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Roger Garaudy
L'AVENIR : MODE D'EMPLOI
 

 b) Les Etats-Unis, colonie d'Israël

Les relations entre Israël et les Etats-Unis ne sont pas de la même nature que les ordinaires alliances entre Etats.

Entre Israël et les Etats-Unis il existe à la fois une communauté d'origine et une communauté de buts, une continuité à la fois théologique et politique dans leur vision de leur rapport avec le monde, qu'il s'agisse du peuple élu pour les israéliens ou du destin manifeste des Etats-Unis.

Cette idéologie commune est née bien avant la création d'un Etat américain indépendant, lorsque l'Amérique du Nord était encore une colonie anglaise, chez les théoriciens du puritanisme anglais.

En 1621, un juriste célèbre, membre du Parlement, Sir Henry Finch publie un ouvrage intitulé : La grande Renaissance du Monde, ou : Appel aux juifs et (avec eux) à toutes les nations et les Royaumes de la Terre, à la foi au Christ. Il rejette les interprétations allégoriques de l'Ancien Testament qui étaient de tradition dans l'Eglise catholique, surtout depuis Saint-Augustin, et recommande une lecture littérale : "Lorsqu'Israël, Judah, Sion, et Jérusalem, sont cités (dans la Bible), l'Esprit Saint ne désigne pas un Israël spirituel ni l'Eglise de Dieu rassemblant les Gentils ou à la fois les juifs et les gentils... mais Israël, celui qui descend du sang de Jacob. Il en est de même pour le retour à leur terre, à sa conquête contre les ennemis... Il ne s'agit point là d'allégorie ou de libération par le Christ : cela signifie réellement et littéralement les juifs. "

Dans la vision de Finch cet Israël restauré réaliserait une théocratie parfaite.

A l'époque ce millénarisme fut condamné par le Parlement, et jugé dangereux par le roi Jacques 1er (1603-1625), mais il devint pourtant la pierre angulaire du sionisme chrétien : le retour des juifs en Palestine (convertis au christianisme selon les uns, comme Finch lui-même, ou sans ce préalable selon les autres) (17), devait précéder la fin des temps (le millenium) marqué par le retour du Christ.

Pour les puritains, qui se considéraient comme le peuple de Dieu, les héros de l'Ancien Testament prirent la place des saints de l'Eglise catholique. Ils appelèrent volontiers leurs enfants Abraham, Isaac ou Jacob. Ils demandèrent que la Thora devienne le code de la loi anglaise.

Cette idéologie et cette mythologie se manifestèrent avec plus de force encore chez les puritains émigrés en Amérique qui s'identifièrent avec les hébreux bibliques de l'exil : ils ont échappé à la servitude du Pharaon (Jacques Ier) en s'enfuyant de la terre d'Egypte (l'Angleterre) pour arriver dans le nouveau Canaan : l'Amérique.

Dans leur chasse à l'indien, pour s'emparer des terres d'Amérique, ils invoquèrent Josué et les "exterminations sacrées" (hérem) de l'Ancien Testament : "Il est évident, écrit l'un d'eux, que Dieu appelle les colons à la guerre. Les indiens et leurs tribus confédérées se fient à leur nombre, à leurs armes, aux occasions de faire le mal, comme probablement les anciennes tribus des Amalécites et des Philistins qui se liguèrent avec d'autres contre Israël." (18)

Pour les puritains d'Amérique, comme pour ceux d'Angleterre, la lecture de la Bible doit être littérale, et, par une théologie étrange pour un chrétien, la promesse ne s 'accomplit pas en Jésus-Christ par l'avènement du Royaume de Dieu. Toutes les "promesses" de l'Ancien Testament concernent les juifs comme race, liée à Jacob par les liens du sang, et non pas l'Israël de Dieu, c'est-à-dire la communauté spirituelle issue d'Abraham non par la continuité du sang mais par la communauté de la foi.

Les Pères fondateurs des Etats-Unis, les puritains, se considéraient comme un peuple élu par Dieu, le nouvel Israël de Dieu, expression qui apparaît fréquemment dans l'histoire américaine depuis l'arrivée des premiers puritains avec le Mayflower et la fondation de la colonie de Plymouth (1620), jusqu'à nos jours. En 1912, le Président des Etats-Unis, Taft, déclarait : " je dois protéger notre peuple et ses propriétés au Mexique jusqu'à ce que le gouvernement mexicain comprenne qu'il y a un Dieu en Israël et que c'est un devoir de LUI obéir."

Pour montrer à quel degré de racisme sauvage l'utilisation politique de la Bible peut conduire un historien, nous citerons seulement l'un des plus notoires d'entre eux : l'américain William Foxwell Albright, dans son livre : De l'âge de la pierre à la chrétienté. Le monothéisme et son évolution. (Trad. française, Payot, 1951, p. 205). Il justifie les exterminations sacrées de la conquête de Canaan. (Juges I, 8 : " Les fils de Juda attaquèrent Jérusalem et s'en emparèrent ; ils la passèrent au tranchant de l'épée et livrèrent la ville au feu." Puis " Dieu dépossédera devant vous le Cananéen..." (Josué III 10) "Je chasserai devant toi le Cananéen. " (Exode XXXIII, 2).

Après avoir rappelé l'exemple de la chasse aux Indiens dans son propre pays, il ajoute : " Nous autres, Américains, avons peut-être moins que la plupart des nations modernes, et malgré notre humanisme sincère, le droit de juger les Israélites du XIIIe siècle avant Jésus-Christ, puisque nous avons exterminé des milliers d'lndiens dans tous les coins de notre grand pays et avons réuni ceux qui restaient dans de grands camps de concentration. "

Il ajoute, en note de la même page 205, cette véritable profession de foi raciste : "Le philosophe de l'histoire, qui est un juge impartial (sic), considère souvent comme nécessaire la disparition d'un peuple de type nettement inférieur, qui doit laisser la place à un peuple possédant des facultés supérieures, car, à partir d'un certain niveau, les mélanges de races sont désastreux. " Ce qui lui permet de conclure, à propos de Canaan : "Les Israélites de la conquête étaient, fort heureusement pour l'avenir du monothéisme, un peuple sauvage, doué d'une énergie primitive et d'une impitoyable volonté de vivre, car la décimation des Cananéens empêcha la fusion complète de deux peuples apparentés ; et cette fusion aurait inévitablement affaibli à l'extrême le Yahwisme."

Les conséquences politiques d'une telle conception sont évidentes et durables, notamment en ce qui concerne l'attitude des protestants américains à l'égard de l'actuel Etat d'Israël.

En 1918, le Président Wilson, élevé dans cette tradition, écrit au Rabbin Stephen Wise (lettre du 31 août 1918) pour lui confirmer son acceptation de la Déclaration Balfour en se fondant sur la mythologie sioniste.

En 1948, il ne s'agit plus de promesse d'un foyer national juif, comme dans la Déclaration Balfour, mais de très concrètes frontières d'un Etat, et l'on écrit alors : " les frontières de la terre promise à Abraham doivent être restituées pendant le millenium. Le Christ reviendra sur la terre dans un royaume, au sens littéral, théocratique, avec un gouvernement structuré d'après le gouvernement national existant."

Lorsque, pour la première fois depuis la création de l'Etat d'Israël, un Président américain prend la parole à la Knesset, Jimmy Carter, en mars 1979, y déclare : " Israël et les Etats-Unis ont été formés par des pionniers. Mon pays est aussi une nation d'immigrants et de réfugiés, formé par des peuples venus de maints pays... Nous partageons l'héritage de la Bible. "

Ce dernier rapprochement avait déjà été précisé par Carter : "L'établissement de la nation d'Israël est l'accomplissement de la prophétie biblique. "

Le rôle joué par la mythologie sioniste, dans l'imaginaire des peuples, est donc immense, et l'on ne saurait expliquer l'efficacité, à l'échelle mondiale, du lobby sioniste, seulement par la puissance de son organisation et les moyens politiques et financiers gigantesques dont il dispose, notamment grâce à l'appui inconditionnel et illimité de l'Etat américain. Cette force là joue incontestablement un rôle majeur, mais l'acceptation, le plus souvent de bonne foi, de cette mythologie grossière et de ses conséquences politiques les plus sanglantes, serait inintelligible si l'on ne rappelait, comme nous venons de le faire, une manipulation idéologique de tant de siècles, par laquelle les Eglises chrétiennes ont créé ce sionisme chrétien qui constitue un terrain aisément exploitable par la propagande du sionisme politique et de l'Etat d'Israël.

Avant d'aborder le problème du sionisme politique, qui découle du nationalisme, du colonialisme, et de l'antisémitisme européens du XIX siècle, et dont les sources véritables ne découlent pas des textes bibliques, il importe de souligner :

-- que cette vision mythique de la Palestine, dans le sionisme chrétien, découle d'une théologie chrétienne primitive (antérieure à toute critique de l'exégèse biblique moderne) et pervertie (faisant de l'Ancien Testament un texte à la fois historique et normatif, et déplaçant le centre même de la théologie chrétienne en mettant au premier plan l'Ancien Testament à la place du message évangélique de Jésus).

-- Elle a été politiquement exploitée dès le début (c'est-à-dire depuis Luther) soit à des fins antisémites (se débarrasser des juifs en les envoyant en Palestine comme en une sorte de ghetto mondial), soit impérialistes (contrôle colonial, par des juifs de formation occidentale, du Moyen-Orient et des accès vers l'Asie), soit aux fins du sionisme politique (prenant appui à la fois sur les impérialismes russe, allemand, français, anglais, et finalement américain), pour soutenir leur entreprise, et sur l'antisémitisme pour convaincre la "diaspora" de refuser l'assimilation et de venir créer un Etat fort en Palestine.

Prêcher le retour des juifs en Palestine, fut, pendant des siècles, de Luther à Balfour, un moyen de les écarter du pays où ils vivaient jusque là.

Celui dont le mouvement, rompant la tradition catholique, fut à l'origine du sionisme chrétien, Martin Luther, a, à cet égard, une attitude significative. En même temps que sa traduction de la Bible faisait passer au premier plan l'épopée des hébreux, telle qu'elle se dégage d'une lecture littérale, et sans examen, critique et historique, de l'Ancien Testament, il exprimait clairement son arrière-pensée antisémite : après avoir, dans ses premiers écrits, par exemple : " Le Christ né juif " (1523), exalté les juifs comme héritiers de la promesse, ses oeuvres plus tardives expriment déjà une tendance qui sera une constante depuis lors : la liaison entre le sionisme ("le "retour" en Palestine) et l'antisémitisme (chasser les juifs de son propre pays). Il écrit en 1544 : " Qui empêche les juifs de retourner à leur terre de Judée? Personne. Nous leur fournirons tout ce dont ils ont besoin pour leur voyage, simplement pour nous débarrasser d'eux. Ils sont, pour nous, un lourd fardeau, la calamité de notre existence...". (19)

La même arrière-pensée de Luther, qui fut à l'origine du sionisme chrétien, habite celui qui donna au sionisme politique sa première victoire : Balfour. Arthur Balfour, lorsqu'il était premier ministre d'Angleterre défendit, en 1905, les aliens act pour limiter l'immigration juive en Angleterre. Le septième Congrès sioniste l'accuse alors d'"antisémitisme avoué contre tout le peuple juif. " Cet antisémitisme foncier se concilie fort bien, chez lui, toute sa vie, avant et après 1905, avec l'idée sioniste de donner une terre aux juifs (précisément pour les écarter d'Angleterre). Balfour, dès 1903, proposait de leur donner l'Ouganda, et, en 1917, en fonction de ses objectifs de guerre contre l'Allemagne, écrivait, à Lord Rothschild, sa Déclaration en faveur d'un foyer national juif en Palestine.

L'histoire actuelle de la Palestine et l'emprise mondiale du sionisme politique conduisant les Etats occidentaux, et, en premier lieu, leur suzerain: les Etats-Unis, à apporter leur soutien inconditionnel et illimité à l'invasion du sionisme politique en Palestine, aux exactions, aux spoliations et aux massacres par lesquels l'Etat sioniste d'Israël exerce sa domination coloniale sur le pays, à ses agressions au Moyen-Orient, à son mépris des lois internationales et des décisions de l'ONU, et l'acceptation de cette politique par les pays occidentaux -- acceptation qui est complicité --, rien de tout cela ne serait intelligible si l'on ne retraçait l'histoire du mythe sioniste qui a modelé, depuis quatre siècles, l'esprit des peuples occidentaux.

Cette lecture de la Bible est sacrilège pour les chrétiens. Elle implique, pour les juifs, le retour à une conception tribale de leur foi, remplaçant le Dieu d'Israël par l'Etat d'Israël. Pour les historiens et les exégètes, elle relève du mythe. Et, pour tous, ce mythe sert à couvrir une politique nationaliste et colonialiste de discrimination raciale et d'expansion sans fin.

Aujourd'hui, cette communauté unique formée par la classe dirigeante américaine, le lobby sioniste de l'AIPAC, et les maîtres de l'Etat d'Israël est plus que jamais fondée sur une communauté de but : la lutte contre l'Islam et l'Asie qui sont les obstacles majeurs à une domination mondiale américano-sioniste.

Il y a une continuité parfaite entre la visée première du fondateur du sionisme Théodore Herzl : "Nous constituerons en Palestine un bastion avancé de la civilisation occidentale contre la barbarie de l'Orient." et le thème fondamental de Huntington, idéologue du Pentagone : "La prochaine guerre mondiale opposera la civilisation judéo-chrétienne à la collusion islamo-confucéenne."

Israël, dans cette perspective, est, à la charnière des deux mondes, le champ de bataille qui, par sa politique de colonisation agressive, peut servir de détonateur à cette troisième guerre, qui serait cette fois, véritablement mondiale. Les Etats-Unis espèrent qu'elle soit victorieuse et, sur les ruines de vingt peuples, leur assurerait une domination universelle.

Ce livre : L'avenir : mode d'emploi a été écrit pour faire prendre conscience de ce danger et suggérer les moyens d'échapper au désastre.

On ne saurait en effet comprendre la politique américaine actuelle et l'offensive médiatique internationale qui tend à l'imposer à l'opinion publique sans connaître les sources historiques sur lesquelles repose cette symbiose et ses succès.

Ils sont résumés dans un article publié par le journaliste : Bar Yosef, dans le quotidien israélien Ma'ariv le 2 septembre 1994, sous le titre : Un renforcement sans précédent du pouvoir juif. (20)

" Il y a quelques semaines, le rabbin de la grande synagogue Adath Yisraël de Washington, consacrant son sermon au Centre culturel politique juif en voie de création aux Etats-Unis, déclarait : Pour la première fois dans l'histoire de l'Amérique, nous n'avons plus l'impression de vivre ici en diaspora... Les Etats-Unis n'ont plus un gouvernement de goyim mais une administration où les Juifs prennent une part entière aux décisions, à tous les niveaux. Il conviendrait peut-être de réviser, dans la loi religieuse juive l'utilisation du terme de gouvernement de goyim qui n'est plus de mise ici... ".

" Les changements introduits dans l'administration Clinton ont, en effet, renforcé considérablement le pouvoir juif. Il était déjà sensible du temps du président Reagan et du secrétaire d'Etat Schultz. Nous avons vu un secrétaire d'Etat juif, Henry Kissinger, jouir de la confiance de Nixon, et il y avait des ministres juifs dans le cabinet de Carter. Mais c'étaient là des exceptions qui confirmaient la règle. Peu de Juifs " militants " étaient appelés à participer à la politique américaine au Proche-Orient." [...]

" Tous les matins, vers six heures, plusieurs voitures officielles emmènent, du centre de la C.I.A. à la Maison Blanche, des hauts responsables des services secrets et du renseignement chargés de soumettre au président et à son état-major le rapport [...] rédigé pendant la nuit par les meilleurs experts américains à partir d'informations secrètes provenant de tous les centres de la C.I.A. dans le monde et portant sur les aspects les plus sensibles de l'évolution de la situation internationale.

" Si Clinton se trouve à Washington à ce moment là, il examine rapidement ce document avec les autres destinataires : le vice-président Al Gore, le conseiller du C.N.S. (Conseil national de sécurité) Anthony Lake, le chef de l'état-major de la Maison Blanche Léon Perth -- ces deux derniers, Juifs " engagés ", détiennent des postes très importants dans la politique des Etats-Unis...

"Sur les onze membres du C.N.S. (21) sept sont des Juifs que Clinton a spécialement chargés de fonctions délicates entre les secteurs de la sécurité et les administrations étrangères. Berger est vice-président du C.N.S.; Martin Indik, responsable des dossiers du Proche-Orient et de l'Asie du Sud; Dan Schifter, de celui de l'Europe occidentale; Dan Steinberg, de celui de l'Afrique; Richard Feinbert, de l'Amérique latine; et Santley Ross, de l'Asie en général...

" La situation n'est pas différente dans les services liés à la présidence, avec le nouvel attorney general Abner Mikve, le responsable de l'agenda présidentiel Ricki Seidmann, le chef adjoint de l'état-major Phil Leida, le conseiller en économie Robert Rubin, le directeur des services des media David Heiser et d'autres... Deux membres du cabinet sont juifs : Robert Reich pour le Travail et Mickey Cantor pour le Commerce extérieur. Il faut ajouter une longue liste de responsables du département d'Etat et de nombreux secrétaires qui travaillent sous la direction de Dennis Ross, chef de l'équipe " pour la paix au Proche-Orient ".

" Cette énorme influence des Juifs à Washington ne se limite pas aux milieux gouvernementaux. Elle est considérable dans les media, où un grand nombre de responsables des programmes de télévision, comme la plupart des rédacteurs en chef, correspondants et commentateurs de presse sont des luifs qui fréquentent la synagogue, où on les incite à soutenir résolument Israël."

Il est remarquable que les principaux leviers de commande de l'Etat américain (guerre, affaires étrangères, services secrets), sont aux mains de sionistes : M. Cohen est le secrétaire d'Etat à la défense, Madame Albright, à la tête des Affaires Etrangères, tient le même langage que Mr Netanyahou et les trois principaux dirigeants de la CIA sont des sionistes de haut rang.

Il convient de ne pas oublier que 60 % des fonds privés de la campagne présidentielle de Bill Clinton provenaient des organismes juifs américains. Un campagne qui a coûté 3 milliards de dollars (16 milliards de francs), trois fois plus qu'en 1992.

" En 1976 la Cour Suprême a décidé que toute limite financière (aux frais de la campagne électorale) portait atteinte à la liberté d'expression garantie par le premier amendement de la Constitution."

Le lobby de l'AIPAC (lobby israélien) arrive largement en tête du lobby des banquiers et de celui des syndicats, de celui des fabriquants de drogue ou d'armements). Il est devenu tout puissant. Lorsque Clinton a laissé entendre qu'il faudrait freiner la politique provocatrice de colonisation de Netanyahou, 81 sénateurs sur 100 lui adressèrent un ultimatum pour qu'il renonce à toute pression.

Il ne s'agit pas d'un lobby juif mais d'un lobby sioniste, car l'AIPAC (American Israeli Public Affairs Commitee) ne contrôle que 55 mille membres sur une communauté juive américaine de plus de 5 millions de personnes. Mais le lobby détient tous les leviers de commarde du pouvoir, et il est dirigé par les hommes d'affaires les plus puissants des Etats-Unis. ("Le poids du lobby pro-israelien", Le Monde du 5 mai 1998)

Il n'est pas jusqu'aux chantages possibles sur la vie privée du Président Clinton qui ne soient rendus possibles par les témoignages, vrais ou faux, d'une Lucienne Goldberg ou d'une Monica Lewinsky. Le sort du Président est suspendu aux parjures de cette dernière qui a menti soit au juge Kenneth Starr devant qui elle nie sous serment avoir eu des relations sexuelles avec le Président, ou à son amie Linda Tripp auprès de qui elle s'est vantée d'être sa maîtresse et de s'être parjurée à sa demande, propos devenus publics par témoignage, Si elle maintient la première version Clinton est innocenté. Si elle revient à la seconde, le Président est perdu pour avoir demandé un faux témoignage.

Ainsi, prisonnier, de son appareil d'Etat, et personnellement fragilisé par les déclarations de vrais ou de faux témoins, le Président Clinton est tenu, plus encore que ses prédécesseurs, à rester vassal des dirigeants de l'Etat d'Israël. Il doit, malgré ses déclarations, laisser les mains libres à Netanyahou dans sa politique de colonisation, maintenir l'embargo tueur d'enfants en Irak et laisser dans le Golfe persique sa flotte pour écraser sous le moindre prétexte l'Irak, au risque de déclencher un conflit plus général et plus sanglant.

Telles sont les conséquences de la colonisation des Etats-Unis par l'Etat d'Israël.

 

ANNEXES

III -- UNE AUTRE VOIE ETAIT POSSIBLE

***

a -- Les précurseurs : de Joachim de Flore au cardinal de Cues

Joachim de Flore (1135-1202), moine calabrais du XIIème siècle, aborde le problème en sa racine même : l'interprétation du christianisme qui avait régné en Europe, de saint-Paul à Constantin, des querelles du sacerdoce et de l'Empire pour la primauté du pouvoir (Le Pape ou l'Empereur), jusqu'aux Croisades dont il connut les fausses victoires (il rencontre Richard Coeur de Lion) et les plus dures défaites (il avait 52 ans lorsqu'en 1187 Saladin reprend Jérusalem.)

Il fut éduqué en Sicile à la Cour de Roger II, où l'influence de la culture musulmane se prolongeait après la fin de la domination arabe de l'île (1071) et, où les invasions byzantines n'étaient pas rares après le schisme de 1054 qui séparait de Rome l'orthodoxie orientale.

En cet age d'or de la Sicile, où se fécondaient les spiritualités de l'Orient, Joachim de Flore eut pour premier mérite de dénoncer l'alliance millénaire de l'Eglise et du pouvoir.

" L'exégèse joachimite, écrit son biographe Henry Mottu (22), a tendance à renverser la perspective paulinienne" En effet, Joachim de Flore met radicalement en question :

1/ -- la continuité entre l'Ancien Testament et le message inédit de Jésus : Jésus n'est pas " venu pour clore l'histoire du salut mais pour l'ouvrir à son accomplissement." (id. p. 326)

2/- la prétention de faire de Jésus le Messie (Christ) attendu par les juifs, et, par conséquent de faire de ce Christ le fondateur d'une Eglise qui, dira Saint Thomas (Somme théologique I a, 2 ae. qu. 106) " durera jusqu'a la fin des temps. "

Joachim de Flore n'accepte pas ce christianisme judaïsé par Paul. Il écrit même, pour marquer les ruptures, un "Adversus judeos".

Il souligne, au contraire les étapes du salut : " Si la lettre de l'Ancien Testament a été confiée au peuple juif, la lettre du Nouveau Testament le fut au peuple romain, tandis que l'intelligence spirituelle qui procède des deux est confiée aux hommes spirituels. " (Concordia II, 1,7,9b).

La Trinité est ainsi déployée dans l'histoire :

-- l'âge du Père est celui de la Loi.

-- l'âge du Fils est celui de la Grâce.

-- l'âge de l'Esprit sera celui de la liberté. (C.V.84, 112 b c)

Cette conception de la Trinité fut condamnée en 1215 par le Concile de Latran, car la troisième alliance constituait une subversion de l'Eglise romaine et du pouvoir de son clergé ; elle disparaissait à l'âge de l'Evangile éternel (Apocalypse XIV, 6), où, Dieu étant tout en tous, devenaient caduques les autorités antérieures : si l'Evangile se transformait en Loi, même nouvelle, c'est tout le christianisme qui sombrerait dans un nouveau judaïsme. (Tractatus 197. 2-3)

Contre le paulinisme constantinien, Joachim de Flore représente le pôle apocalyptique des Evangiles.

A ce titre il est le précurseur d'une double ouverture du christianisme traditionnel.

1/ -- Non seulement celle du grand refus de la théologie romaine de la domination qui s'exprima par la Réforme de Luther, mais aussi par la révolution de Thomas Münzer, se réclamant de lui pour ouvrir la perspective d'un monde sans Eglise, sans propriété et sans Etat, projet si prémonitoire que Marx et Engels y verront le programme communiste le plus radical jusqu'au milieu du XIXème siècle, c'est à dire jusqu'à leur propre Manifeste communiste (Engels : La guerre des paysans. Conclusion)

2/ -- La visée d'un universalisme de la foi. Joachim de Flore voyage à Constantinople et rêve de rétablir l'unité de la foi après le schisme des Eglises d'Orient.

Il pouvait trouver, chez les Pères d'Orient, une première ébauche de sa propre vision : " Dans l'histoire de l'univers il y a eu deux grandes mutations, qu'on appelle les deux Testaments, l'un fait passer les hommes de l'idolâtrie à la foi, l'autre de la Loi à l'Evangile, un troisième séisme est prédit... " (Saint Grégoire de Nysse. Discours théologiques V, 15) qui pouvait se fonder sur l'Evangile de Saint Jean, fréquemment évoqué par Joachim de Flore, Jésus y prévient ses disciples :

" J'ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais vous ne pouvez pas les porter maintenant. Quand viendra l'ESPRIT DE VERITE, il vous conduira vers la vérité tout entière.... il vous annoncera les choses à venir. " (Jean XVI, 12-13)

Joachim de Flore visite la Palestine, et imprégné, par son éducation première, en Sicile, par la culture arabo-islamique, il retient l'idée maîtresses de cette philosophie : Dieu n'a pas créé le monde une fois pour toutes et figé ainsi l'histoire dans l'acceptation de l'être de droit divin, mais au contraire dans un acte fondé sur la dignité de l'homme, sur sa participation à l'acte créateur d'un Dieu qui " ne cesse de créer. " (Coran XXXV, 81).

" Il commence la création et la recommence. " (Coran X,4)

Ce dynamisme de la création continuée et de la participation de l'homme habité par Dieu sera le dénominateur commun, de Ramon Lull au Cardinal Nicolas de Cues, des théologies de l'espérance aux théologies de la libération, de toutes les tentatives d'oecuménisme véritable, c'est à dire total, unissant la foi de toutes les familles de la terre.

Dante place Joachim de Flore au quatrième ciel de son Paradis et y salue son esprit prophétique.

* * *

Cette grande espérance d'universalité véritable et d'unité de la foi revit, un demi-siècle après la mort de Joachim de Flore, dans une autre île de la Méditerranée, Majorque, où, malgré la reconquista, l'influence de la culture arabo-islamique demeurait vivante.

Ramon Lull (1232-1316), lui aussi, dut combattre intégrisme et répression : il naquit l'année même où l'Inquisition était confiée aux Dominicains. Il avait 12 ans lorsque les derniers Cathares étaient brûlés sur les bûchers de Montségur. Il a 42 ans lorsqu'en 1274 Saint Thomas d'Aquin publie sa Somme théologique. Il a 59 ans lorsque les derniers croisés sont contraints à se rembarquer pour l'Europe à Saint-Jean d'Acre, en 1294, après l'échec de la huitième Croisade.

Il meurt en 1316, mais sa pensée est condamnée comme hérétique en 1376 par le Pape Grégoire XI pour n'être réhabilitée qu'en 1419, par le Pape Martin V.

Son oeuvre est dominée par un esprit missionnaire : il fait serment, dès sa propre conversion, de " ne se donner ni repos ni consolation tant que le monde entier ne louerait pas le Dieu trine et un. " (Libre de contemplació, ch.358, 30). Et ceci, non par contrainte et violence mais au contraire en se faisant le procurateur des infidèles.

C'est pour convaincre mieux qu'il inventa, en son Ars Magna, une méthode de pensée universelle, sans rapport avec la logique d'Aristote et de Saint Thomas, mais qui constitue une première ébauche de la combinatoire de Leibniz poursuivant le rêve d'une langue universelle .

De même que Leibniz s'intéressait, pour atteindre ce but, à la langue chinoise et aux hexagones du Yi-King, Ramon Lull traduit, en 1276, la logique du philosophe musulman Al Ghazali, et, s'inspirant de la mystique des soufis écrit le Livre d'Evast et de Blaquerne, à la fois roman et utopie, évoquant le cheminement spirituel de l'homme mais aussi l'image d'une société idéale, englobant l'humanité tout entière et assurant la paix de tous.

A partir de là, l'homme va pouvoir se consacrer à la méditation et découvrir Dieu dans l'amour. C'est le Livre de l'ami et de l'aimé. L'aimé c'est Dieu fait homme et crucifié.

Pour convaincre les musulmans, en 1307, à Bougie, il emprunte à ses interlocuteurs leurs méthodes et leur langage comme l'ont montré les plus grands arabisants espagnols, Julian Ribeira et Asin Palacios.

Il use même de leur langue, écrivant en arabe, en 1270, son Livre du gentil et des trois sages. Les trois sages sont un rabbin, un prêtre chrétien et un sarrazin. Le gentil est un athée qu'ils essaient de conduire à la foi.

Désespéré d'abord par leurs divergences, l'athée les rejoint finalement dans une foi commune lorsque l'un d'eux reconnaît :" Les hommes sont tellement enracinés dans la foi qu'ont choisie pour eux leurs parents et leurs maîtres qu'il est impossible de les en arracher. " Par contre il existe une foi fondamentale et première, à travers la diversité des cultures, et celle-ci est accueillie par le gentil sans que les trois sages veuillent connaître laquelle des trois religions il avait choisie. L'un d'eux dit en conclusion : " Nous devons tirer profit de l'aventure que nous venons de vivre. Nous nous rencontrerons jusqu'à ce que nous ayions tous les trois une seule foi. " Ils font ensemble le serment de porter cette vérité au monde " dès qu'ils seraient unis par une même foi. "

Au principe et au terme de la vision de Ramon Lull, il y a l'amour par lequel l'être fini prend conscience de son insuffisance par rapport à l'infinité à laquelle il aspire. C'est le moteur de sa vie : être c'est agir pour dépasser sa finitude, c'est à dire pour travailler à l'harmonie du monde en découvrant que Dieu est en nous ce qu'il y a de plus intime et nous appelle à poursuivre son oeuvre de création de cette unité de soi- même, du monde et de Dieu.

* * *

Le dernier grand rêve d'universalité fondé sur la fécondation réciproque des cultures et des religions, d'unité symphonique du monde et non pas d'unité impériale de domination, en rupture donc avec l'ethnocentrisme romain puis occidental, fut celui du Cardinal Nicolas de Cues (1401 -- 1464) dans son livre : La Paix de la foi, publié en 1453, l'année même de la prise, par les Turcs, de Constantinople, capitale d'une monarchie de tradition romaine, dans un cadre grec.

La victoire turque eut, dans toute l'Europe, un retentissement considérable, car elle apparut comme une victoire de l'Islam sur la chrétienté.

Au lieu de faire appel à de nouvelles Croisades, le Cardinal Nicolas de Cues eut l'audace de répondre par la Paix de la foi, fondée sur deux principes fondamentaux de tout véritable dialogue énoncés au chapitre 5 du livre :

1/ -- " aucune créature ne peut embrasser le concept de l'unité de Dieu "

2/ -- " il n'y a qu'une seule religion dans la variété des pratiques religieuses."

Il tend ainsi à définir une foi fondamentale et universelle, dont l'unité est masquée par la diversité des cultures dans lesquelles elle s'exprime: " Ce n'est pas une autre foi, mais la même et unique foi que vous trouverez sous jacente chez tous les peuples." (chap. 4)

Ce n'était pas seulement l'exclusion de la Croisade, mais un changement même du rôle de la mission : au lieu de pratiquer une colonisation culturelle de l'autre, le missionnaire chrétien doit d'abord reconnaître Jésus vivant, présent et agissant dans la diversité des cultes et des cultures.

De là le projet de ce Concile universel de toutes les religions du monde fondant une paix durable entre les peuples par la prise de conscience d'une foi commune respectueuse de la diversité de ses approches, car " avant toute pluralité on trouve l'unité " (ch. 4)

Et d'abord l'unité profonde de l'homme et de Dieu, telle que l'avait conçue l'Eglise d'Orient que Nicolas de Cues avait connue, non seulement par la lecture des Pères grecs mais par l'expérience vécue qu'il avait de la foi orthodoxe lors de son voyage à Constantinople en 1437.

Le premier intervenant, après le grec, dans ce Concile, est un non- chrétien : un indien qui proclame que les hommes " ne sont pas Dieu absolument mais Dieux par participation. " (ch.VII).

Le chaldéen souligne : " l'on voit dans l'essence de l'amour comment l'aimé unit l'amant à l'aimable. " (ch. VIII).

Dès lors, dit Le Verbe dans La Paix de la foi. (ch.IX) les Arabes comprendront "qu'admettre la Trinité c'est nier la pluralité des Dieux. "

Sur quoi, le Persan ajoute (ch.XI) que " de tous les prophètes Jésus est le plus grand, il lui convient donc... d'être appelé "Verbe de Dieu". C'est ainsi d'ailleurs que l'appelle le Coran " (ch.XII).

Dans sa lettre à Jean de Ségovie, archevêque de Césarée, du 28 décembre 1453, Nicolas de Cues le félicite de se livrer à " l'étude critique du Coran " : "il faut plutôt dialoguer que guerroyer avec eux ", et lui-même écrira en 1461, une Cribratio Alchorani, étude critique du Coran où il recherche, sous les formules conflictuelles, ce qui est en accord avec sa propre foi.

Il n'y a dans cette recherche d'une foi fondamentale et première à travers la diversité des religions, nul éclectisme : le Cardinal Nicolas de Cues aborde ce dialogue à partir d'une méditation profonde, (dans son livre sur La docte ignorance, 1440), sur la connaissance qui s'oppose à la philosophie grecque de l'être et à la logique d'Aristote, car elle est fondée à la fois sur une conception de l'UN qui n'exclut ni le multiple ni la contradiction, et une conscience aiguë des rapports du fini et de l'infini, de l'homme et de Dieu, dont il avait eu, dit-il, la révélation philosophique au cours de son voyage en Orient en 1437 et 1438.

Contre l'aristotélisme et la logique de l'école, qui règnait de son temps, il formule le principe de la coincidence des contraires.

La pensée n'est pas pour lui un reflet de l'être, elle est un acte: celui de l'être fini qui s'efforce de penser la totalité de ses relations avec les autres, de prendre conscience qu'il n'est pas, en dehors de ces relations avec les autres et avec Dieu.

Cette méditation spirituelle s'enracine dans une réflexion mathématique sur la notion d'infini : un triangle dont un côté serait infini, serait identique à une ligne droite, de même que dans un cercle qui serait de diamètre infini, chaque segment de la circonférence, courbe dans une figure finie, serait une ligne droite (I,& 13). De même un polygone dont on diviserait indéfiniment les côtés deviendrait un cercle.

Ainsi toute choses, pensées en fonction de l'Infini, de Dieu qui est " en acte tout ce qui peut être ", sont une dans leur altérité et leur multiplicité.

" Les choses visibles sont des images de choses invisibles " (I, & 11) et la Docte ignorance n'est autre que la foi, la vision de toute chose en Dieu, c'est à dire dans la plénitude de ses relations avec le tout, et la conscience de son rapport à l'infini. C'est de cette manière que, rejoignant Maître Eckhart, il considère le temps : là encore, si l'on contemple l'histoire du point de vue de l'infini : si l'on voit les choses en Dieu (qui est au delà du temps) le passé et le futur ne sont que des extrapolations du présent ; si bien que, comme disait Maître Eckhart, " du point de vue de Dieu, le moment de la création du monde, le moment où je vous parle, et celui du Jugement dernier sont un seul et même instant. " (Sermon 9)

En regard de l'infini, l'instant est identique à l'éternité. " car l'infini nous fait dépasser complètement toute opposition " (chap. 16), comme la courbure du cercle devient, à l'infini, ligne droite, comme le triangle. Il en est de même pour toute forme et toute ligne : " l'infini est en acte tout ce que le fini est en puissance. " (I, chap. 13)

" L'infini nous fait dépasser toute opposition " (chap. 16). " Tout est en Dieu et Dieu est en Tout. " (II, chap. 3) toute chose est dans toutes les autres et n'existe que par elles. Tel est " le mouvement de connexion amoureuse qui porte toutes les choses vers l'unité pour former, à elles toutes, un univers " (II, chap. 10)

Nicolas de Cues, dans une formule dont on attribue faussement la paternité à Pascal, dit que " l'organisme du monde a son centre partout et sa circonférence nulle part, parce que Dieu est circonférence et centre, lui qui est partout et nulle part. " (II, 12).

Dans la perspective de cette unité des contraires, la mort du Christ est le gage de l'immortalité.

Mais pour nous, dans notre finitude, cette unité du multiple n'est accessible que par images : toute figuration ou définition de Dieu le réduit à nos dimensions de créature finie. Toute théologie est nécessairement négative : tout ce que je peux dire de Dieu est inévitablement une idole. Je ne puis dire que ce qu'il n'est pas : rien de fini au regard de l'infini.

Je ne puis le saisir par concepts. Ainsi " la foi est le commencement de la connaissance intellectuelle " (III, chap. 11) et aussi sa fin puisque la prise de conscience de cette inaccessibilité en fait un postulat (à la fois nécessaire et intellectuellement indémontrable). " Telles sont les vérités qui se révèlent par degrés à celui qui s'élève à Jésus par la foi. Foi dont la divine efficacité ne s'explique pas. " (III, chap. 11)

La Docte ignorance s'oppose à l'l'ignorance arrogante, comme le fut la philosophie de l'être d'Aristote et comme le seront les philosophies de l'être de Descartes et d'Auguste Comte.

Elle fonde la Paix de la foi, avec sa compréhension de toutes les idolâtries : " les gentils nommaient Dieu de diverses manières, du point de vue de la création finie... tous ces noms sont des perfections particulières... ils le voyaient là où ils voyaient ses oeuvres divines." (I.chap. 25)

Cet universalisme sera détruit, un siècle plus tard, par la deuxième sécession de l'Occident : après la philosophie de l'être qui s'exprimait chez Platon et Aristote, celle qui s'exprima dans la raison technicienne de la renaissance. L'Occident conçut alors une science ne visant que l'accroissement quantitatif des moyens, et oublieuse de la recherche des fins.

b) -- Les occasions manquées : de Thomas More à Montaigne.

Dès les débuts de cette ère historique qui s'ouvre, en 1492, par l'invasion de l'Amérique, il y eut des hommes qui perçurent le sens de la nouvelle barbarie de cet Occident qui se considérait comme la seule civilisation possible et la seule porteuse de la modernité, et montrèrent qu'en ce moment de fracture de l'histoire cet Occident faisait fausse route.

Les esprits les plus lucides de l'époque comme Monseigneur Bartolomé de Las Casas, fils d'un compagnon de Christophe Colomb, premier prêtre ordonné aux Amériques et premier évêque de Chiapas, dans son livre sur La destruction des Indes écrit : "la barbarie est venue d'Europe. ".

Le témoin le plus significatif en est Thomas More (1478-1535) qui écrivit la première Utopie de l'Europe. Sa vision de l'avenir n'est pas faite de rêves subjectifs ni de fantaisies imaginatives.

Le premier livre de son utopie est au contraire une analyse profonde du passage qui s'opère sous ses yeux, en Angleterre, d'une société féodale et agricole, à un capitalisme marchand inauguré par l'industrie de la laine.

Avocat de la corporation des merciers, il connaissait tous les mécanismes du commerce de la laine avec les flamands auprès desquels il fut envoyé comme ambassadeur, à Anvers, pour régler les contentieux avec les tisserands. Puis pour apaiser les conflits des marchands anglais et français. Membre du Parlement il se spécialise dans le contrôle des dépenses de l'Etat.

A l'avènement d'Henri VIII, Thomas More ose espérer, écrit-il, que le roi serait " un père pour le peuple et non un maître d'esclaves. " En 1529, il accède à la plus haute magistrature d'Angleterre : celle de Chancelier du Royaume. Mais il refuse inflexiblement le divorce d'Henri VIII d'avec Catherine d'Espagne, et plus encore, comme catholique fidèle, à l'acte de suprématie de 1533, qui fit du roi le chef suprême de l'Eglise anglicane. Accusé pour son opposition intransigeante, sa tête tomba sous la hache du bourreau le 6 juin 1534.

Ainsi l'auteur de la première Utopie, qui contient en germe l'esprit de tous les socialismes européens, est l'oeuvre non pas d'un rêveur, mais d'un homme de terrain qui, à tous les niveaux de responsabilité qui furent les siens (jusqu'au plus élevé), a connu et vécu les débuts du capitalisme marchand. Il en a analysé les mécanismes et les effets pervers.

La première partie de son utopie est consacrée à l'examen de la mutation anglaise.

Pour alimenter le commerce de la laine les anciens féodaux et les riches marchands ont accaparé les terres où les petits paysans pratiquent des cultures vivrières, les ont chassé de leurs fermes, ont clôturé (actes d'enclosures) d'immenses espaces pour y élever des moutons pour le marché de la laine. Thomas More fait une description minutieuse et tragique de cette opération du capitalisme naissant :

"Ainsi un avare affamé enferme des milliers d'arpents dans un même enclos : et d'honnêtes cultivateurs sont chassés de leurs maisons, les uns par la fraude, les autres par la violence, les plus heureux par une suite de vexations et de tracasseries qui les forcent à vendre leurs propriétés. Et ces familles, plus nombreuses que riches (car l'agriculture a besoin de beaucoup de bras), émigrent à travers les campagnes, maris et femmes, veuves et orphelins, pères et mères avec de petits enfants. Les malheureux fuient en pleurant le toit qui les a vus naître, le sol qui les a nourris, et ils ne trouvent pas où se réfugier. Alors, ils vendent à vil prix ce qu'ils ont pu emporter de leurs effets, marchandise dont la valeur est déjà bien peu de chose. Cette faible ressource épuisée, que leur restera-t-il ? Le vol, et puis la pendaison dans les fermes." (23)

" Mettez un frein à l'avare égoïsme des riches ; ôtez-leur le droit d'accaparement et de monopole. Donnez à l'agriculture un large développement ; créez des manufactures de laine et d'autres branches d'industrie, où vienne s'occuper utilement cette foule d'hommes dont la misère a fait, juqu'à présent, des voleurs ou des vagabonds." (24)

A ceux qui ne voient que "la potence comme barrière contre le brigandage" sa réponse est : " Ma conviction intime est qu'il y a de l'injustice à tuer un homme pour avoir pris de l'argent, puisque la société humaine ne peut pas être organisée de manière à garantir à chacun une égale portion de bien. "

Et voici la thèse centrale qui se dégage de la critique de l'ordre établi en Angleterre par la victoire du capitalisme :

" Partout où la propriété est un droit individuel, où toutes les choses se mesurent à l'argent, là on ne pourra jamais organiser la justice et la propriété sociale, à moins que vous n'appeliez juste la société où ce qu'il y a de meilleur est le partage des plus méchants, et que vous n'estimiez parfaitement heureux l'Etat où la fortune publique se trouve la proie d'une poignée d'individus insatiables de jouissances, tandis que la masse est dévorée par la misère.

" L'égalité, est, je crois, impossible dans un Etat où la possession est privée et absolue; car chacun s'y autorise de divers titres et droits pour attirer à soi autant qu'il peut, et la richesse nationale, quelque grande qu'elle soit, finit par tomber en la possession d'un petit nombre d'individus qui ne laissent aux autres qu'indigence et misère.

Voilà ce qui me persuade invinciblement que l'unique moyen de distribuer les biens avec égalité, avec justice, et de constituer le bonheur du genre humain, c'est l'abolition de la propriété. Tant que le droit de propriété sera le fondement de l'édifice social, la classe la plus nombreuse et la plus estimable n'aura en partage que disette, tourments et désespoir. "

" C'est pourquoi, lorsque j'envisage et j'observe les républiques aujourd'hui florissantes, je n'y vois qu'une conspiration des riches faisant au mieux leurs affaires sous le nom et le titre fastueux de république. Les conjurés cherchent par toutes les ruses et par tous les moyens possibles à atteindre ce double but : Premièrement s'assurer la possession certaine et indéfinie d'une fortune plus ou moins mal acquise ; secondement, abuser de la misère des pauvres, abuser de leurs personnes, et acheter au plus bas prix possible leur industrie et leurs labeurs. Et ces machinations décrétées par les riches au nom de l'Etat et par conséquent au nom même des pauvres, sont devenues des lois. "

A cette société fondée sur le pouvoir absolu du marché de l'argent, Thomas More n'oppose pas de rêveries romantiques. Il se veut aussi expérimental dans ses projets que dans ses critiques.

Il montre qu'une société, radicalement différente en son principe même, est possible. Elle est possible puisqu'elle existe déjà, même avec ses insuffisances, dans le Nouveau Monde.

Il existe là une autre forme de développement dont le but n'est pas l'accumulation de l'or mais l'épanouissement de l'homme: " C'est dans ce développement complet qu'ils font consister le vrai bonheur. " (Livre II)

La source première d'information de Thomas More, ce sont les rapports d'Amerigo Vespucci (celui qui donna à l'Amérique son nom) sur ses quatre voyages au Nouveau Monde, publiés en 1507, et aussi des témoins oculaires tels que son interlocuteur, Raphaël, dont il nous dit: "Le Portugal est son pays. Jeune encore il abandonna son patrimoine à ses frères; dévoré de la passion de courir le monde, il s'attacha à la personne et à la fortune d'Amerigo Vespucci. Il n'a pas quitté un instant ce grand navigateur pendant les trois derniers de ses quatre voyages dont on lit partout aujourd'hui la relation. " (Livre I)

Raphaël lui dit: "Votre imagination ne se forme aucune idée d'une république semblable, ou ne s'en forme qu'une idée fausse. Si vous aviez été en Utopie, si vous aviez assisté au spectacle de ses institutions et de ses moeurs, comme moi qui y ai passé cinq années de ma vie, et qui n'ai pu me décider a en sortir que pour révéler ce nouveau monde à l'ancien, vous avoueriez que nulle part il n'existe de société aussi parfaitement organisée."

" Il y a observé, dit Thomas More, un grand nombre de lois capables d'éclairer, de régénérer les séniles nations et royaumes de la vieille Europe... que de siècles il nous faudra pour leur emprunter ce qu'il y a de plus parfait dans leur civilisation. "

A l'encontre des économistes du capitalisme naissant, qui considéraient les lois du marché comme des lois naturelles, Raphaël " découvre des peuples, des villes, des bourgs où.... en complet désaccord avec les institutions de notre continent, où l'or est adoré comme un dieu, recherché comme le souverain bien.... tout concourt à tenir l'or et l'argent en ignominie. " Ils n'en font point une monnaie. " L'or et l'argent n'ont aucune vertu, aucun usage, aucune propriété... aucune valeur que celle que la nature leur a donnée... C'est la folie humaine qui a mis tant de prix à leur rareté."

" En Utopie, l'avarice est impossible, puisque l'argent n'y est d'aucun usage; et, partant, quelle abondante source de chagrin n'a-t-elle pas tarie ? Qui ne sait.. en effet, que les fraudes, les vols, les rapines, les rixes, les tumultes, les querelles, les séditions, les meurtres, les trahisons, les empoisonnements, qui ne sait, dis-je, que tous ces crimes dont la société se venge par des supplices permanents sans pouvoir les prévenir, seraient anéantis le jour où l'argent aurait disparu ? Alors disparaitraient aussi la crainte, l'inquiétude, les soins, les fatigues et les veilles. La pauvreté même, qui seule paralt avoir besoin d'argent, la pauvreté diminuerait à l'instant, si la monnaie était complètement abolie. "

A l'inverse de nos sociétés où la richesse est la mesure de toute chose, " ce qui renversait toutes ses idées, c'était le fondement sur lequel s'est édifiée cette république étrange, je veux dire la communauté de vie et de biens sans commerce d'argent. "

Dans une société où le marché devient le régulateur de toutes les relations sociales, chaque homme est un concurrent, un rival, aucune communauté n'est possible, seul triomphe l'individualisme, où, comme écrit Thomas More : "ce que vous ajoutez à l'avoir d'un individu, vous l'otez à celui de son voisin. "

Le contraire de cet individualisme, c'est la communauté, c'est à dire une société dont chaque membre se sent responsable de tous les autres.

" Ailleurs, écrit Thomas More, le principe du tien et du mien est consacré par une organisation dont le mécanisme est aussi compliqué que vicieux. Des milliers de lois n'y suffisent pas encore pour que tout individu puisse acquérir une propriété, la défendre, et la distinguer de la propriété d'autrui."

J'ai essayé, continua Raphaël, de vous décrire la forme de cette république, que je crois non seulement la meilleure, mais encore la seule qui puisse s'arroger à bon droit le nom de république. Car, partout ailleurs ceux qui parlent d'intérêt général ne songent qu'à leur intérêt personnel ; tandis que là où l'on ne possède rien en propre, tout le monde s'occupe sérieusement de là chose publique, parce que le bien particulier se confond réellement avec le bien général.

En Utopie où tout appartient à tous, personne ne peut manquer de rien, une fois que les greniers publics sont remplis. Car la fortune de l'Etat n'est jamais injustement distribuée en ce pays ; l'on n'y voit ni pauvre ni mendiant.

Le refus du luxe et de l'inutile a pour conséquence que " la population n'exerce que des professions utiles ", là encore aux antipodes des sociétés où l'appétit de consommation engendre le parasitisme :

" N'est-elle pas inique et ingrate la société qui prodigue tant de biens a ceux qu'on appelle nobles, à des joailliers, à des oisifs, ou à ces artisans de luxe, qui ne savent que flatter et servir des voluptés frivoles ? quand d'autre part, elle n'a ni coeur ni souci pour le laboureur, le charbonnier, le manoeuvre, le charretier, l'ouvrier, sans lesquels il n'existerait pas de sociéte. Dans son cruel égoïsme, elle abuse de la vigueur de leur jeunesse pour tirer d'eux le plus de travail et de profit. "

" Chacun ne se livrant qu'à des travaux utiles " le travail matériel y est de courte durée, et néanmoins ce travail produit l'abondance et le superflu. Quand il y a encombrement de produits un décret autorise une diminution sur la durée du travail, car le gouvernement ne cherche pas à fatiguer les citoyens par d'inutiles labeurs.

"Le but des institutions sociales en Utopie est de fournir d'abord aux besoins de la consommation publique et individuelle, puis de laisser à chacun le plus de temps possible pour s'affranchir de la servitude du corps, cultiver librement son esprit, développer ses facultés intellectuelles par l'étude des sciences et des lettres. C'est dans ce développement complet qu'ils font consister le vrai bonheur. "

Thomas More évoque le haut niveau de connaissances scientifiques atteint par les Indiens, notamment en astronomie.

Evoquant enfin leur sagesse et leur religion il souligne leur signification humaine : " Ils définissent la vertu : vivre selon la nature. Dieu, en créant l'homme, ne lui donna pas d'autre destinée."

" Les habitants de l'île, qui ne croient pas au christianisme, ne s'opposent point à sa propagation ", car ils " flétrissent sévèrement, au nom de la morale, l'homme qui dégrade la dignité de sa nature au point de penser que.. le monde marche au hasard. " [C'est qu'ils vivent la religion fondamentale et première qui est en tout homme : dire Dieu, de quelque nom qu'on l'appelle, c'est dire: la vie a un sens. R.G. ]

" Aussi quand je compare les institutions européennes à celles des autres pays, je ne puis assez admirer la sagesse et l'humanité d'une part, et déplorer, de l'autre, la déraison et la barbarie. "

* * *

Montaigne (1533-1592), dans ses Essais (Livre I, chapitre 11, intitulé :Des cannibales porte un jugement aussi sévère sur l'orientation nouvelle de l'histoire et il évoque ce qu'aurait pu être, entre les deux mondes, une autre rencontre, fondée sur le dialogue et la fécondation réciproque et non sur la négation de l'autre et la guerre de pillage et d'extermination des Indiens d'Amérique.

Montaigne part de l'Histoire générale des Indes de Lopez de Gomara. Il en fait une lecture critique en écoutant les témoignages d'un navigateur des Amériques qui lui fait rencontrer " diverses fois plusieurs matelots et marchands qu'il avait connus en ce voyage. " (Essais. Livre I, chap.31).

Il ne se contente pas de maudire les massacres des envahisseurs : " Qui mit jamais à tel prix le marché et le trafic ? Tant de villes rasées, tant de nations exterminées, tant de millions de peuples passés au fil de l'épée, et la plus riche et belle partie du monde bouleversée pour la négociation des perles et du poivre : mécaniques victoires. Jamais l'ambition, jamais les inimitiés publiques ne poussèrent les hommes les uns contre les autres a si horribles hostilités et calamités si misérables. " (Essais. Livre III, chap. VI)

Par contre, ajoute Montaigne (I, 21) " il n'y a rien de barbare et de sauvage en cette nation... à moins que chacun appelle barbarie ce qui n'est pas de son usage... Ils sont sauvages au sens où nous appelons "sauvages" les fruits que la nature seule a produits... alors que ce sont ceux que nous avons altérés par notre artifice et détournés de l'ordre commun que nous devrions appeler sauvages."

Monseigneur Bartolome de Las Casas confirme la barbarie des envahisseurs: " pour nourrir les chiens, ils mènent des Indiens enchaînés... ils les tuent et tiennent une boucherie ambulante de viande humaine. "

Le sage Montaigne, à qui furent rapportés ces témoignages oculaires de juges et de prêtres, écrit sur les cannibales : " Je ne suis pas marri que nous remarquions l'horreur barbare qu'il y a en une telle action... mais jugeant bien de leur faute, nous sommes aveugles sur les nôtres. Je pense qu'il y a plus de barbarie à manger un homme vivant qu'à le manger mort, à le déchirer, par tourments et par torture... le faire mordre par les chiens... que de le rôtir et le manger après qu'il a trépassé... Nous les pouvons donc appeler barbares... mais non pas par rapport à nous qui les surpassons en toutes sortes de barbaries. " (I, 31)

Il compare le courage des Indiens acceptant de "souffrir la mort plus volontiers que de se soumettre à la domination de ceux qui les ont si honteusement abusés", et la mécanique victoire des envahisseurs, en raison de la disparité des armes. (Essais III,6)

En parallèle à la rapacité des occidentaux, uniquement préoccupés par la recherche de mines d'or, il évoque la splendeur de leur architecture, " la magnificence des villes de Cuzco et de Mexico " (III 6)

Son témoignage sur cet urbanisme est confirmé par les témoins. Le chroniqueur Bernal Diez de Castillo, qui entra à Tenochtitlan (l'actuel Mexico) avec les troupes de Cortes écrit: " il y avait parmi nous des soldats qui avaient été à Constantinople, en Italie, à Rome, et ils disaient qu'une place construite avec tant d'harmonie et avec tant de monde, et où il règnait tant d'ordre, ils ne l'avaient jamais vu nulle part. "

Au Pérou Pizarre lui-même s'écrie : " Rien dans la chrétienté n'égale la magnificence de ces routes.". Et, des années plus tard ; le savant allemand Guillaume de Humboldt confirmera : "Cette chaussée, pavée de grandes pierres de taille peut être comparée aux plus belles routes des romains, ouvrages les plus utiles et les plus gigantesques que les hommes aient exécutés. "

Ce réseau routier n'était que le système de circulation sanguine d'une société qui, la première, donnait l'exemple de l'absence de propriété privée dans une civilisation hautement développée qui exalta les esprits les plus généreux de l'Europe : Campanella semble situer au Pérou l'utopie de sa Cité du soleil, et l'Abbé Morelly écrit dans sa Basiliade que la possibilité d'un système non fondé sur la propriété privée "n'est point imaginaire puisque les moeurs des peuples [qu'il décrit] ressemblent, à peu de choses près, à celle des peuples de l'Empire le plus florissant et le mieux policé qui fut jamais : je veux parler de celui des Péruviens".

Sur la qualité esthétique des oeuvres amérindiennes, nous avons ce témoignages d'Albert Dürer dans ses Lettres : " J'ai vu les choses rapportées au roi du nouveau pays doré : un soleil d'or massif grand d'une bonne toise ... une lune d'argent massif ... et tout cela est bien plus beau à voir que des prodiges ... je n'ai jamais rien vu qui m'aie plus réjoui le coeur que ces choses ".

Il reste très peu de ces oeuvres, car les conquistadores les fondaient en lingots.

La science des Mayas était en bien des points supérieure à celle de l'Europe à la même époque.

En astronomie, leurs prêtres calculaient l'année astronomique avec 365,222 jours, chiffre plus exact que celui du calendrier de Grégoire XIII (1502 -1585), postérieur de cinq siècles : il n'entraine qu'une erreur d'un jour sur 6 000 ans.

Il construisirent une table prévoyant les éclipses solaires.

Cela suppose un grand développement en mathématiques : leur système numérique, non pas décimal comme le nôtre, mais vigésimal, était supérieur aux systèmes que connurent les Grecs et les Romains.

Aucun peuple au monde n'a égalé les Indiens d'Amérique (et surtout les Mayas) pour le nombre de plantes domestiquées et cultivées, notamment le maïs, la pomme de terre, le manioc, le caoutchouc.

Montaigne évoque ce qu'aurait pu être, entre l'Europe et l'Amérindie une autre rencontre que celle des soudards et de marchands assoiffés d'or.

" Notre monde vient d'en rencontrer un autre... cet autre monde ne fera qu'entrer en lumière quand le nôtre en sortira.... Bien que je craigne que nous ayons bien fort hâté sa décadence et sa ruine par notre contagion. La plupart de leurs réponses et des négociations faites avec eux témoignent qu'ils ne nous étaient inférieurs ni en clarté d'esprit naturelle ni en pertinence... Combien il eût été aisé de faire son profit d'âmes si neuves ....

Au rebours nous nous sommes servis de leur ignorance et inexpérience à les plier plus parfaitement vers trahison, luxure, avarice et vers toutes sortes d'inhumanités et de cruautés à l'exemple et patron de nos moeurs " (Essais III, 6)

Ces quelques remarques sur les Amérindiens ne constituent pas une digression, mais une protection contre la prétention occidentale de représenter le seul modèle de modernité et de progrès, et une évocation d'un avenir possible de rencontre véritable des civilisations pour construire une unité, non pas impériale mais symphonique, du monde.


Ce texte est extrait du livre de Roger Garaudy intitulé L'Avenir: mode d'emploi, divisé ici en sept parties. Il est édité en 1998 par les éditions Vent du Large et se trouve en librairie (ISBN: 2-912341-15-9). On peut s'adresser, au choix, à l'éditeur, 1 av. Alphand, 75116, Paris, à la Librairie de l'Orient, 18 rue des Fossés Saint Bernard, 75005, Tel.: 01 40 51 85 33, Fax: 01 40 46 06 46 ou à l'Association Roger Garaudy pour le dialogue des civilisations, 69 rue de Sucy, 94430 Chennevières sur Marne.

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Roger Garaudy
L'AVENIR
MODE D'EMPLOI

Chapitres: | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | 8 | 9 | 10 |
 

I -- D'où vient le danger de mort du XXIe siècle?

1) -- La planète est malade: un monde cassé

2) -- L'Occident est un accident: Il a cassé le monde par trois

3) -- Hitler a gagné la guerre.

-- La destruction de l'Union soviétique.

-- La vassalisation de l'Europe.

-- L'exclusion des races inférieures dans le monde.

II -- Comment construire l'unité humaine pour empêcher ce suicide planétaire

1) -- Par une mutation économique

A Un contre Bretton-Woods

B pour un nouveau Bandoeng

2) -- Par une mutation politique

- Qu'est- ce qu'une démocratie? (Le monothéisme du marché détruit l'homme et sa liberté.)
-- D'une Déclaration des droits à une Déclaration des devoirs
-- La télévision contre la société

3 -- Par une mutation de l'éducation

- qu'est-ce que l'éducation? (Lire des mots ou lire le monde?)

-- Mythologie ou histoire?

a -- La mystification de l'idée de nation.

b -- Le colonialisme culturel

c -- Le mythe et l'histoire en Israël

- Philosophie de l'être ou philosophie de l'acte?

4 -- Par une mutation de la foi

Et maintenant?

- ... Ce que les corrompus d'aujourd'hui appellent mes rêves.
 


ANNEXES
I -- Trajectoire d'un siècle et d'une vie

1 -- Avoir vécu un siècle en feu

2 -- Les rencontres sur le chemin d'en haut

3 -- 1968: Soyons raisonnables: demandons l'impossible

4 -- Philosophie de l'Etre et philosophie de l'Acte

II -- L'Occident est un accident (ses trois sécessions)

1re sécession: de Socrate à la Renaissance

2e sécession: les trois postulats de la mort:

a -- d'Adam Smith au monothéisme du marché. (De la philosophie anglaise.)

b -- de Descartes à l'ordinanthrope. (De la philosophie française)

c -- de Faust au monde du non-sens. (De la philosophie allemande)

3e sécession:

a) -- Les Etats-Unis, avant-garde de la décadence

b) -- Les Etats-Unis, colonie d'Israël

III -- Une autre voie était possible

a) -- Les précurseurs: de Joachim de Flore au cardinal de Cues.

b) -- Les occasions manquées: de Thomas More à Montaigne.

IV -- L'avenir a déjà commencé

Graines d'espoir:

-- Le réveil de l'Asie: la nouvelle route de la soie.

-- Le réveil de l'Amérique Latine: la civilisation des tropiques.

Bibliographie



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