur les gauchistes radicaux juifs qui immigrèrent aux
États-Unis au début du XXe siècle montre que seuls 7 % d’entre
eux étaient hostiles à toute idée de séparatisme juif. Plus de
70 % avaient « une conscience positive de leur judaïté. La
plupart d’entre eux appartenaient à des institutions,
affiliations et organisations sociales juives qui se
chevauchaient ».
En outre, 26 sujets au maximum sur 95 appartenaient aux
catégories que Sorin nommait « hostiles, ambivalentes ou
assimilationnistes », mais « la plupart de ces personnes, si ce
n’est toutes, étaient en proie à un combat intérieur pour
arriver, souvent de façon créative, à synthétiser ces nouvelles
identités » (The
Prophetic Minority : American Jewish Immigrant Radicalsp.
115) L’idée-force du chapitre d’où nous tirons ces informations
est que la plupart de ces Juifs de la gauche radicale qui se
reconnaissaient comme « déracinés » avaient une fausse
conscience de leur faible identification juive.
Les remarques suivantes, au sujet d’Emma Goldman, très fameuse
Juive de la gauche radicale, illustrent bien la tendance
générale :
Les pages du magazineMother
Earth, qu’Emma Goldman fit paraître entre 1906 et 1917,
sont remplies d’histoires yiddish, de contes tirés du Talmud
et de traductions de poèmes de Morris Rosenfeld. Qui plus
est, son engagement en faveur de l’anarchisme ne l’empêchait
pas de parler et d’écrire sur le sujet du fardeauparticulierque
les Juifs devaient porter dans un monde où l’antisémitisme
était un ennemi vivace. Apparemment, la foi anarchiste
d’Emma Goldman, avec son insistance sur l’universalisme,
ne s’accompagnait pas d’un abandon de son identité juive. (ibidemp.
8)
La gauche radicale juive du vingtième siècle était une
sous-culture spécifique interne à la juiverie, ou une «
contre-culture » pour le dire comme Arthur Liebman. La gauche
juive américaine ne s’est jamais écartée de la communauté juive
prise globalement et de fait, la participation des Juifs aux
mouvements de la gauche radicale variait en fonction du degré de
concordance perçue entre eux et les intérêts spécifiquement
juifs.
La vieille gauche juive, qui possédait des syndicats, une presse
et des fraternelles (lesquelles étaient souvent associées aux
synagogues [cf. Liebman, Jews and the Left, p. 284]) faisait
partie de la communauté juive au sens large. Quand la classe
ouvrière juive déclina, les préoccupations spécifiquement juives
prirent le dessus sur les idées politiques de gauche radicale.
Cette tendance à s’attacher prioritairement aux affaires juives,
propre aux membres juifs des organisations gauchistes,
s’accentua à partir de 1930 à cause du hiatus qui apparaissait
de façon récurrente entre les intérêts juifs et les causes
gauchistes universalistes de l’époque. Ce phénomène était
observable dans toute l’étendue du spectre de la gauche, dans le
Parti Communiste comme dans le Parti Socialiste, qui avaient
aussi des membres issus de la gentilité.
Le séparatisme juif dans les mouvements de gauche était facilité
par un de ses aspects traditionnels : l’emploi d’une langue à
part. Le yiddish fut particulièrement valorisé pour son pouvoir
unificateur dans les mouvements ouvriers juifs et pour sa
capacité à consolider les liens à l’intérieur de la communauté
juive au sens large.
Leslandsmanshaften[clubs
sociaux juifs], la presse et le théâtre yiddish, les cafés
socialistes de East Side, les sociétés littéraires et lesfereyns,qui
formaient le décor immédiatement reconnaissable de la
culture socialiste juive que la seule boutique, le seul
syndicat ou parti ne pouvait pas reproduire. Même l’ennemi
de classe – l’employeur juif – parlait yiddish. (Levin,While
Messiah Tarred : Jewish Socialist Movements, 1871-1917p.
210)
Remarquons que les projets d’éducation socialistes lancés par le
Workman’s Circle – la plus importante fraternelle ouvrière juive
du début du XXème siècle – échoua (avant 1916) car elle n’avait
prévu aucun enseignement en yiddish et aucun contenu juif. «
Même les parents juifs de gauche radicale voulaient que leurs
enfants apprissent le yiddish et eussent quelques notions sur
l’histoire de leur peuple » (Liebman,op.
cit.p. 292).
Ces écoles connurent le succès quand elles mirent l’accent sur
les choses nationales juives. Elles persistèrent jusque dans les
années 1940 en tant qu’écoles juives à idéologie socialiste,
laquelle insistait sur l’idée que le militantisme pour la
justice sociale était la clé de la survie des Juifs dans le
monde moderne. Le socialisme et l’idéologie de gauche devenaient
clairement une forme de judaïsme laïcisé. L’organisation
Workman’s Circle, qui était à l’origine une fraternelle ouvrière
de gauche radicale ayant des membres juifs, était devenue une
fraternelle juive ayant des sentiments de gauche et un héritage
socialiste » (ibidemp.
295)
Du côté de la sous-culture juive d’orientation communiste et de
ses organisations comme l’International Workers Order (IWO), il
y avait aussi des sections de langue yiddish. Une d’entre elle,
la Jewish Peoples Fraternal Order (JPFO), était affiliée à
l’American Jewish Congress (AJCongress) et figurait sur la liste
des organisations subversives du gouvernement US.
La JPFO avait 50.000 membres et devint le principal bailleur de
fonds du PCUSA après la Deuxième Guerre mondiale ; elle
finançait aussi leDaily
Workeret leMorning
Freiheit (Svonkin,
Jews Against Prejudice : American Jews and the Fight for Civil
Libertiesp. 166).
En plein accord avec l’idée ici développée d’une compatibilité
entre communisme et identité juive, elle finança des projets
éducatifs pour enfants qui associaient étroitement les thèmes de
l’identité juive et ceux de la gauche radicale. Les écoles
yiddish et les camps d’été de l’IWO, qui existèrent jusque dans
les années 1960, mettaient l’accent sur la culture juive et
réinterprétaient le marxisme non pas comme une théorie de la
lutte des classe, mais une théorie de la lutte de libération
juive contre l’oppression.
Même si l’AJCongress finit par se séparer de la JPFO pendant la
guerre froide en déclarant que le communisme était une menace,
il participa de façon « au mieux réticente et peu enthousiaste »
à l’effort juif en vue de la construction d’une image
anti-communiste – position qui reflétait les sentiments de la
plupart des descendants d’immigrés d’Europe de l’Est de la
deuxième et troisième génération, qui formaient le gros de ses
membres.
David Horowitz décrit le monde de ses parents qui avaient
rejoint une « shul » [école] dirigée par le PCUSA, où l’on
donnait une interprétation politique aux fêtes juives.
Psychologiquement, ces gens auraient pu aussi bien se situer
dans la Pologne du dix-huitième siècle :
Ce qu’avaient fait mes parents en entrant au Parti
Communiste et en déménageant à Sunnyside, c’était revenir au
ghetto. Il y avait le même langage privé, le même univers
hermétiquement clos, la même attitude duale, montrant une
face au monde extérieur et une autre à la tribu. Et surtout,
il y avait la certitude d’être dans le viseur de la
persécution et des lois spéciales et l’idée d’une
supériorité morale sur la foule desgoyimdans
le monde extérieur. Il y avait aussi la même peur de
l’expulsion pour hérésie, laquelle attachait les élus à leur
foi.
Un sens aigu de la judaïté caractérisait la presse yiddish de
gauche. On pouvait lire dans le courrier des lecteurs du journal
d’extrême-gaucheJewish
Daily Forwardun Juif se plaindre que ses
parents non-religieux refusassent son projet de mariage avec une
non-Juive.
Il écrivit auForwarddans
l’idée d’y trouver un écho favorable, mais il eut la
désagréable surprise de voir que ses responsables, tout
socialistes et libre-penseurs qu’ils étaient, considéraient
comme impératif qu’il épousât une Juive et continuât à
s’identifier à la communauté juive. […] Les lecteurs du
Forward savaient que l’engagement des Juifs à rester juifs
était un principe qui n’était pas sujet à discussion. »
(Hertzberg,The
Jews in America : Four Centuries of an Uneasy Encounterp.
211-12)
Dans les années 1930, leForwardétait
le plus lu de tous les journaux juif du monde et avait des
rapports étroits avec le Parti Socialiste. Werner Cohn donna en
1958 sa définition de la communauté juive immigrée des années
1886 à 1920 : « une seule grande assemblée de débatteurs
gauchistes ».
Vers 1886, la communauté juive de New York avait manifesté
clairement son soutien au troisième parti (United Labor) et
à son candidat Henry George, le théoricien de l’Impôt
Unique. Depuis lors, les quartiers juifs de New York et
d’ailleurs sont connus pour leur comportement électoral très
à gauche.
La circonscription du Lower East Side élut régulièrement son
député Meyer London, le seul socialiste à jamais avoir été
élu au Congrès. Beaucoup de socialistes ont siégé à
l’Assemblée de l’État de New York à Albany, élus par leurs
circonscriptions juives. En 1917, lors des élections
municipales à New York, la candidature du socialiste et
pacifiste Morris Hillquit fut soutenue par les plus hautes
autorités du Lower East Side juif : le United Hebrew Trades,
la International Ladies’ Garment Workers’ Union, et surtout
par le si populaire journal yiddishDaily
forward.
C’est dans cette période que les extrême-gauchistes comme
Alexandre Berkman et Emma Goldman étaient des géants de la
communauté juive. Et presque tous les géants juifs – comme
Abraham Cahan, Morris Hillquit et le jeune Morris R. Cohen –
étaient de gauche radicale. Même Samuel Gompers [un
syndicaliste très modéré] se sentait obligé de placer des
expressions d’extrême-gauche quand il s’adressait à un
public juif. (Cohn,The
Jews : Social Pattern of an American Group,p.
621)
De son côté,The
Freiheit, organe non-officiel du Parti Communiste des années
1920 aux années 1950, « se tenait au centre de la culture et des
institutions prolétariennes yiddish […] auxquelles il proposait
identité, perspective, amitié et compréhension » (Liebman,op.
cit.p.449-50). Le journal perdit beaucoup de
son lectorat dans la communauté juive lorsqu’il fit sienne la
position du Parti Communiste, opposée au sionisme. Dans les
années 1950, il dut faire un choix entre son âme juive et son
statut de journal communiste. Ayant choisi la première, le
journal justifia le non-retour des territoires occupés par
Israël à la fin des années 1960, contre la ligne du PCUSA.
La relation entre les Juifs et le Parti Communiste est
particulièrement intéressante, parce que le parti a souvent
adopté des positions anti-juives, en particulier à cause de ses
liens étroits avec l’Union Soviétique. Dès la fin des années
1920, les Juifs ont joué un rôle très important dans le PCUSA.
Se contenter de mentionner des pourcentages de dirigeants juifs
n’indique pas adéquatement la portée de l’influence juive, car
ce procédé ne prend pas en compte les caractéristiques
personnelles des militants juifs en tant que groupe talentueux,
instruit et ambitieux et aussi parce que le parti avait
sciemment recruté des Gentils pour masquer l’étendue de la
domination juive.
Saul Alinsky, auteur d’un bon manuel de subversion (clique
sur l’image)
Lyons cite un communiste non-juif qui expliquait que beaucoup de
travailleurs non-juifs devinaient qu’on les recrutait pour «
diversifier la composition ethnique du parti ». L’informateur se
souvient de son expérience en tant que représentant non-juif du
parti lors d’une conférence parrainée par les communiste et
destinée à la jeunesse.
La plupart des participants voyaient de mieux en mieux que
pratiquement tous les orateurs étaient des Juifs
new-yorkais. Ceux qui avaient un accent juif à couper au
couteau se présentaient comme « délégué de Lower East Side »
ou comme « un camarade de Brownsville ». Pour finir, la
direction nationale demanda une pause pour discuter de la
question, qui était devenue embarrassante. Comment une
organisation étudiante supposément nationale pouvait être à
ce point dominée par des Juifs new-yorkais ? Finalement, ils
décidèrent d’intervenir et de résoudre le problème en
demandant à la section de New York de laisser un droit de
parole aux « provinciaux ». Je rappelle que la convention
avait lieu dans le Wisconsin. (Lyons,Philadelphia
Communists, 1936-56,p. 81)
Klehr estime qu’entre 1921 et 1961, les Juifs constituaient 33,5
% des membres du Comité Central du parti et que leur
représentation montait souvent au-dessus des 40 %. Parmi les
différents groupes ethniques de personnes nées sur le sol
américain, les Juifs étaient le seul gisement dans lequel le
parti pouvait recruter. Glazer affirmait en 1969 qu’au moins la
moitié des membres du PCUSA, qui en comptait environ 50.000 dans
les années 1950, étaient juifs. Comme il y avait un très fort
roulement des effectifs, le nombre des personnes ayant été
impliquées dans le parti peut avoir été dix fois plus grand. Il
ajoute que « les effectifs socialistes, toutes tendances
confondues, étaient égaux ou supérieurs ».
Buhle, dans les années 1920, remarquait que la plupart des
personnes « les plus favorables au parti et auFreiheitne
prenaient pas leurs cartes de membre – il n’y en avait pas plus
que quelques milliers, sur une masse de suiveurs cent fois plus
grande » (‘Jews and American Communists : the Cultural Question’
inRadical
History Review, p. 89)
Ethel et Julius Rosenberg, condamnés pour espionnage au bénéfice
de l’Union Soviétique, illustrent la puissance de
l’identification juive chez les Juifs de gauche. Svonkin montre
bien qu’ils se voyaient comme des martyrs juifs. Comme tant
d’autres gauchistes juifs, ils percevaient de fortes attaches
entre le judaïsme et leurs sympathies communistes.
Visez-moi un peu ces tarins
Leurs lettres de prison étaient, comme le dit un commentateur, «
pleines d’expressions de judaïsme et de judaïté », comme le
montre la remarque suivante :
Dans deux jours, ce sera la Pâques, où nous célébrons la
quête de liberté de notre peuple. Cet héritage culturel a
une signification supplémentaire pour nous qui sommes
emprisonnés et séparés l’un de l’autre et de nos proches par
les Pharaons modernes. (inSvonkin,op.
cit.p. 158-59)
Embarrassée par cette image de martyrs juifs que les Rosenberg
avaient d’eux-mêmes, l’Anti-Defamation League (ADL) interpréta
les professions de judaïté de Julius Rosenberg comme étant une
tentative de « tirer profit comme il pouvait de la foi qu’il
avait répudiée ». Ce révisionnisme est symptomatique de la
tendance cherchant à faire passer pour incompatibles
identification juive et radicalisme de gauche et aboutissant à
un obscurcissement considérable de tout un chapitre de
l’histoire juive.
Dans ses premières années, le PCUSA avait, tout comme l’Union
Soviétique à ses débuts, des sections séparées pour les
différents groupes ethniques, y compris une fédération juive de
langue yiddish. Quand elles furent abolies en 1925 afin de
développer le parti en direction des Américains de souche (qui
avaient un faible niveau de conscience ethnique), il y eut un
exode massif des Juifs qui quittèrent le parti, et ceux qui
restèrent continuèrent à participer à la vie culturelle en
yiddish existant officieusement dans le parti.
Dans les années suivantes, le soutien juif au PCUSA connut des
pics et des creux en fonction de la position du parti
relativement aux questions spécifiquement juives. Pendant les
années 1930, le PCUSA changea de ligne et prit grand soin de se
montrer attentif aux intérêts juifs spécifiques, en insistant
sur l’antisémitisme, en soutenant le sionisme et plus tard
Israël et en défendant l’importance du maintien des traditions
culturelles juives. Comme en Pologne à la même époque, « la
gauche radicale américaine glorifiait le développement de la vie
juive en Union Soviétique […] L’URSS était la preuve vivante que
la question juive pouvait être réglée sous le socialisme »
(Kann,Joe
Rapoport : The Life of a Jewish Radical, p. 152-53).
Le communisme était perçu comme « bon pour les Juifs ». Malgré
les problèmes temporaires induits par le pacte de non-agression
germano-soviétique de 1939, le PCUSA mit fin à sa période
d’isolement vis-à-vis de la communauté juive pendant la Deuxième
Guerre mondiale et dans l’immédiat après-guerre.
Les Juifs qui ne quittèrent pas le parti pendant la durée du
pacte de non-agression firent face à un conflit d’allégeances,
ce qui montre bien que l’identité juive ne comptait pas pour
rien à leurs yeux. Le pacte provoqua une bonne dose de
rationalisations de la part des Juifs du PCUSA, qui se
démenaient pour interpréter la conduite de l’URSS dans un sens
favorable aux intérêts juifs, réfutant ainsi l’idée qu’ils
eussent abandonné leur identité juive. D’autres restaient
membres, mais s’opposaient en silence à la ligne du parti à
cause de leur allégeance juive. Leur préoccupation majeure était
que le pacte de non-agression pût détruire leurs rapports avec
la communauté juive au sens large.
A l’époque de la création d’Israël en 1948, la faveur du PCUSA
auprès des Juifs s’expliquait par le soutien qu’il apportait à
Israël, tandis que Truman tournait autour du pot. En 1946, le
PCUSA avait adopté une résolution favorable à la perpétuation du
peuple juif en tant qu’entité ethnique dans les sociétés
socialistes. Arthur Liebman explique que les membres du parti de
cette époque étaient transportés de joie par la conformité
retrouvée entre leur appartenance au parti et leurs intérêts
juifs. Ils exprimaient leurs sentiments communautaires à
l’adresse du groupe tout entier et leur judaïté connut un pic en
conséquence des interactions avec d’autres Juifs à l’intérieur
du parti.
Dans l’après-guerre, « on s’attendait à ce que les Juifs
communistes fussent juifs et on les encourageait en ce sens. Ils
devaient fréquenter des Juifs et avoir une appréciation positive
de la culture juive. En même temps, les Juifs non-communistes, à
quelques exceptions près [le propos se cantonne à la gauche
juive] acceptaient leur professions de judaïté et voulaient bien
collaborer avec eux dans un cadre pan-juif » (Liebman,op.
cit.p. 514). Comme on l’observe souvent dans
l’histoire juive, cette résurgence de l’identité juive a été
facilitée par la persécution des Juifs, l’Holocauste en
l’occurrence.
Mais cette période de compatibilité heureuse entre intérêts
juifs et communistes s’évapora après 1948, à cause du changement
de la ligne soviétique sur l’Israël et les nouvelles révélant
l’antisémitisme d’État en URSS et en Europe de l’Est. Beaucoup
de Juifs quittèrent le PCUSA. Encore une fois, ceux qui ne le
firent pas tâchèrent de rationaliser l’antisémitisme soviétique
de façon à pouvoir maintenir leur identification juive. Pour
certains, ces persécutions n’étaient pas une faute du système
communiste lui-même, mais une simple aberration d’origine
pathologique et individuelle. Pour d’autres, c’est l’Ouest qu’il
fallait blâmer pour ses responsabilités indirectes.
Ce qui les attachait au PCUSA semble avoir été le désir de
demeurer au sein d’une sous-culture yiddish protectrice. Liebman
mentionne le cas d’un communiste qui rendit sa carte après que
l’évidence de l’antisémitisme soviétique lui eût crevé les yeux.
« En 1958, après 25 ans passés au Parti Communiste, ce dirigeant
démissionna et développa une forte identité juive, laquelle
impliquait une loyauté acharnée envers Israël. » Les membres
juifs restants du PCUSA ne suivirent pas la ligne pro-soviétique
du parti en 1967 et 1973 et soutinrent Israël. Pour finir, le
PCUSA se sépara de presque tous ses Juifs.
Décrivant la vie d’un club juif et communiste à Philadelphie,
Lyons révèle l’ambivalence et la mauvais foi qui interviennent
lorsque les intérêts juifs entrent en conflit avec les
sympathies communistes :
Le club vit naître des tensions au sujet de la judaïté, en
particulier dans son rapport à Israël. C’était au milieu des
années 1960, quand le club avait décidé de critiquer le
traitement fait aux Juifs en URSS. Certains membres du club,
les pro-soviétiques les plus orthodoxes, claquèrent la
porte, d’autres, qui n’étaient pas d’accord non plus, ne le
firent pas. Pendant ce temps, le club changeait, devenant de
moins en moins marxiste et de plus en plus sioniste. Au
moment de la guerre des Six Jours en 1967, « nous avons été
dogmatiques, mais une semaine », comme le dit Ben Green,
responsable du club. Ils n’autorisèrent aucune discussion
sur la question du soutien à Israël et ne firent que des
collectes de dons. Pour autant, plusieurs membres insistent
sur le fait que le club n’est pas sioniste et pratique un
‘soutien critique’ à Israël. (op.
cit.p. 180)
Nous avons toutes les raisons de supposer qu’à l’image de leurs
homologues polonais, les Juifs communistes américains ont
considéré l’URSS comme servant d’une façon globalement positive
les intérêts juifs, jusqu’à une date assez tardive dans la
période qui a suivi la Deuxième Guerre mondiale. Né dans les
années 1920, le PCUSA a été financé par l’Union Soviétique, a
adhéré de près à sa ligne, s’est impliqué dans des activités
d’espionnage pour son compte, en allant jusqu’au vol de secrets
nucléaires. Dans les années 1930, les Juifs « constituaient une
majorité substantielle des agents soviétiques identifiés par le
contre-espionnage » et presque la moitié de ceux qui furent
poursuivis sous le coup du Smith Act de 1947 (Rothman & Lichter,op.
cit.p. 100).
Même si tous les fonctionnaires du parti ont pu ne pas être au
courant des détails de la relation spéciale du parti avec
l’Union Soviétique, le « travail spécial » [l’espionnage]
faisait partie intégrante de la mission des communistes aux
États-Unis. Ceci était bien connu et ouvertement discuté au
bureau politique du PCUSA. […] les biographies de communistes
ordinaires montrent que les militants de base acceptaient de
pratiquer l’espionnage contre leur propre pays pour le compte de
L’URSS. Le parti chantait les louanges de l’URSS, identifiée à
la terre promise. La propagande communiste entonnait sans arrêt
le refrain assimilant l’Union Soviétique à une étoile brillante
de l’humanité, comme dans ce poème communiste américain de 1934
la dépeignant comme « un paradis […] descendu sur terre en
Russie. » (Klehr et al.,The
Secret World of American Communism, p. 324)
Joe McCarthy était un chic type
Klehr et les co-auteurs de cet ouvrage considèrent que le PCUSA
a eu une influence importante dans l’histoire américaine. Sans
excuser les excès du mouvement anti-communiste américain, ils
remarquent « que le tranchant particulier de l’anti-communisme
américain ne peut s’expliquer sans saisir la réalité de
l’allégeance du PCUSA à l’Union Soviétique. L’accusation de
félonie à l’endroit des communistes américains a démultiplié
l’intensité du débat concernant le communisme, l’empoisonnant
aussi parfois. »
Les communistes avaient menti aux partisans du New Deal,
dont ils étaient les alliés. Ces gens de gauche avaient cru
les dénégations des communistes et traitaient de
diffamateurs les anti-communistes qui dénonçaient les
activités cachées des communistes. Furieux d’entendre ces
dénégations qu’ils savaient fausses, les anti-communistes
ont commencé à soupçonner de malhonnêteté ceux qui ne
voyaient pas clair dans le jeu des communistes. Ainsi, la
duplicité des communistes a empoisonné les rapports
politiques normaux et a rendu plus dure la réaction
anti-communiste de la fin des années 1940 et des années
1950. (ibidemp.
106)
Le fait que la gauche social-démocrate a défendu le communisme
pendant la guerre froide entre dans le champ de la problématique
de notre présent ouvrage. Nicholas von Hoffman a remarqué le
rôle des défenseurs sociaux-démocrates dans la défense du
communisme à cette époque. Les responsables de la revueThe
New Republicet Richard Hofstadter, historien à
Harvard, considéraient que les inquiétudes relatives à
l’infiltration communiste dans l’État devaient se rattacher « au
style paranoïaque de la politique U.S. ». (Rothman et Lichter
incluent la revueThe
New Republicdans le groupe des revues de
gauche et d’extrême-gauche dont les rédactions étaient fortement
juives). La version officielle de la gauche voulait que les
communistes américains fussent des créaturessui
generissans connexion avec l’Union Soviétique,
de sorte qu’ils n’y avait pas de menace communiste intérieure.
Dans cette période, la gauche avait saisi le magistère moral et
intellectuel de la société. Les partisans de McCarthy étaient
considérés comme des brutes primitives.
Dans la bataille culturelle qui agite cette période, les
élites d’Hollywood, de Cambridge et des cercles de réflexion
de gauche avaient peu de sympathie pour les hommes aux
jambes arquées coiffés de leurs calots de la légion
américaine, pour leurs femmes trop rondes et pour leurs
jacasseries sur Yalta et sur la forêt de Katyn. Ces
catholiques kitsch, qui décoraient leurs pelouses de
flamands roses en plastique, ces petits-bourgeois de la
couche inférieure et leurs angoisses de politique
extérieures, non, c’était vraiment tropbas
de gammepour être pris au sérieux. (Von
Hoffman, ‘Was McCarthy wrong about the left ?’,Washington
Post,14 avril 1996)
Outre l’empoisonnement de l’atmosphère politique, l’espionnage
communiste produisit des effets en politique extérieure.
On ne soulignera jamais assez le rôle de l’espionnage
nucléaire soviétique dans le déroulement de la guerre
froide. A la fin de la Deuxième Guerre mondiale, l’usage de
la bombe atomique avait donné aux Américains le monopole de
l’arme ultime, dont ils étaient satisfaits et qui devait
durer au moins dix ans. L’essai nucléaire soviétique de 1949
détruisit ce sentiment de sécurité physique. L’Amérique
avait traversé deux guerres mondiales sans morts civiles ni
destruction. Désormais, un ennemi emmené par un dictateur
sans pitié pouvait balayer n’importe quelle vielle
américaine avec une seule bombe. Si le monopole nucléaire
américain avait duré plus longtemps, Staline aurait empêché
les communistes Nord-Coréens de déclencher la guerre de
Corée, et les communistes chinois auraient hésité à y
intervenir. Si ce monopole avait duré jusqu’à la mort de
Staline, l’agressivité soviétique aurait été contenue,
modérant la dangerosité des pires années de la guerre
froide. » (Klehr et al.op.
cit., p. 106)
La « contre-culture » juive continua d’alimenter une
sous-culture de gauche radicale et typiquement juive jusque dans
les années 1950 – soit longtemps après que les Juifs eurent
quitté les rangs de la classe ouvrière. Les familles et les
institutions qui formaient l’ossature de la Vieille Gauche
allaient porter sur les fonts baptismaux la Nouvelle Gauche.
L’élan originel des mouvements étudiants des années 1960 « avait
été donné, en vertu d’une quasi-nécessité, par les rejetons de
familles bien loties, inclinant à gauche ou à l’extrême-gauche,
issues de l’intelligentsia et très majoritairement juives. C’est
là que se trouvait le plus grand réservoir d’individus bien
disposés à l’égard des actions de la gauche radicale
estudiantine » (Lipset,Rebellion
in the University,p. 83).
Flacksa
calculé que 45 % des étudiant présents à une manifestation
devant l’Université de Chicago étaient juifs, bien qu’il ait dû,
selon ses propres mots, « procéder à des ajustements sur son
échantillon de départ pour obtenir un résultat équilibré » (inRothman
& Lichter,op.
cit., p. 82). A Harvard, les Juifs constituaient 80 % des
signataires d’une pétition pour l’abolition des exercices du
corps des officiers de réserve (ROTC) et ils formaient entre 30
et 50 % des membres de l’organisation Students for a Democratic
Society (SDS), l’organisation centrale de l’extrême-gauche
estudiantine.
En 1972, Adelson comptabilisa 90 % de Juifs dans son échantillon
d’étudiants d’extrême-gauche à l’Université du Michigan et il
semble qu’il y avait des taux comparables dans d’autres
universités, comme celle du Wisconsin et du Minnesota.
Braungart, dans son étude de 1979, conclut que 43 % des membres
du SDS, comptés dans dix universités différentes, avaient au
moins un parent juif. 20 % de l’échantillon des sondés se
déclaraient sans affiliation religieuse : ces derniers ont
beaucoup de chances d’être juifs. En effet, Rothman & Lichter
ont découvert que « l’écrasante majorité » des étudiants
d’extrême-gauche qui répondaient que leurs parents étaient
athées avaient des origines juives. (op.
cit.p. 82)
Cravatés ou crasseux, une même tribu de destructeurs
Les Juifs avaient le plus de chance de figurer parmi les
dirigeants des protestations sur les campus. Abbie Hoffman,
Jerry Rubin et Rennie Davis ont gagné une notoriété nationale en
tant que membres des « Sept de Chicago » qui furent condamnés
pour avoir forcé des barrages de police et incité à l’émeute
lors de la convention nationale du parti démocrate, en 1968.
A cette occasion, Cuddihy fit remarquer la présence d’un procès
dans le procès, opposant en particulier Abbie Hoffman et le juge
Julius Hoffman. L’étudiant représentait la progéniture des
immigrés d’Europe de l’Est qui inclinaient vers la gauche
radicale, tandis que le juge représentait une version assimilée
de Juif allemand établi depuis plus longtemps. Pendant le
procès, Abbie Hoffman moquait le juge en yiddish : « Shande fur
de Goyim » (la honte des Gentils) – ce que Abbie Hoffman
traduisit par « homme-lige de la bourgeoisie WASP ». Hoffman et
Rubin (qui avait fait un séjour dans un kibboutz en Israël)
s’identifiaient clairement à leur judaïté et vouaient une forte
antipathie à l’endroit de l’établissement blanc et protestant.
Cuddihy considère que le mouvement hippie doit ses origines à
l’action du journaliste amateur Paul Krassner (éditeur deThe
Realist, journal « effronté, scatologique, étrangement
apolitique » qui se présentait lui-même comme « de satire
irrévérencieuse et de reportage impoli ») et à la sensibilité
contre-culturelle du comédien Lenny Bruce.
En tant que groupe, les étudiants d’extrême-gauche provenaient
de familles bien loties, tandis que les étudiants conservateurs
étaient plutôt issus de familles moins fortunées. Le mouvement
fut donc mené par une élite, mais ne cherchait pas à se mettre
au service des intérêts des classes moyennes ou populaires. De
fait, la Nouvelle Gauche considérait les classes laborieuses
comme « grasses, satisfaites et conservatrices, bien
représentées par leurs syndicats » (Glazer,The
New Left and the Jews, p. 123).
Qui plus est, malgré des percées bénignes d’antisémitisme juif
et de rébellion contre l’hypocrisie parentale chez des
gauchistes juifs de la Nouvelle Gauche, le schéma dominant était
celui de la continuité idéologique familiale. (De la même
manière, pendant la période de Weimar, les gauchistes de l’École
de Francfort rejetaient les valeurs commerciales de leurs
parents, mais ne rejetaient pas personnellement leurs familles.
En effet, celles-ci les soutenaient moralement et financièrement
en toute connaissance de cause.)
Nombre de ces « gosses en culottes rouges » étaient issus de
« familles où l’on mangeait de l’abominable Amérique
raciste, anti-démocratique, immorale et corrompue au
petit-déjeuner, que ce soit à Scarsdale, à Newton, à Great
Neck ou à Bervely Hills. Leurs parents juifs vivaient dans
des banlieues blanches comme le lys, allaient en vacances
d’hiver sur les plages de Miami, étaient inscrits à des
country clubs huppés et organisaient des bar-mitzvah qui
coûtaient des milliers de dollars – sans cesser d’adhérer à
une idéologie de gauche. » (Lipset,Revolution
and Counterrevolution : Change and Persistance in Social
Structures,p. 393)
Comme nous l’avons indiqué, Glazer estimait en 1969 qu’environ
un million de Juifs avaient été à un moment ou un autre
socialistes ou membres du Parti Communiste américain avant 1950.
Par conséquent, c’est parmi les Juifs que se trouvait « le
réservoir le plus important de parents qui ne trouvaient ni
étrange ni choquant de voir leurs enfants passer à la gauche
radicale, mais qui pouvaient très bien prendre cette nouvelle
comme l’accomplissement de leurs meilleures tendances » (Glazer,op.
cit.p. 129).
Pour s’en convaincre, il suffit de constater que «
l’établissement juif ne prit jamais vraiment ses distances avec
ces jeunes Juifs » (Hertzberg,op.
cit.p. 369). Les organisations juives bien
établies, comme l’AJCongress, l’Union of America Hebrew
Congregations et la Synagogue Council of America étaient des
opposants résolus à la guerre au Vietnam. Les attitudes
anti-guerre des organisation juives officielles ont pu provoquer
un certain antisémitisme.
On a rapporté que le président Lyndon Johnson était « contrarié
par le manque de soutien à la guerre du Vietnam de la part de la
communauté juive américaine, alors même qu’il prenait de
nouvelles mesures en faveur d’Israël » (Winston,The
Sociology of American Jews : A Critical Anthology, p. 198),
tandis que l’ADL prenait des mesures préventives pour faire face
à un retour de bâton anti-juif, car sur les questions
militaires, les Juifs avaient tendance à jouer la carte du
faucon quand il s’agissait d’Israël, mais celle de la colombe
quand il s’agissait du Vietnam.
A l’instar de la Vieille Gauche, les membres juifs de la
Nouvelle Gauche s’identifiaient fortement en tant que Juifs. Des
cérémonies avaient lieu pour l’hanoucca et le hatikvah – l’hymne
national israélien – fut chanté lors d’un importantsit-inà
Berkeley. La Nouvelle Gauche perdait des membres juifs quand
elle arborait des positions incompatibles avec des intérêts
spécifiquement juifs (relativement à Israël, en particulier) et
en gagnait dans le cas contraire. Ses dirigeants avaient souvent
fait des séjours dans des kibboutz en Israël et certains indices
montrent que les néo-gauchistes tâchaient de réduire au minimum
les expressions les plus patentes de leur judaïté, ainsi que les
occasions de débattre de sujets susceptibles de faire apparaître
des désaccords entre néo-gauchistes juifs et non-juifs,
singulièrement Israël. Pour finir, l’incompatibilité des
intérêts juifs et néo-gauchistes aboutirent au départ des Juifs,
qui furent nombreux à partir en Israël pour vivre dans des
kibboutz et s’impliquer dans des institutions religieuses juives
traditionnelles, ou bien qui s’engagèrent dans des groupes de
gauche à identité juive affirmée.
Après la guerre des Six Jours en 1967, la grande affaire pour
les Juifs de la Nouvelle Gauche fut Israël, mais le mouvement
travaillait aussi pour le compte des Juifs soviétiques et
exigeait l’ouverture de départements de recherche universitaire
consacrés aux études juives. Comme l’écrivit Jay Rosenberg,
militant du SDS : « Dorénavant, je n’accepterai plus de militer
dans un mouvement qui ne reconnaît pas et ne soutient pas la
lutte de mon peuple. Si je dois choisir entre la cause juive et
un SDS « progressiste » et anti-Israélien, je choisis la cause
juive. Si l’on devait se battre sur des barricades, je
combattrais en tant que Juif. » (inSachar,History
of Jews in America,p. 808).
Les Juifs étaient une composante essentielle de l’acceptation
sociale de la Nouvelle Gauche. Les Juifs étaient sur-représentés
dans la gauche radicale et parmi leurs partisans dans les media,
les universités et la république des lettres au sens large. Les
experts juifs et de gauche des sciences humaines jouèrent un
grand rôle en présentant le radicalisme estudiantin sous un jour
positif. Toutefois, dans leur récent compte-rendu de la
littérature existante sur le sujet de la Nouvelle Gauche,
Rothman & Lichter remarquent une tendance constante à passer
sous silence le rôle des Juifs dans ce mouvement. Quand celui-ci
est mentionné, on l’attribue à l’idéalisme juif ou à tel autre
trait positivement perçu.
Cuddihy fait remarquer que les media ont presque entièrement
ignoré le conflit intra-juif qui s’était livré lors du procès
des Sept de Chicago. Il a décrit les opinions exprimées par
divers Juifs dans la presse de l’époque (New
York Times,New
York Post,Village
Voice) qui excusaient l’attitude des inculpés et chantaient
les louanges de leur avocat juif d’extrême-gauche, William
Kunstler.
En Angleterre aussi, les flux et reflux de l’engagement
communiste chez les Juifs dépendent de ses convergences avec les
intérêts juifs. Pendant les années 1930, le Parti Communiste
attirait les Juifs parce que c’était le seul parti qui
professait un antifascisme virulent, entre autres raisons. Il
n’y avait aucune contradiction à être simultanément un Juif
ethnique assumé et un membre du parti :
Les sympathies communistes des Juifs de cette génération
avaient quelque chose à voir avec de l’identification de
groupe, un peu comme un moyen d’auto-affirmation ethnique.
(Alderman,Modern
British Jewry, p. 317-18)
Après la Deuxième Guerre mondiale, quasiment tous les candidats
communistes qui réussissaient à être élus représentaient des
circonscriptions juives. Cependant, le soutien juif au
communisme déclina quand fut révélé l’antisémitisme de Staline
et beaucoup de Juifs quittèrent le Parti Communiste après la
crise au Proche-Orient en 1967, quand l’URSS rompit ses liens
diplomatiques avec Israël.
Pour conclure, l’identité juive a été généralement perçue comme
hautement compatible avec la gauche radicale. Mais lorsque
celle-ci entre en conflit avec des intérêts juifs spécifiques,
les Juifs cessent d’être de gauche radicale, malgré des cas
fréquents d’ambivalence et de rationalisation.
"Si j'étais un leader arabe, je ne signerais jamais un accord
avec Israël. C'est normal; nous avons pris leur pays. [...] Ils ne voient qu'une seule chose : nous sommes venus et nous
avons volé leurs terres. Pourquoi devraient-ils accepter cela ?"
- David Ben-Gourion, premier ministre israélien, cité par Nahum Goldmann dans
"Le Paradoxe Juif", page 121.