L'histoire du Maroc
contemporain demeure méconnue des Marocains, au point de
devenir un ensembles de grandes énigmes. Et nombre d'évènements importants de
notre histoire sont restés trop longtemps tabous. Voici un petit tour d'horizon
de quelques événements et sujets
tabous de l´histoire du régime alaouite régnant au Maroc
d´aujourd´hui, sans hypocrisie, sans guide officiel, sans police de la
pensé et sans peur du terrorisme intellectuel ou des interdits camouflés en "juridiques"!
.Hassan II. Son
fils, Mohamed VI, continue à danser sur sa musique
1. D'origine,
ce sont des Grands
voleurs et
bandits de grand
chemin
Contrairement à ce qu'a voulu faire
croire Hassan II dans son livre "Le Défi ", les Alaouites n'ont
pas succédé à la dynastie précédente.
Ils ont, en réalité, conquis le
Maroc, et s'y sont comportés en pays conquis, comme tous les occupants et
conquérants.
Ses aïeux étaient de petits chefs de bande sortis de leur
tanière du Tafilalt.
Hassan II a faussement présenté leur accession au pouvoir dans une
espèce de logique de succession, les Alaouites succédant dans l'ordre et le bien-être général
aux nombreuses grades dynasties, telles que furent celles des Almoravides, des
Almohades et des Mérinides, d'illustre mémoire, qui ont régné de Saragosse au
Sénégal et d'Agadir à Tunis.
Ali
Chérif
(1631-1636)
علي الشريف
Le premier des Alaouites était un
grand voleur et chef de bande, un condottiere
famélique. Ce fut un chef de bande qui avait besoin de contrôler la route de Sijilmassa - Fez pour écouler les produits venant du
Soudan et y acheter produits et denrées introuvables aux marchés du désert. Et
de la contrôler par la force!
La fortune et le pouvoir de la famille
"alaouite" - qui ont usurpé le pouvoir au Maroc - ne proviennent donc pas de
quelque noble origine ou de la "descendance du prophète Mohammed par sa fille
Fatima qui a épousé Ali", d'où le nom d'"Alaouite" qu'ils ont escroqué et dont
faussement ils se parent. Cette qualité de "chérif" (c'est-à-dire de "descendant
du prophète") est mensongèrement et fallacieusement partagée, avec eux, par des
centaines d'individus au Maroc et érigée en un mythe fabriqué de toute pièce et
qui peut même être "attestée" par des actes d'"adoul"
(notaires) qui peuvent facilement et fort bien s'acheter!
Ces chefs de bande sortis de du
Tafilalt, depuis le milieu du XVème
siècle, infligeront leur autorité dès 1666. Leur chef "Moulay" Ali Chérif, suivi
ensuite successivement par ses trois fils: "Moulay Chrif", "Moulay" M'hammed,
Moulay Rachid et Moulay Ismaîl réussiront à prendre le contrôle des voies de
communication transsahariennes et évolueront progressivement vers le Nord
jusqu'à l'occupation totale du pays.
2.
"Il peut faire sauter une tête d'un coup de sabre"
!
محمد بن الشريف
M'hammed
Ben Ali Chérif
(1636-1664)
M'hammed Ben Ali Chérif s'est
proclamé "sultan" de Tafilalet en 1640, suivi ensuite par "Moulay" Rachid.
La fortune volée et la "puissance" usurpée, fondée sur la violence, de la
famille "royale" «alaouite» au pouvoir au Maroc – bases originales de son
pouvoir - ne provient donc pas de quelque noble origine dont faussement
elle se pare.
La qualité essentielle de l'ancêtre
de la lignée - officiellement proclamée - d'Hassan II, et de
Mohamed 6 - Moulay M'hammed,
c'est son "exceptionnelle vigueur physique". "Il peut faire sauter une tête d'un
coup de sabre", "galoper 60 kilomètres par jour". Un boucher, un tueur. "Il va
courir et batailler partout" dit le très officiel manuel d'histoire du Maroc.
C'est vraiment tout ce qu'on en peut dire.
Le premier «grand homme» de
cette famille qui se dit "alaouite" se comporte en grand voleur et
bandit de grand chemin qui amasse son
butin, caravane par ci, caravane par là, et finit par se nommer tout seul
"sultan du Tafilalet".
C'est déjà un progrès énorme, mais l'on se prend à
regretter que la famille n'en soit pas restée là. Quand il sorte des limites de
son canton pour tenter de s'installer en maître sur la route Sijilmassa - Fez,
vieux passage des caravanes sahariennes, il trouve sur son chemin le grand
maître de la Zaouia de Dila qui régnait alors au cœur et sur le cœur du Maroc.
3. La Zaouia
de Dila face aux parasites alaouites
Il faut dire tout de suite un mot
de cette Zaouia qui a correspondu à un âge d'or, d'autant plus séduisant et
regrettable que les brutaux, sinistres et funestes Alaouites allaient surgir
pour tout détruire. "Zaouia" est un terme difficile à rendre, car il désigne
beaucoup plus qu'un monastère: la Zaouia
est un centre de rayonnement religieux et économique qui émane, à son origine, de l'action bienfaisante
d'un saint. Si l'on veut absolument établir une comparaison avec l'Occident
chrétien, disons que Dila (près de Kenitra) a eu pour le Maroc l'importance de
Cluny, en Bourgogne, pour la France, au temps de sa splendeur, le goût du luxe
en moins. La Zaouia de Dila ne vivait pas sur le pays, en parasite comme les
"alaouites", elle vivait
avec le pays, pour le pays, au rythme de ses aspirations. Elle était un organe
vital du Maroc, hautement légitime, nécessaire et admise.
Bien gérés, au mieux des intérêts
de la communauté, terres et troupeaux de la Zaouia lui donnent une base
économique solide et durable pour pratiquer l'hospitalité et exercer la
bienfaisance. La Zaouia ne perçoit pas d'impôts, ne pressure donc pas le pays,
mais au contraire redistribue sans compter et indistinctement les fruits du
travail communautaire à ceux qui en ont besoin. Tel est le véritable sens de la
"umma" ou "communauté" musulmane dont l'avarice des sultans alaouites tirera
prétexte pour razzier à leur seul profit les ressources de la terre marocaine.
La Zaouia est alors l'âme du pays: son résultat est fantastique: le pays vit
comme une république islamique, sans souverain, dans une honnête aisance
matérielle; il n'y a plus d'indigents (qui seront la marque du nouveau
régime).Son prestige devient très vite fabuleux. On accourt de tout le Maroc. La
Zaouia de Dila est un centre de rassemblement, car elle donne et ne prend pas.
Ses éléments les plus en vue donnent l'exemple d'une vie exemplaire. Une
religion sans haine, une pratique religieuse attentive, mais sans bigoterie,
l'Islam, en un mot, dans toute sa vertu. A partir de 1603, on y vient en
pèlerinage. Maîtres et étudiants y retrouvent EN PAIX les préoccupations élevées
de la foi et de la culture. Dila arbitre les conflits. On l'écoute: la force de
la raison et de l'exemple. On ne croit pas une canaille couronnée qui rend la
justice. Les décisions de la Zaouia ne sont jamais discutées. Le poids moral et
la solidité de ses partisans vont arrêter un temps le rezzou de Moulay M'hammed,
"sultan du tafilalet" et homme sans foi ni loi. L'Alaouite recule mais se
cramponne sur une zone où l'influence de la Zaouia ne s'étend
malheureusement pas: l'Oriental. Après 1650, il prend Oujda et Tlemcen Mais au
premier froncement de sourcils des Turcs qui ne s'étaient pas méfiés de ce
pilleur de caravanes, il regagne ses bases de Tafilalt."Il n'entreprend plus que
de simples razzias". Dès leurs modestes débuts, les Alaouites mettent clairement
en évidence leurs moyens d'action: la violence pour s'imposer, le pillage pour
se maintenir. Attitude parfaitement négative qui mettra le pays à feu et à sang
et le laissera exsangue lorsque l'Occident impérialiste et fortement
industrialisé, appuyé, dans le cas de la France, sur les intrigues de
l'Alliance Israélite Universelle prétextant une aide à apporter à la
communauté juive locale,- (l'équivalent des intrigues des négociants juifs de
la Régence d'Alger, les frères Bacri, vraie cause de l'intervention armée de la
France, sans compter des raisons analogues en Tunisie) - effectuera sa
grande poussée en avant. Et encore les premier Alaouites, avaient -ils, au moins, une qualité: la hardiesse au feu
qui en eussent fait d'excellents officiers subalternes. Les suivants seront de
vraies lavasses: cruels encore, mais lâches et pusillanimes.
4.La méthode alaouite: le pouvoir
par l'argent, la violence et la corruption
رشيد بن الشريف
Rachid
(1664-1672)
Ces razzias, odieuses contre le peuple, paraissent encore trop minables au frère
cadet de Moulay M' Hamed, Moulay Rachid, aussi vigoureux que son frère,
mais moins limité intellectuellement ou plutôt davantage gourmand. M'hammed s'en
méfiait, mais pas assez.
Rachid échappe donc un jour à la fraternelle surveillance (trait constant chez
les Alaouites) et quitte le foyer familial, à la mort de leur père Moulay
Chérif, en 1659.
La présence paternelle empêchait M'hammed de liquider son frère. Cadet de
famille, arriviste sans scrupules, il fait un petit tour du Maroc avec une
poignée de compagnons. A cette époque, l'on pouvait circuler sans
problèmes. Cela ne devait pas durer. Il exploite à fond un nom qui commence à
être strictement connu, s'en sert pour recruter une petite troupe qui ne rêve
que plaies et bosses et il lui permettra de se constituer un trésor de guerre.
Deux choses importent: le pouvoir et l'argent: le pouvoir par l'argent; le
pouvoir donc l'argent. Stricte méthode alaouite.
Violence et corruption. Repoussé dans tout le Maroc, Rachid, dans la région de
Taza, est à bout de forces. Au Nord -Est de Taza, il y a un gros village dans
les montagnes des Beni Snassen, prospère et pacifique: Dar Ben Mechaal. Rachid
et sa poignée de ruffians s'en emparent de nuit, par ruse.
Préservée de toute tyrannie
centrale, la région avait prospéré et ses habitants avaient économisé. Rachid
rafla tout, rançonna les survivants et vendit les femmes jeunes et les enfants,
du moins ceux qu'il ne garda pas pour ses plaisirs. Cette action si peu
glorieuse et qui relève strictement du droit commun devient un siècle plus tard,
dans les récit appointés des
historiographes du régime, car l'on ne pouvait pas taire un hold-up aussi
sanglant et une telle friponnerie:
"une action de purification réalisée par Moulay Rachid aux dépens d'un Juif
nommé Ibn Mechaal qui terrorisait et pressurait les Musulmans des environs de
Taza!" On fait même de cette communauté montagnarde un royaume juif qui aurait
survécu à l'islamisation du pays! Comme si les montagnes marocaines, à la
religion aussi sourcilleuse, eussent pu laisser subsister un royaume
d'infidèles! Le mensonge, deuxième mamelle, après la violence, du pouvoir
alaouite, fait ainsi son apparition sur la scène de l'Histoire. Mais ensuite le
défunt Hassan II n'a plus eu assez de ses thuriféraires dupes ou appointés; il
s'est mis à écrire…Cet acte de brigandage est alors devenu un haut fait du
premier souverain de la dynastie. Mentez, mentez, il en restera toujours quelque
chose. Dans son traité sur la Politique, Aristote dit que certains
mentent, non pour telles ou telles
raisons, par intérêt ou lâcheté ni orgueil, mais parce qu'ils sont
menteurs par nature. Il n'est que temps de rétablir la vérité, sinon le dernier
des Alaouites aura presque réussi à
faire passer ses aïeux pour de petits saints Louis. Il est vrai que ce saint Louis n'en était pas un, mais
certainement pas un malfrat!
Rachid avait enfin ce qu'il voulait: des
coffrets de pièces d'or qui surchargeaient les bâts de sa caravane de mules. Il
acheta de la poudre, des armes
modernes et des munitions: jamais
ce Rif n'en a manqué! Il lui en resta assez pour acheter le concours de quelques
centaines de Cheragas, tribu arabe de l'Orientale qui était supposée obéir à son frère
aîné Moulay M'hammed!
M'hammed tenta bien de réagir, mais c'était trop
tard. Ce n'était pas un affrontement où l'intelligence politique avait son mot à
dire, il n'y avait ni intelligence ni politique dans cet assaut contre un
pillard vieillissant et un pillard au mieux de sa forme. Le plus jeune gagna
donc et tua l'aîné. Les soldats de son frère passèrent aussitôt du bon côté,
celui du vainqueur, en 1664.
Le chef de bande est désormais sans entraves! Il prend Taza, puis Fez en
1666/1667 et rase la Zaouia de Dila. Un acte de barbarie: Rachid ne pouvait
supporter son prestige et son pouvoir d'attraction, lui qui n'existait que par
la violence. Il s'empara finalement de Marrakech et, comme d'habitude, en
massacra les défenseurs, dont Ari, le chef des Chebanats, la tribu guiche du
hark. Mais il devait curieusement mourir dans sa dernière conquête. Le deuxième
jour de la fête de l'Aïd el kébir, alors qu'il traversait le jardin de l'Agdal,
son cheval s'emballa et Rachid se fracassa le crâne contre la branche basse d'un olivier. Curieuse
fin pour un homme dont la qualité essentielle était d'être précisément un
cavalier hors pair"! On a dû aider son cheval à s'emballer. Et il existe, de
toute façon, bien des moyens de casser la tête à un gêneur. Mais l'histoire
officielle tient absolument à cette histoire de cheval emballé qui arrange bien
des choses, et surtout les affaires de ses frères. Sa prise de pouvoir avait
plongé le Maroc dans la guerre, les massacres et l'enchaînement de la violence.
Sa mort va inaugurer les guerres de succession qui ravageront le pays pendant
des siècles. Toute la famille veut participer à la curée. Il n'y a pas d'ordre
de succession.
5.Moulay Ismail: Un
harem de 500 femmes,
800 enfants,
grand
bâtisseur de prisons,
une armée de 150.000 esclaves noirs
Jadis les sultans marocains
désignaient de leur vivant un héritier: c'était le moindre mal, car il
s'agissait du plus capable.
Mais avec les "Alaouites", les frères du défunt vont déshériter les neveux qui
vont se venger etc…
Les Atrides auraient passé pour une famille unie, à côté de ces scènes
de tuerie familiale dont le pays va évidemment faire les frais.
Le bilan des tueries provoquées par l'anarchie FAMILIALE est terrifiant.
Le fils de Rachid, Ahmed ben Mahrez se proclame évidemment sultan dans le Sud.
اسماعيل بن الشريف
Ismail
(1672-1727)
Moulay Ismail, frère cadet
de Moulay Rachid, se proclame sultan à Meknès dont il est gouverneur et qui
restera sa ville chérie. Il en fera la plus fabuleuse caserne du monde. Il se
constitua un harem de 500 femmes et deviendra père de plus de 800 enfants. Son
principal conseiller fut le banquier juif
CARSINET Aaron. La guerre entre l'oncle usurpateur
et le neveu dépouillé, mais qui a hérité de la pugnacité paternelle, va durer 14
ans. Et dire que c'est ce Moulay Ismail qui passe pour avoir rétabli l'ordre!
Mais c'est
lui qui a provoqué cette situation personnelle, car son cher neveu
n'était pas un bambin fragile, il pouvait très bien prendre la succession de son
père; il n'avait pas besoin d'un tuteur.
Au reste, Ismaël n'a jamais justifié légalement son attitude: je prends la
première part, parce que je m'appelle lion, dit la fable! Petit détail juridique
qui a "échappé" curieusement à son descendant Hassan, quand il en fait l'éloge,
Hassan n'a pas eu d'oncle pour lui souffler sa place, car le Protectorat
veillait et les Français y ont exporté la règle de primogéniture qui avait,
malgré quelques bavures, fait merveille chez eux pour appesantir le pouvoir
royal et briser toute résistance populaire et aristocratique à l'État fiscal
qu'il voulait absolument puissant et personnel, reposant sur une bourgeoisie
avide qui deviendra une ruche d'essaims coloniaux et expansionnistes!
Il
est impossible de donner le détail des assassinats, des trahisons et des
pillages. C'est un sanglant Western qui pourrait s'appeler: "le peuple, la brute
et les truands". Pendant que Moulay Ismail, le soi-disant "invincible" essayait
de coincer son neveu qui le baladait dans tout le Maroc et particulièrement dans
le Sud, le reste du pays tentait d'en profiter pour échapper à la poigne du
pillard du Tafilalt devenu sultan par la grâce de quelques ulémas terrorisés ou
achetés. Le pseudo règne de Moulay Ismail n'est pas un règne, c'est une carrière
de flic, la gigantesque répression d'une "manif" qui ne cessera jamais, car le
pays n'acceptera pas son pouvoir. Son sceptre n'est qu'un sabre.
Naturellement, un de ses frères,
El-Harran lui dispute aussi le pouvoir, dans le Tafilalet, "berceau" de ce gros
panier de crabes. Il n' y a aucune raison. El-Harran a autant de "droit"
qu'Ismail, après tout. Tous deux sont également impopulaires. Ce genre de
situation atroce se retrouve dans toute l'histoire de la dynastie jusqu'au XXème
siècle inclus. C'est l'existence de la dynastie qui met le Maroc en péril.
Ahmed ben Mahres se proclama
finalement "roi" de Taroudant, dans cette région si florissante sous les
Saâdiens et dont les Alaouites feront un désert. Son seul tort fut de croire que
son oncle acceptait la situation, la partition de facto. Ainsi Moulay
Ismail le fit-il assassiner dans l'Anti-Atlas. Sa mort ne résolut rien pour
Moulay Ismail, car il ne fut évidemment pas accepté par le Sud qui avait perdu
l'habitude de dépendre d'un despote.
6."Qu'ils me haïssent, pourvu qu'ils me craignent
"
Tous ces échecs avaient démontré à Moulay Ismaïl le flic la nécessité d'un
matraquage efficace, s'il ne voulait pas finir comme son neveu. Il lui fallait
une armée. "Qu'ils me haïssent, pourvu qu'ils me craignent ": il n'a pas
inventé l’expression terrible tirée d’une tragédie romaine d’Accius mettant en
scène Atreus, père d’ Agamemnon, et
que l’Empereur réputé fou Caligula aurait, d’après Suétone, fait sienne,
mais, en revanche, il a perfectionné le système. Son armée sera sa seule idée
politique, son unique préoccupation. Et le pays ne peut ni ne veut évidemment
pas lui fournir assez d'hommes. Il va importer! Une armée permanente pour une
guerre permanente faite aux Marocains. Moulay Ismail
achète donc des esclaves noirs importés de l'Afrique noire. Il en achètera
pendant tout son règne. Il aura ainsi une armée d'esclaves noirs de 150.000
hommes forcément attachés à sa personne: l'armée la plus nombreuse de son temps.
Louis XIV son contemporain qui aura tant fait la guerre et dévasté des villes
allemandes, ruinant Heidelberg, par exemple, et le Palatinat,
n'a que de "petites" armées de 30.000 à 40.000 qui lui suffisent à affronter
l'Europe et à le faire surnommer le Mars Très Chrétien! Il en faut quatre fois
plus à Moulay Ismail pour occuper et tenir le Maroc qui se couvre de casernes et
non plus d'écoles ou de mosquées.
Moulay Ismail a été un grand
bâtisseur, c'est vrai, mais un grand bâtisseur de Qasba-prisons-casernes-perceptions.
Il et aussi le premier à avoir fait de l'élevage d'hommes esclaves pour fournir
ses compagnies de prédateurs.
Le système est simple. Les petites filles
noires sont esclaves dans les palais où elles reçoivent "une éducation ménagère"
(sic). Les petits garçons noirs s'amusent jusqu'à dix ans. A cet âge, ils
commencent en fait le service, par la conduite de bêtes de somme. Plus tard, ils
font le maçon sur les innombrables chantiers du sultan mégalomane.
A 14
ans, ils touchent leur premier cheval qu'ils montent à cru. Puis ils apprennent
à tirer à pied et à cheval. A 18 ans, ils sont versés dans l'active. Le
soldat esclave qui n'a pas connu d'autre univers, robot soigneusement remonté,
est mûr pour se faire tuer et pour tuer. Il est mûr aussi pour se marier: avec
son paquetage, il reçoit, comme on touche une prime, une petite esclave devenue
ménagère accomplie, avec ordre de faire le plus possible de petits soldats qui
ne coûteront plus rien au sultan.
Cela ne suffisait pas à Moulay Ismail. Le protectorat va opposer, deux cents ans
plus tard, les Berbères aux Arabes. Lui va opposer les Arabes aux Berbères: les
successeurs de Lyautey n'auront qu'à lire l'histoire du Maroc pour savoir
comment diviser un pays pour régner, en jeter les forces vives le unes contre
les autres. Le détruire
pour y installer un pouvoir étranger constitué d'esclaves noirs ou des
maîtres occupants colonialistes. Pour achever de quadriller le Maroc, ses
150.000 esclaves transplantés ne suffisant pas, Moulay Ismail crée des tribus "guich",
c'est-à-dire des tribus d'origine arabe installées dans les plaines, qui, en
échange du "service militaire" (on devrait dire "sévices militaires"!) reçoivent
des terres en toute jouissance. Mais comme ces seigneurs de la guerre ne peuvent
évidemment les cultiver eux-mêmes, qu'ils n'en ont pas le temps et que ce n'est
pas digne d'eux, ils emploient des métayers, le plus souvent payés au cinquième
des récoltes et des troupeaux.
7.L'esclavage sous toute ses formes
Ismail crée donc une caste militaire avec tout ce que cela implique de féodalité
guerrière inefficace sur le plan extérieur et
en corollaire, une masse de paysans pauvres, d'indigents en puissance livrés
sans défense au despotisme des petits seigneurs locaux. Des esclaves blancs en
fait et désarmés ceux-là. L'esclavage sous toute ses formes, déguisé ou non, est
- et a toujours été - le piler du régime "alaouite" au Maroc. Encore aujourd'hui
la monarchie réclame des sujets et non des citoyens. Pour diviser et dominer sur
ses sujets Ismail les dénature davantage et les déracine, en les parachutant
dans des régions où ils n'avaient aucune attache. Le despote sait que
l'enracinement est un facteur d'union nationale qui peut se retourner contre sa
tyrannie. Une moitié des Oudaya surveilla Fèz, l'autre moitié surveilla
Meknès. Les chebanats du Haouz, qui avaient résisté à son frère Moulay Rachid
(qui avait exterminé ses chefs), furent envoyés à 800 kms de chez eux, pour
surveiller les tribus berbères des Beni Snassen que Moulay Rachid avait
dévalisées (cf. l'histoire de Dar el Méchal) au Nord-Est du Maroc. Et surtout il
installa les tribus "guich" dans le Tadla, sur les ruines de la Zaouia de Dila,
pour surveiller "la puissante forteresse berbère du Moyen Atlas et du
Haut Atlas Occidental".
Ismaël allait déclencher une guerre civile de 24 ans qui durera en fait
jusqu'à ce que les forces françaises réduisent les derniers villages libres en
1934! Les montagnards n'accepteront jamais la présence alaouite, et ils ont les
moyens de se défendre. Ils n'accepteront jamais l'établissement d'un système
"monarchique" tout à fait étranger et contraire à l'esprit de l'Islam. Les
Alaouites constamment repoussés useront de leurs malheureuses troupes fourvoyées
dans une sale guerre en les envoyant " à l'assaut du ciel " pour tenter
d'affirmer leur pouvoir personnel autocratique et illégitime. La confédération
des petites républiques islamiques de la montagne, puissamment motivées, pliera
parfois un temps, mais ne rompra jamais.
8.Etat-personnel
Les alaouites ont ouvert le Maroc
aux envahisseurs
Seule l'obstination tyrannique du palais provoquera une situation d'anarchie
"légale" et "organisée" dans une société normalement en équilibre et qui vivait
heureuse.
Anarchie créée par le pouvoir "Alaouite" qui entravera le
développement harmonieux d'une nation, préparera le lit aux envahisseurs
étrangers et dont seul le protectorat tirera bénéfice
Là encore, il est impossible de
citer toutes les opérations. Elles sont malheureusement identiques. Les armées
alaouites tombent sur notre pays comme un vol de sauterelles, à cette différence
près que ces acridiens s'attaquent aux hommes.
En 1679 Moulay Ismail qui a franchi l'Atlas se fait éparpiller dans le Todghra,
les gorges somptueuses de l'Oued deviendront son Roncevaux. "Il y perd même le
commandement de ses troupes. Les restes de son armée sont emportés dan une
tempête de neige en repassant l'Atlas au col de Telouet. Il s'en sort de
justesse et son descendant Moulay Hassan Ier,
qui aura tout oublié et rien appris, subira le même revers, au même endroit,
deux siècle plus tard.
Mais faire mourir des dizaines de milliers d'hommes ne compte pas pour lui: il a
ses centres de remonte, ses haras humains dont il lancera les produits dans une
nouvelle aventure sanglante.
Son descendant, Hassan II vante dans son "Défi" ses succès contre
l'étranger. Mais Tanger a été abandonné par les Anglais qui lui préféreront la
position supérieurement stratégique de Gibraltar. Moulay Ismaël n'a donc conquis
qu'une place vide! Et dans ses rapports vrais avec Louis XIV - pas ceux
folkloriques de son mariage projeté avec une princesse de Conti! - il a toujours
cédé. Il arrêta même la guerre maritime - la fameuse course que les étrangers
savaient fort bien utiliser à leur profit - et n'a pas su obliger Louis XIV à un
échange général des prisonniers.
Contrairement à l'image trop répandue des vilains barbaresques détroussant les
navires chrétiens, il y avait beaucoup plus de Marocains prisonniers du roi de
France et qui permettaient aux galères de Colbert de naviguer, que de Français
dans les geôles de Moulay Ismail (quelques dizaines seulement), Moulay Ismail se
contenta d'un échange de un contre un qui avantageait outrageusement le "Roi-Soleil".
Louis XIV avait, du reste, bien tort de traiter d'État à État.
Avec un
"Alaouite", il faut parler gros sou. Les Espagnols s'y prendront beaucoup mieux.
Ils enverront un franciscain, le bon frère Diego, lequel, bien appartenant à un
ordre mendiant, arrive avec des cadeaux pleins le froc. Le frère Diago parle
très bien l'arabe, amuse le sultan, le comble de cadeaux. A chaque présent, il
reçoit en échange un ou deux prisonniers espagnols. En 35 ans Diego recevra 60
prisonniers. Pas question de réciprocité pour les Marocains prisonniers des
Espagnols: des nationaux, Moulay se moque bien! Il a ses belles pendules en or,
ses broquarts éclatants, ses armes enrichies de pierres précieuses et même des
services à thé. Les Marocains peuvent bien pourrir dans des prisons ignobles,
les plus atroces d'Europe: le sultan s'amuse tellement avec
frère Diégo!
Le "grand" homme de la famille
meurt de sa belle mort, comme la plupart des tyrans: "sa mort est le signal
immédiat de l'anarchie… Le Maroc est secoué par la plus grave crise de son
histoire." Ce n'est pas moi qui le dit , qu'on ne m'accuse pas de
"subjectivité ", c'est le manuel scolaire marocain.
Après sa mort, et par les luttes internes entre les descendants de
"Moulay" Ismaël pour le pouvoir, le Maroc fut plongé dans des guerres
civiles sanguinaires et interminables jusqu'au début du vingtième siécle,
affaiblessant ainsi le pays et l'ouverant largement aux envahisseurs étrangers.
La réalité accusatrice est tellement énorme qu'on ne la peut
cacher. Toute la tyrannie du règne de Moulay Ismail aboutit en fait - après des
dizaines de milliers de victimes - à la plus monstrueuse et à la plus sanglante
des pagailles, uniquement à cause de la nature du pouvoir alaouite. Pour mettre
le pays à genoux il a passé son règne à inventer une armée d'occupation
constituée d'esclaves noirs étrangers et de petits féodaux. Et ce, pour rétablir
un ordre qui n'est troublé du reste que par sa présence!
Et cette armée (chargée de maintenir un Etat-personnel et un pouvoir
strictement personnel contre la nation) va se retourner, enfin de compte, à la
fois contre l'État "alaouite" et contre la Nation marocaine. Les horreurs des
empereurs romains de la décadence ne sont que jeux de patronage à côté des
cruautés dont les fils et descendants de Moulay Ismail ( dont voici, ci-dessous
les portraits par ordre de succession) soutenus par leurs mercenaires
étrangers, vont se rendre coupables.
9.
Abdelaziz: descendant d'une mère
circassienne,
désigné par un esclave noir qui exerçait le vrai pouvoir
"Moulay" Hassan I (1873 - 1894) - portrait et sur le
cheval - (grand-père de Hassan II)
ayant à sa droite le "célèbre" " Grand Vizir" noir Ba Ahmed
Le sultan
abdel aziz, fils de Hassan I(né le 24 fevrier 1878 à Marrakech),
ici en tenue d'officier turc: sa mère "lalla rkia" était turque d'origine juive
La
mère de Moulay Abdelaziz était circassienne d'origine juive. Elle s’appelait Lalla Requïa,
elle savait chanter et danser. Elle avait été achetée chez un
spécialiste de Constantinople, avec trois autres filles toutes aussi
circassiennes, pour un prix global de cent mille francs or. Ce n’est pas la
somme, en soi fabuleuse, qui intéresse ici
ni cet épisode de l’histoire vue par le trou de la serrure, mais bien le rôle
que va jouer Lalla Requïa pour l’avenir de la dynastie : elle ne s’est pas contentée
de chanter et de procréer, elle a aussi joué un rôle politique néfaste : elle
dominait complètement l’esprit du vieux Moulay Hassan, ce qui explique
qu’Abdelaziz devint le fils hautement préféré et élevé dans du coton au Palais, tout en étant un instrument
docile dans les mains de Ba Ahmed qui pouvait
ainsi manipuler plus facilement le sultan par l’intermédiaire de l’épouse
préférée et intrigante. C’est sans doute ce qu’a voulu insinuer Hassan II,
en l’occurrence officiellement arrière petit neveu de la circassienne, quand il
écrit : «C’est avec fierté que je puis dire que les mères, grand-mères, aïeules des souverains alaouites
appartiennent toutes aux familles populaires les plus modestes (« Le Défi »,
p.149) ». Ce doit être une démonstration par l’absurde ! On s’attendait même à
ce qu’il nous parlât de sa propre mère offerte par le Glaoui à son père
enceinte - de lui - de six moi, mais il nous laisse sur notre faim. Les
contrevérités d’Hassan II s’accrochent désespérément aux généralités. Ni nom, ni date,
ni fait. Je règne, donc je mens.
10.
Ba Ahmed: qund un esclave
devient le vrai sultan...
Ba Ahmed
-
d'un père noire venu d'Afrique noire, et d'une mère juive, c'est-à-dire, selon
la tradition sioniste, un vrai juif - n’était ni politicien
local ni un homme d'état marocain.
C’est une tradition familiale qui tient d’une part au goût déjà démontré des
Alaouites pour le personnel esclave servile et d’autre part à leur méfiance
constante envers les Marocains
Laissons un observateur étranger le
décrire. Parlant de Ba Ahmed et de son pouvoir au
Maroc, voici
ce qu'a écrit l'écrivain Français
Robert Brasillach, dans
son livre La Conquérante, republié chez Plon à Paris en 1943, p 333
:
"Le maître du monde, à Marrakech, c'était le grand vizir Ba Ahmed, fils d'un
nègre et d'une juive. Un horrible personnage, bouffi de graisse, avec un ventre
ballonné, un goinfre, brutal et sadique. Comme il était de basse extraction, il voulait tout ce qu'il
y a de plus beau, les bijoux, l'or, les palais ... Et
ne croyez pas qu'il ait simplement laissé
faire. Il
discutait avec les architectes, un peu à coup de bâton, il leur imposait ses
idées, et finalement celles d'un Français qui est le véritable inspirateur du
palais. Je l'ai connu, c'est le capitaine Erkmann, qui avait gagné les bonnes
grâces du nègre et de son principal architecte El Mekki."
Pour gouverner contre leurs sujets, les
alaouites ont toujours fait appel à des esclaves ou à des renégats qui leur
devaient tout. Moulay Ismail a donné l’exemple en séquestrant le
pays avec une armée d’esclaves importée à prix d’or ou volée chez des
particuliers au mépris du droit des gens.
Sitôt arrivé à Rabat avec la dépouille de son maître - Moulay Hassan I - mort depuis quatre jours, Ba Ahmed avait jeté en prison les deux fils aînés de feu le
sultan : Sidi Mohammed et Moulay Omar. Ce qui avait grandement simplifié dans un
premier temps les problèmes de succession. Puis comme son rôle d’homme de
confiance et de grand maître des cordons de la bourse ne l’avaient pas
suffisamment enrichi, il fit main basse sur la fortune
du Grand Vizir ( Djemaï) et du ministre de la guerre (
Si Mohammed Seghir), - fortunes acquises, tout aussi scandaleusement du
reste - en jetant ces deux personnages dans un cul de basse fosse à Tétouan, pour
éviter toute réclamation. On ne les revit jamais.
Il avait ensuite nommé aux
postes « importants » des hommes dévoués à sa personne ou incapables, souvent
les deux. Entourés de nullités ou d’instruments dociles,
Ba Ahmed pouvait gouverner tranquillement : ce n’était
pas « l’héritier de cent rois », l’inexistant Moulay Abdelaziz qui allait le
gêner.
11.
La canaille Ba Ahmed, sous produit des alaouites,
gouvernait le Maroc pendant des années!
Analphabète et
borné, Ba Ahmed
ignorait tout du reste du monde, grave lacune à l’heure où l’impérialisme
triomphant cherchait partout des os à ronger. Il avait seulement hérité de son maître Hassan Ier l’art de diviser
pour régner sur le pays , de
neutraliser les forces vives du Maroc dont la conjonction aurait été mortelle
pour la couronne. Pour régner, il fallait vivre contre le pays réel ou
être chassé.
Ba Ahmed allait vivre à n’importe quel prix pour
assurer un pouvoir que le monarque n’était pas même en mesure de lui disputer. En effet, l’on ne vit pas
tranquille, quand on « gouverne » seul contre tous.
Le premier ministre tout neuf ne dormait jamais deux fois de suite dans le même
lit pour échapper aux inévitables assassins. Son frère Si Saïd occupait une
position essentielle pour la bonne marche des affaires : il goûtait tous les
aliments qui étaient présentés à son frère.
Ba Ahmed avait tellement peur d’être empoisonné que Si Saïd assistait en personne à la préparation
de menus de vizirs et faisait sceller les
plats pour qu’on ne puisse rien y jeter entre les fourneaux et l’estomac (de
requin) du maître du Maroc. Le système ultra corrompu marcha fort "bien" pendant des années. Puis
Si Saïd mourut de mort naturelle, supposa-t-on, tout en sachant très bien que
personne ne goûtait ses plats à lui. Son frère le suivit dans la tombe au bout
de quelques semaines. On est en mesure d’affirmer, sinon de prouver, que ce
n’est pas le chagrin qui l’a terrassé !
Mais comme personne ne
voulait remplacer Si Saïd…
C’était ça le gouvernement
alaouite, à l’aube du 20ème siècle. C’était donner bien des
tentations à un (futur) envahisseur qui n’en demandait pas tant.
Cette franche canaille de Ba Ahmed maintenait seule la fiction d’un gouvernement.
Sa mort, le 13 mai 1900, marqua vraiment le commencement de la fin.
12. Après Ba
Ahmed, Abdelaziz ne régnait que sur
son palais
qu’il ne pouvait pas quitter sans risque
Le vieux
ministre avait parfois réussi à faire rentrer des impôts. Quelques garnisons
chérifiennes vivotaient encore à Taza, Oujda, Tarfaya, Agadir et Taroudant et
dans le Tafilat « berceau » de la dynastie, où elles
étaient supportées par le peuple, à la condition expresse de ne pas quitter ses qasbas écroulées. On les oubliait.
La mort de Ba Ahmed allait permettre à Moulay Abdelaziz, non pas de
régner sur son royaume, il en était bien incapable et ses sujets n’en voulaient
pas, mais au moins sur le palais de Fez qu’il ne pouvait pas quitter sans
risque.
Enfin il régnait en maître au bout de sa chambre, un beau cadeau pour ses
vingt-deux ans. Il s’en offrit un autre et c’est tout ce qu’il fit : il
confisqua l’énorme fortune de Ba Ahmed qui laissait
inachevé le somptueux palais de la
Bahia à Marrakech, indécent de luxe, escale obligée aujourd’hui pour les
touristes consciencieux, et dont pas un zellige (céramique),
pas un morceau de cèdre n’a été acquis honnêtement.
Le palais de son frère Dar Si Sahid,
a été édifié tout près de la Bahia dans les mêmes conditions. Les partisans du
frère d’Abdelaziz, Sidi Mohamed, qui
était toujours en prison, tentèrent bien de se battre, les armes à la main pour
leurs favoris, mais sans une victoire exagérée, si bien que le très jeune
ministre de la guerre, aussi séduisant que nul, réprima facilement de menus débuts d’insurrection qui n’auraient
rien changé.
Ravis de cette « efficacité », le sultan s’empressa de lui remettre les réalités
de ce pouvoir que Ba Ahmed avait emporté dans la tombe. L’élégant gentilhomme
remplaça le vieux noir retors et Moulay Abdelaziz retourna à sa vie de gamin
trop gâté.
Tout était en ordre. C’est-à-dire dans le plus grand désordre. "La nation
marocaine n’existe pas sans le roi " a Hassan II eu le culot et lecourage de dire dans son:
« Défi », (p.9).
En cette année zéro du vingtième siècle le sultan
n’existait plus, la nation marocaine survivait malgré lui, les puissances
occidentales veillaient sur leur proie. C’est grâce au vélo que le sultan allait
découvrir l’existence de l’Europe.
13. Abdelaziz ne régnait plus que sur une
foule de gadgets et de jouets du sultan
Abdelaziz, sultan sans royaume, ne régnait plus que sur une foule de gadgets qui
captivaient l’essentiel de son temps et vidaient la totalité du trésor public et
celui laissé par son père Moulay Hassan.
Un souverain alaouite - jusqu'à Mohamed VI d' aujourd'hui - n’a jamais vraiment su ce
que c’était qu’une route, qu’un hôpital, une école; il ne joue que des semblants
d'exercices théâtrale du pouvoir, et jamais l’argent des
impôts n’a été employé essentiellement pour la collectivité : le trésor public, c’était la
tirelire du roi. Jusque là, aucun souverain ne l’avait complètement cassée. On
pressurait le peuple, oui, mais on gardait toujours un petit fond de caisse. Même Hassan Ier avait réussi à laisser 60 millions de pesetas hassaniens à son fils gâté.
Mais
Abdelaziz allait toucher le fond du gouffre, casser sa belle tirelire et
endetter le pays pour s’offrir des joujoux. La dynastie a infligé au Maroc une
belle série de coquins criminels et incapables.
C’était la première fois que la mafia alaouite
présentait un adolescent attardé. Il était devenu la coqueluche des
représentants de commerce juifs qui savaient que l’on pouvait vendre n’importe
quoi au sultan de Fèz. Des autos, pour rouler dans les jardins du Palais,
puisqu’il n’y avait pas de routes et personne pour assurer le service après
vente. Des bicyclettes, des canaux à moteur, des pianos à queue, des appareils
photos.
Il en acheta même une bicyclettes en or massif ( 37.000
francs or) fait spécialement pour lui « sur mesure » par un industriel cynique. Il faisait
venir des prestidigitateurs de toute l’Europe pour acheter des tours qui
n'étaient pas à vendre. Il s’enticha ensuite de feux d’artifices. On tira tous
les soirs pendant des semaines des fusées qui ravissaient l’entourage d’Abdelaziz, mais dont la
valeur aurait suffi à nourrir dix mille personnes pendant trois mois .
14. Amuser "le descendant du prophète"
pendant que croule la nation du prophète !
Ensuite ce furent les cuisinières à charbon, mais il n’y avait pas de charbon
pour plus de deux jours. Puis les pendules, sans doute nécessaires pour le
« maître de l’heure ». Puis des corsets de femme et des falbalas des grands boulevards parisiens. Bref,
n’importe quoi à n’importe quel prix. Rien n’est trop beau ni trop cher pour
amuser "le descendant du prophète" pendant que croule la nation du
prophète.
La seule innovation politique d'Abdelaziz, entre deux séjours à la nursery sera la création
du "tertib", un nouvel impôt qui sera parfaitement exploité par
le "Protectorat" pour avantager les colons européens au détriment des Marocains.
Mais ce n’est pas l’occupant qui l’a inventé, comme le prétend Hassan II, mais
bien son grand-oncle sorti pour une fois de son infantilisme. Et c’est son autre
grand oncle Hafid qui aggravera cet impôt inventé pour
remplacer l'impôt islamique Zakate seul admissible. Cet instrument d’oppression est
le seul fait de la dynastie encore au pouvoir au Maroc aujourd'hui, instauré douze ans avant qu’un autre souverain alaouite ne signât le honteux
traité d'occupation appelé: "protectorat".
Mais, comble d’infortune pour le
souverain velléitaire, l’impôt new-look et détesté aggrava la trésorerie
alaouite puisque les anciens impôts abandonnés ne rentrèrent évidemment plus et
que le nouveau mit près de deux ans à rapporter dix fois moins que les anciens.
Coup d’essai, pas de clerc. Mais Abdelaziz s’en fichait :il était déjà retourné à ses petites voitures mécaniques et
pour payer des factures il empruntait de l’argent aux banquiers juifs et aux puissances occidentales
ravies de prendre une hypothèque qui se révèlera être impossible à lever.
Ces factures impayées d’un monarque incapable, c’est le peuple marocain qui
devra les payer de 44 ans d’un protectorat qui s’en ira en donnant en 1956 à un
sultanat traditionnellement impuissant les moyens matériels, sécuritaire et
militaires d’une dictature féodale mécanisée et
aggravée. Moulay Abdelaziz est un filou, un insensé, un fou criminel de
l’histoire de notre pays. Coupable de haute trahison, il s’esquivera avec un
gros pourboire bien mérité jeté par la future puissance occupante qui le lui
devait bien : il a fait beaucoup pour la France. Assez pour discréditer à tout
jamais une dynastie qui aura précipité un pays dans l’abîme.
15.
Quand
Ba Ahmed empêcha
l’envoyé
spécial français de rencontrer Abdelaziz...
La
compétence de l’entourage politique du premier ministre était si ahurissante
qu’elle stupéfia l’Europe.
Ba Ahmed avait décidé d’envoyer un représentant de la
couronne aux fêtes du jubilé de la reine Victoria, à Londres en 1897. Les
Anglais tenaient beaucoup à impressionner les Marocains par leur faste et la
grandeur de l’impératrice des Indes offerte à l’admiration des foules.
La délégation marocaine devait faire un petit crochet par Paris, louable souci
d’économie, pour ménager l’amour-propre des Français qui n’avaient rien à fêter,
mais qui étaient d’envahissants voisins en Algérie. C’était une bonne gestion,
c’aurait pu être de la bonne politique.
Hélas, Ba Ahmed choisit comme ambassadeur un de ses frères, pas
celui qui goûtait ses plats pour mourir empoisonné à sa place, un autre, dont
tout Fèz savait qu’il était « faible d’esprit ».
Faible mais suffisant, sans doute, pour ces vagues "tribus" françaises et
anglaises que Ba Ahmed sous-estimait,
d’autant plus qu’il n’en savait rien.
Ce qui devait arriver arriva. Pendant que l’ambassadeur exceptionnel regardait
une brillante revue des troupes françaises sur l’hippodrome de Longchamp, ce qui
aurait pu lui donner des idées sur la force militaire des puissances économiques, il piqua une crise de démence. Il
fallut le ramener à son hôtel, écumant, prononçant des propos incohérents.
Son Excellence l’ambassadeur de la cour alaouite venait de sombrer
définitivement dans la démence la plus totale. Les Français le rapatrièrent sur
le croiseur « Alger », transformé pour la circonstance en asile diplomatique qui
débarqua le bienheureux frère du
premier ministre à Mazagan. On l’enferma à Marrakech.
Ba Ahmed qui avait tout perdu, et d’abord l’honneur dans cette pénible
affaire, y gagna pourtant un joli cadeau l’année suivante. Puisque le Lagardère
marocain ne pouvait pas aller au Quai d’Orsay, la France irait à lui. Ba Ahmed, suivant sa bonne habitude, empêcha l’envoyé spécial
français de rencontrer Abdelaziz, le reçut entre deux portes, mais en reçut un
jeu de superbes glaces qui ornent encore le palais de la Baya.
16. Ba Ahmed: sous
produit du
système du gouvernement alaouite
Comme on le voit
Ba Ahmed - sous produit du système du gouvernement
alaouite - avait « l’esprit assez court », selon le mot
d’un diplomate. Autrement dit, son intelligence était fort limitée. Mais il
était « tenace et extrêmement vigilant », autrement dit fidèle aveuglément.
On en demande pas plus à un courtisan, surtout pas, car les rois n’ont
pas besoin de citoyens, mais de sujets, des esclaves dociles. Au reste, dans la famille
au Maroc, l’on était
serviteur du Palais de père en fils. Le grand-père de Ba Ahmed avait modestement commencé
comme « Moul El Ferach » chargé du lit du
sultan, Moulay Slimane.
Discret, dévoué, mais imprudent. Le grand-père fut tué un beau jour à la porte
du palais par des soldats qui n’avaient pas touché leur solde depuis une
éternité. Il laissait un fils Moussa né de sa femme juive d' Espagne, qui allait
devenir grand-vizir du sultan Sidi Mohammed et père de Ba Ahmed, le « père Ahmed », de son vrai nom, Si Ahmed Ben
Moussa.
Moussa amassa une énorme fortune en organisant les plaisirs du souverain. Cet
entremetteur de haut rang, la race n’en est pas disparue, mourut de sa belle
mort sur un tas d’or. Car il avait eu la précaution de s’entourer d’une garde
efficace et bien rémunérée. La mort de son père l’avait marqué! Mais il
laissait au sultan sa fortune et son fils Ahmed, notre
"Ba Ahmed", né d’une de ces femmes d’origine juive.
17. Comment l’on fait
une grande carrière
politique à la cour alaouite...
Le jeune "Ba Ahmed" grandit au Palais et devint le
compagnon de jeu du futur
sultan Moulay Hassan qu’il ne devait plus jamais quitter. Voilà comment l’on
fait une grande carrière politique à la cour alaouite. Rien n'a changé depuis...
Guédira a bien été le camarade de classe de Hassan II, et ceux qui
vraiment gouvernent le Maroc d'aujourd'hui sont les juifs et les camarades de
classe de l'enfant alaouite gâté Mohamed VI !
Le pays était pauvre, mais le sultan était riche. Le trésor du sultan ne
contenait que de l’argent, pour payer éventuellement l’armée, le trésor du
sultan était fait d’onces d’or (doublons d’Espagne), pièces anciennes
inestimables, de louis français et de livres sterling. Monnaies rares qui
provenaient toutes de cadeaux offerts par les pachas les gouverneurs et les
caïds, obligés de verser leur obole pendant les fêtes religieuses, pour les
anniversaires, les mariages ou les naissances du Palais.
Marques d’attachement automatiques, coutumes maintenues farouchement par tous
les sultans alaouites et qui coûtaient très cher au peuple
marocain, car il fallait bien que les notables prennent cet argent quelque
part : on pressurait le peuple pour gaver sa cour. La touchante cérémonie était très
sobre : le caïd déposait son offrande sur les genoux de "Sidna" qui le recevait en tête à tête.
Le caïd parti, Ba Ahmed entrait avec son gros registre, prenait la somme,
l’inscrivait avec le nom du donateur et enfouissait registres et pièces dans la
salle du trésor, contiguë à la chambre du sultan. Au suivant ! Hassan Ier laissa soixante millions de francs or à son fils –
plusieurs dizaines de milliards de centimes. Il ne savait pas gérer le pays.
Il savait faire des affaires…
18.
Les sultans alaouites sont des
descendants de leurs mères...
Les alaouites attribuent une grande importance à leur origine
pour donner, à leur pouvoir usurpé et illégitime, une légitimité de l'héritage
familiale du pouvoir.
Mais Hassan II, et tous les stupides
menteurs de la propagande alaouite, ne pourront faire croire à
personne que les sultans alaouites ont eu des grands-pères maternels marocains,
arabes ou musulmans:
brodeurs de babouches à Tétouan, fellahs dans le Moyen Atlas ou caravaniers...!
Puisque, avec les sultans alaouites, on ne peut jamais être sure
de qui sont réellement les vrais pères, l'on peut - au moins - savoir avec une
relative certitude qui en sont les mères.
Selon la tradition des juifs - auxquels les alaouites
sont très liés - l'identité ethnique se transmet par la mère.
La mère de Moulay Yazid, ce sultan du 18ème siècle, qui a été bandit de grand chemin, avant de monter quelques mois sur le trône,
était une irlandaise. L’esclandre même pauvre. Ce n’est pas exactement
le prolétariat marocain ou de la famille du prophète.
Sidi Mohammed ben Abdallah avait une grand mère anglaise, décidément ! Et
une de ses favorites était corse. On sait même son nom
Francheschini, mais l’on ne saura jamais lequel
des tyranneaux alaouites a du sang corse dans les veines.
Au reste, ce Sidi Mohammed Al Abdellah avait l’Europe
dans le sang puisqu’il épousa une italienne « de grande beauté », raconte
le docteur et chirurgien juif William Lemprière qui, débarqué à Tanger en septembre 1789, passa
quelque temps à sa cour
et avait
soigné les yeux du fils du souverain
(
voir,
traduit de l’anglais,
« Voyage dans l'empire de Maroc et le
royaume de Fez, fait pendant les années 1790 et 1791 »
).
La belle italienne avait été capturée très jeune à la suite d’un naufrage et offerte au sultan qui la
fit élever dans son harem. Il l’épousa. Ce n’est toujours pas une fille de
forgeron de Demnat ou de l'un des descendants du propète. Et ce n’est pas encore cette fois
que le sang robuste d’un honnête travailleur marocain a pu se mêler au sang
illustre d’"un descendant du prophète". Sidi Mohammed inflige le
plus cinglant des démentis à son rejeton mégalomane Hassan II : une autre de ses femmes
était espagnole, une autre fille d’un renégat irlandais. Si je compte bien, sur
ces quatre femmes "légales", trois étaient européennes.
Moulay
Abderrahman avait reçu en cadeaux une jeune fille
française dont il eut deux fils qui ne régnèrent
pas, pour l’unique raisin qu’ils furent tous les deux empoisonnés avec leur
mère.
19. La
véritable tare organique du système
de l’héritage du pouvoir politique...
Fils d’une favorite circassienne de son père
"Moulay" Hassan, et non pas d’une « femme du peuple », comme le prétendait
son petit neveu Hasan II qui voulait démontrer à n'importe quel prix que la
monarchie alaouite plonge ses racines dans les tréfonds du peuple marocain.
Il était le chouchou de son père qui avait par ailleurs deux autres fils qui ne
valaient pas mieux.
Mais revenons un moment sur l’origine « populaire » de
la monarchie grâce aux femmes.
On va très vite le voir. La dernière preuve d’incapacité politique donnée par
Hassan Ier, l’arrière grand père d’Hassan
II, est bien d’avoir exigé que ce nigaud sans personnalité hérite de l’affaire
familiale, je veux dire le du Maroc.
A 16 ans, Abdelaziz succéda donc à son père. Un enfant dira-t-on, mais
c’est le la tare du stupide système de la transmission du pouvoir sur tout un
pays et un peuple par l’héritage : une véritable tare organique.
En fait C’était le tout-puissant Ba Ahmed qui hérita du pouvoir, se nommant premier ministre
et calfeutrant son peu reluisant « souverain » au fond de son palais d’où
il ne le faisait sortir que le jour de la prière pour bien montrer au peuple
qu’il y avait toujours un alaouite sur le trône.
L’exhibition terminée, on ramenait "l’émir des croyants" dans ses appartements et
le bon et fidèle ministre pouvait continuer à faire sa fortune et celle de ses
deux frères sur le dos du pays.
Le coup d’état de Ba Ahmed n’a pas même choqué le personnel politique ni
l’opinion publique qui méprisait encore plus ses frères envahissants.
Moulay Ahmed, fils de Moulay Ismail fut déposé six fois ! Le
« consensus populaire » sans doute pris se modifiait à toute vitesse.
Comme on le voit, les Alaouites ont fait faire un spectaculaire bond en arrière
à leur royaume.
Un témoin objectif note : « Moulay Abdelaziz avait passé les trois premières
années de son règne dans une oisiveté complète, toujours enfermé dans son harem,
il n’avait eu avec le monde extérieur que des relations officielles très rares
et étroitement surveillées. »
Autrement dit, il ne savait pas ce qui se passait dans le monde, il ignorait
tout de son peuple, conditions particulièrement favorables pour gouverner sans
préjugés!
C’est ce que Hassan II appelle « une organisation du pouvoir central autour
d’une famille désignée par le choix populaire ». (« Le Défi », p.154).
On voit bien à la rigueur un « pouvoir central » racketté par un politicien,
mais parler d’organisation et de consensus populaire relève de la fiction la
plus ahurissante !
Ba Ahmed était un « maire du palais » et Abdelaziz un
authentique « roi fainéant » : les Français ont connu ça chez eux, il y a deux
mille ans.
La différence entre la situation de Mohamed VI
d'aujourd'hui et celle de Moulay Abdelaziz,
est que, maintenant, nos "Ba Ahmed" ne sont, eux-mêmes en fait, que de simples
marionnettes entre les mains du pouvoir juif et d' Israël qui visent à mettre à
genou et à dominer notre pays et la nation islamique toute entière.
20. Une vraie occupation et un sultan
fantoche
La France qui venait, jouissant de l'appui russe, de mettre en échec
l'Allemagne
(1)
- grâce à laquelle précédemment l'indépendance du Maroc avait été
internationalement respectée - lors de la Conférence d'Algésiras (1904),
sûre de la neutralité néanmoins peu bienveillante de l'Angleterre, commençait à
faire l'inventaire de son "protectorat"! En fait, le colonialisme français
s'accommodait évidemment fort bien du fantoche Sultan alaouite de Fez qui allait
lui laisser les mains libres.
Un Comité du Maroc, présidé par le député d'Oran Eugène Etienne,
ministre, de temps à autre, et théoricien de l'administration coloniale directe
et néanmoins futur protecteur de Lyautey, s'était créé une nouvelle succursale
du comité de l'Afrique Française.
Le comité envoyait des missions d'étude au Maroc pour faire le tour du "futur"
propriétaire! Ces spécialistes "scientifiques" "désintéressés" d'aujourd'hui
seront les conseillers du protectorat de demain.
Ségonsac, Gentil, Doutté et les autres étudiaient les tribus marocaines pour
mieux savoir les utiliser et les neutraliser. On étudiait le réseau
hydrographique, on recensait les ponts, les gués, informations toutes très
nécessaires à un corps expéditionnaire…
La "République" française a besoin de savants! Action à double tranchant qui
échappait totalement à Moulay Abdelaziz qui ne s'intéressait qu'à éterniser son
pouvoir personnel! Il n'avait retenu de la Conférence d'Algésiras que le souhait
des grandes puissances qui "souhaitaient" qu'il restructurât
son armée. Et il
fallait par conséquent que ses rentrées fiscales fussent suffisantes pour payer
la solde de quelques milliers de fantassins et les armes que ces mêmes
puissances se faisaient un plaisir de lui vendre avec le personnel militaire
d'après-vente
21. Embryon d'une "armée-police
moderne"
pour un féodalisme makhzénien mécanisé
Les dits conseillers militaires étaient là surtout pour renseigner leurs
gouvernements respectifs (français, anglais et même italiens) sur
l'évolution de la politique du makhzen alaouite et l'état des forces du sultan
alaouite. Cet embryon d'"armée moderne" qu'Abdelaziz acceptait de façon
humiliante n'était pas de toute évidence destiné à préserver l'intégrité des
frontières du Maroc, mais à assurer le maintien de la "sécurité" et de l'"ordre
intérieur", afin de permettre une perception normale des impôts et
des douanes, dont la majeure partie, voire la totalité revenait à ceux
qui avaient prêté au sultan alaouite de quoi s'acheter de nouvelles pour se
protéger du peuple marocain.
Ce type d'armée-police était, au demeurant, absolument dans le droit fil
de la tradition alaouite qui, refusée par le pays, a toujours dû se battre
contre lui pour se maintenir sur le trône.
Ce n'était pas pour choquer les dignitaires du maghzen alaouite qui, faute de
rafler les impôts, spéculaient honteusement sur les céréales. On n'imposait pas
cette situation au sultan, ce sont ses ancêtres qui l'avait imposée depuis deux
siècles et demi: au pays.
L'uniforme changeait, le système répressif demeurait.
Pouvoir de plus en plus affaibli et incapable de remplir sa mission, mais
identique à lui-même depuis des siècles.
Seulement cette fois le pouvoir était tombé si bas que les Puissances - dont les
intérêts se confondaient avec ceux du Palais - devaient intervenir ouvertement
pour maintenir un système qui asservissait le peuple marocain, et tenter de
prévenir toute révolte de sa part.
Ces précautions ne suffiront pas à endormir la conscience nationale spontanée
des Marocains.
Ils se révolteront.
Et à chaque fois le Palais et les envahisseurs étrangers se retrouveront unis
pour mâter les résistances populaires.
Ce sera toute l'histoire de la première moitié du vingtième siècle.
Mais déjà en 1904, les camps sont nettement définis.
D'un côté, le Maroc vrai, le Maroc profond que la monarchie empêche de se
relever.
De l'autre, cette monarchie exsangue qui, pour maintenir son parasitaire
existence tyrannique, ne peut trouver comme alliées que la future puissance
occupante et ses rivales colonialistes qui la surveillent plus ou moins
lucidement.
22.
La trahison des Alaouites est totale
La monarchie alaouite est l'alliée,
et donc la dupe, de l'impérialisme coloniale mercantile et industriel, fondé sur
le modèle anglais, alors en pleine expansion, et qui ne connaît que des
succès grâce à l'absence d'opposition suffisante qui peut faire le poids.
C'est un marché honteux - entre les alaouites et les envahisseurs étrangers.
Et tout marché implique une rémunération.
Le sultan s'est acheté un gendarme.
Comme il ne peut pas le payer, il laisse tout un peuple en gage ou en otage.
C'est à ce prix qu'il pense garder son pouvoir.
Les intérêts vont courir: il s'en moque. Il est insolvable. Les puissances
occidentales ont fait indubitablement une affaire: il est beaucoup plus efficace
de garder le sultan sur son trône que de conserver un rituel.
Ils agiront plus efficacement derrière cette fiction.
Le sultan alaouite va collaborer sans réserve avec les puissances occupantes.
Alibi, paravent, il va empêcher longtemps le peuple de résister. Le couvercle va
sauter, bien qu'il soit cramponné dessus. Il ne faisait pas le poids!
La trahison des Alaouites est
totale. Et elle est double.
Trahison active en acceptant – avec
des minauderies de vieille coquette, pour la galerie - que soit
institutionnalisée la présence étrangère qui conforte le sultan sur le trône,
son unique souci.
Les intérêts supérieurs de la nation, les Alaouites n'ont jamais su ce u'ils
sont!
Trahison passive qui durera
jusqu'aux derniers soulèvements populaires des années 53-55, en ne centralisant
pas les innombrables mouvements de résistance qui vont se développer dans tout
le pays, et en aidant au maximum son gendarme français à les réprimer.
23. Les lois des occupants signés par le
sultan!
Protégé
par la France, il bazarde son armée !
.Le flic est français, mais
le mandat d'arrêt est signé par le sultan! Et par personne d'autre. On
l'a trop souvent oublié après l'"indépendance".
C'est la logique même d'un pouvoir détesté qui aura toujours segmenté l'unité
nationale. Pour faire reculer un peu le spectre hideux de la banqueroute
Abdelaziz brade, et c'est un symbole, les seules forces modernes et efficaces
qui sont à sa disposition.
Le sultan "fourgue" son seul navire de guerre opérationnel, le beau "Bachir".
Petit croiseur tout neuf, il a été livré, six ans plus tôt, en 1899.
Construit à Livourne, commandé par des officiers scandinaves
et manœuvré par un équipage marocain. Abdelaziz le bazarde, curieusement, à la
Colombie.
Le marchandage a eu lieu entre minuit et deux heures du matin dans un bistrot
derrière l'Opéra de Paris. De la haute politique! De quoi s'acheter quelques
jouets pour le sultan: quelques trains électriques ou appareils photos de plus!
Puis Abdelaziz solde le "Sid Et Turki", petit cargo commandé en Allemagne dans
les années 1890.
Puis les vieux "Hassani" qui avaient été longtemps la gloire de son père Hassan
Ier et qui était un navire garde-manger: il permettait à ses troupes de ne pas
mourir de faim quand elles partaient en opérations contre leur propre peuple et
dans leur propre pays et jamais pour défendre la patrie!
Le "Hassani" était un cargo britannique qu'Hassan Ier avait acheté aux Anglais
en 1885 au temps où ils dominaient à la cour de Fez; 1.100 tonnes de 40 hommes
d'équipage. La perle de la flotte - Abdelaziz n'avait plus besoin de
garde-manger pour ses soldats: l'intendance française prenait le relais. A la
vérité, le "Bachir" n'avait jamais beaucoup navigué. Il avait surtout un rôle
décoratif, qu'on aurait bien voulu être un rôle d'épouvantail, dans la rade de
Tanger, face aux légations étrangères qu'il était supposé impressionner! S'en
débarrasser était un geste dérisoire et tristement symbolique.
Plus d'armée, plus de flotte même embryonnaire, le pays était à la merci du
premier hold-up. Abdelaziz n'osait même plus sortir du palais, ni être protégé
par sa garde commandée par des étrangers, comme aux beaux jours de son aïeul
Moulay Ismaïl.
24.
Les
alaouites ont massacré le Maroc
et ils y ont crée un chaos et vide politique
C'est dans ce vide politique total
que des "prétendants" au trône se mirent à pulluler. Leurs succès renouvelés
montrent à quel point le peuple marocain était désemparé et le pouvoir vacant.
On en présentera trois. Deux très connus: Bou Hamara et El Hiba.
Bou Hamara, ("l'homme à l'ânesse", ainsi surnommé parce que son cheval de
combat était une vieille bourrique) s'était constitué un véritable royaume en se
faisant passer pour le frère aîné d'Abdelaziz, Sidi Mohammed, emprisonné, comme
on sait, par Ba Ahmed pour
permettre à Abdelaziz de régner.
Selon la tradition alaouite, tous les fils du sultan mort ont les mêmes droits à
la succession. La règle de primogéniture ne sera instaurée
- pour la première fois en droit - que par Mohamed V (sur proposition de
Mehdi Ben Barka, alors président du conseil consultatif) sur le modèle des
monarchies occidentales, au bénéfice d'Hassan II.
25.
La profonde imbécillité du système
monarchique
Ainsi les douze fils de Hassan Ier avaient-ils les mêmes droits. Les paysans de
Taza qui soutenaient les droits du supposé Sidi Mohammed, n'avaient rien de
hors-la-loi.
Ils ne faisaient que montrer l'imbécillité profonde du système
monarchique et souligner à quel point le sultan régnant ne régnait pas dans les
"cœurs" des citoyens…
Il fallait seulement une marionnette sur le
théâtre.
Bou H´mara était un prodigieux homme de scène et il avait séduit les masses
forcément naïves par la magie de son verbe et celle de ses tours de
prestidigitation. Son habileté avait de quoi rendre Abdelaziz fou de jalousie,
lui qui faisait venir à prix d'or des vedettes européennes pour effectuer des
tours que Bou H´mara faisait tous les jours aussi bien, dans le Rif.
Toute cette farce est sinistre, car c'est le peuple qui en fait les frais, mais
il faut le dire. Dans tous les cas, on l'amuse pour mieux le dominer. Si bien
que les tribus se levaient derrière Bou H´mara et marchaient sur Fez pour
détrôner "l'usurpateur" Abdelaziz.
Bou H´mara s'était même composé une petite cour sur le modèle de celle de Fez.
Il était fin prêt à prendre le pouvoir que n'avait jamais détenu Abdelaziz:
d'autant plus qu'il - comme Mohamed VI d'aujourd'hui - n'avait pas d'idées
politiques. S'il avait été le vrai Sidi Mohammed il n'aurait fait que maintenir
le système. C'était tout simplement un escroc particulièrement culotté et bourré
de talents. Très largement suffisant pour menacer une monarchie aussi
caricaturale que lui. C'est ce que ne pouvaient accepter les Puissances
étrangères qui
surveillaient le gâteau marocain: il fallait
absolument que l'Alaouite d'alors restât sur le trône pour u'elles puissent
passer à table. On n'eût pu en inventer
un de plus complaisant. On y veillera. On va le
voir.
Bou H´mara n'avait eu aucun mal à
constituer son petit "makhzen" à lui, représentation grandeur nature de celui
qu'il avait si bien connu, quand il
n'était pas le "frère" du sultan, mais tout simplement un obscur secrétaire du
makhzen mis à la porte pour des raisons que l'Histoire n'a pas retenues.
26.
Manque de maturité politique des marocains!
On ne choisit pas entre la peste et le choléra !
Bou H´mara s'appelait en réalité Jilali Alsfi Azzerhouni et il allait faire
payer très cher son licenciement sans indemnités!
Ses troupes augmentaient en s'approchant de Fez. Les tribus de la montagne se
soulevaient en masse pour renverser un sultan et le remplacer par un autre,
inexcusable manque de maturité du peuple marocain (qui s'est d'ailleurs répété,
quarante ans plus tard, avec l'accueil stupide réservé au cheval de Troie du
néocolonialisme Mohamed V. Tel - pour, résoudre nos problèmes actuels avec cette
décadente mafia criminelle alaouite - imaginer le remplacement de la peste Mohamed VI par
le choléra "Moulay Hicham", candidat à une nouvelle "bouhmarisation"
moderne du Maroc)!
Complètement paniqué, Abdelaziz réunit ce qui lui restait de troupes, donna le
commandement en chef à un oncle, le "chérif" Abdesselam Alamrani. De toutes
façons il n'y avait pas foule pour briguer le poste.
Le 22 décembre 1902, les troupes alaouites subirent, comme d'habitude, une
défaite totale. Les paysans marocains savaient contre qui ils se battaient, même
s'ils se trompaient et ne savaient pas pour qui!
Les vagues de mercenaires étrangers d'Abdelaziz étaient en fait démobilisés
avant même de monter au combat. Ce qui leur coûta très cher. Ils eurent des
centaines de tués et de blessés: les gens de la montagne avaient très vite
appris à se servir des fusils modernes à tirs rapides.
L'armée du sultan perdait ses tentes, ses munitions, et douze canons qui n'
avaient pas eu le temps de tirer.
Les fuyards se jetèrent éperdument dans Fèz, y semant une panique contagieuse
qui déboussola complètement la ville.
Bou H´mara sous-estima les dégâts qu'il avait faits et se contenta de rentrer
dans sa petite principauté de Taza qui suffisait peut-être à son ambition et à
son bonheur, mais ce qui provoqua son malheur.
L'horrible peur avait tout de même causé un miracle; elle avait donné une idée à
Abdelaziz. Pour démystifier Bou H´mara, il fit tout simplement sortir son frère
Sidi Mohammed de sa prison, le nomma gouverneur de Fèz, après réconciliation à
grand spectacle sur la place publique et tout le Maroc, apprit que Bou H´mara
était un menteur. L'effet fut fâcheux sur une partie de ses tribus amies qui
n'avaient plus de prétexte apparent
pour détrôner Abdelaziz. Les plus dures restèrent auprès de lui, puisqu'il les
menait toujours à l'assaut du trône.
27. On a réussit à couper cinquante
têtes de rebelles et à les faire afficher...
Si Bou H´mara avait manqué une facile victoire par k.o, Abdelaziz
n'était toujours pas tiré d'affaire, car son ministre de la guerre, le beau L'Mnebhi,
suivant la tradition alaouite, réussit bien à couper cinquante têtes de rebelles
et à les faire afficher sur les créneaux de Bab Mahrouk à Fèz,
il ne put profiter de ses petits succès initiaux. Faute d'argent,
le général se retrouva sans soldats et rentra à Fez sans avoir inquiété Bou H´mara,
le roi de Taza.
C'était le statu quo, ridicule pour le palais, flatteur
pour Bou H´mara.
Avec les conseillers français qui sévissaient au Palais, l'état-major
d'Abdelaziz mis au point un plan fastueux pour encercler Bou
Hmara.
L'armée française permit à l'oncle Arafa de partir de la frontière algérienne (département
français) et l'armée espagnole permit à l'autre oncle El Amrani, le vaincu de la veille, de
s'appuyer sur Melilla, forteresse espagnole enclavée dans le sol marocain.
De toute évidence, les Puissances occupantes tenaient à ce qu'Abdelaziz
reste en place.
Un faux sultan reçu pour vrai n'arrangeant point leurs affaires. Mais
elles ne pouvaient pas intervenir directement, car il fallait protéger
l'amour-propre du sultan protégé et surtout celui de l'Allemagne, très
sourcilleuse sur ce point de la
préservation de l'indépendance du Maroc.
Il fallait donc à tout prix donner la fausse impression de "marocaniser" le
conflit, mais aussi le faire cesser au plus vite.
En effet, le Protectorat que l'on concoctait n'était internationalement possible
que si le sultan "légitime" régnait à Fez: la France et l'Espagne n'avaient pas
internationalement le droit d'intervenir militairement.
Tous ces calculs machiavéliques s'effondrèrent en quelques heures: les deux
oncles furent écrasés, l'un au Nord, l'autre à l'Est, si bien que le 5 avril
1903, Bou H´mara fut proclamé sultan sous le nom de Sidi Mohammed, dans Oujda en
liesse!
Et, aujourd'hui, il est curieux de voir dans les livres officiels de
l'Histoire du Maroc à usage des lycées et des collèges que ce sultan, après
tout choisi par une province et non pas par un quelconque Ba Ahmed comme
Abdelaziz, ne figure pas dans les listes officielles des souverains, bien qu'il
soit resté au pouvoir plus longtemps finalement que bien des souverains
alaouites!
Naturellement, le succès de Bou H´mara faisait-il tâche d'huile: une partie du
Moyen-Atlas se déclarait pour lui.
Encouragé par Bou H´mara, Raïssouni, un autre membre de cette mafieuse famille
alaouite, un vrai cette fois, menaçait les portes mêmes de Tanger.
Les Puissances occidentales
commençaient à trouver la chose un peu saumâtre. Leurs ministres étaient bloqués
dans Tanger, le secteur oriental était indépendant et risquait de donner un
fâcheux exemple aux Algériens étroitement quadrillés par des troupes françaises
de plus en plus mal à l'aise. Il suffisait d'un petit fonctionnaire arriviste et
rancunier pour mettre tout un édifice en péril.
Un rien suffisait pour déclencher des réactions anticolonialistes en chaîne
authentiquement populaires, quand bien même
dévoyées. La leçon ne sera pas perdue.
28. Le Waterloo manqué
des alaouites si l'armée
occupante n'était pas intervenue pour les sauver...
Le ridicule le disputait au tragique pour Abdelaziz et ses
partisans occidentaux. Le sultan sorti pour une fois de son palais pour venir au
secours de son ministre de la guerre Mnebhi que Bou H´mara avait astucieusement
laissé s'enfermer dans Taza, n'avait pu dépasser Hajra El Kohila sur le Sebou, à
une journée de marche de Fèz. Son ministre échappé de justesse de Taza vint le
rejoindre. Tous les soldats s'étaient débandés. Personne ne voulait mourir pour
un tel sultan!
Abdelaziz et son ministre, entouré d'une demi douzaine de cavaliers parvinrent
tout juste à regagner Fèz et à s'enfermer derrière ses murailles.
C'aurait été le Waterloo de la dynastie si l'armée française n'était pas
intervenue pour sauver la face. Elle le fit avec un maximum de "discrétion" à
cause de ses "associés", mais elle sauva le sultan.
Il faut s'appeler Hasan II pour oser parler de "consensus populaire" à
propos des liens entre la monarchie marocaine et "son peuple"!
Paria dans son propre royaume, le petit sultan de Fèz fut sauvé in extremis
par les canons français. Les choses avaient au moins le mérite d'être claires.
Le sultan du Maroc s'est maintenu grâce aux caissons de l'artillerie française.
Mais c'est son frère et successeur qui en profitera de la plus horrible façon.
Bou H´mara va tenir huit ans
avec des fortunes diverses, plus longtemps en tout cas que son rival Abdelaziz
chassé par son frère Hafid.
Bou H´mara avait installé son quartier général dans la kasba de Selouane (entre
Oujda et Melillia) d'où il narguait le sultan de Fèz: le trône avait changé de
titulaire, personne ne s'en apercevait: les Alaouites sont en effet tous
interchangeables puisqu'ils sont tous nuls.
Bou H´mara, il est vrai, ne
progressait plus, mais il prospérait toujours, épine insupportable dans le pied des accords franco alaouites.
29.
Les alaouites lançait une
partie du peuple contre l'autre...
Le nouveau protégé des occupants, Hafid, perdait la face, et c'était mauvais
pour elle: le sultan humilié pourrait avoir des velléités de changer de
"protecteur": il y avait des candidats!
Alors la France fit donner la mission militaire en poste à Fèz. Après tout, elle
était là pour ça. Le Palais en faillite trouva subitement de l'argent pour payer
une petite colonne, encadrée par des officiers français engagés pour mettre fin
au règne de l'"usurpateur".
C'était, sans le nom, une opération de type goum: on utilisait des Marocains
commandés par des Français pour tuer d'autres Marocains révoltés contre le
pouvoir du sultan.
On lançait une partie du peuple contre l'autre, style alaouite rectifié
protectorat.
La colonne avait une arme secrète: une batterie d'artillerie toute neuve, ultra
moderne, servie uniquement par des sous-officiers français évidemment peu
accessibles aux raisons qui faisaient se soulever toute une province.
Dès les premiers échanges, les partisans de Bou H´mara lâchèrent prise et le
prétendant se réfugia dans le tombeau d'un marabout, lieu traditionnel d'asile,
inviolable. Pas pour les artilleurs français au service de "Sa Majesté": on
écrasa le monument sous les obus. Au quarantième mort, Bou H´mara se rendit.
Le 20 août 1909, il faisait son entrée dans Fèz, dans une cage de fer où on
l'avait enfermé après sa reddition, alors que huit ans plus tôt il aurait pu y
entrer en triomphateur.
30.
D'un coup de hache le bourreau de
Moulay
Hafid leur coupa le pied droit et la main gauche
Les bourgeois de la ville à qui il avait fichu une trouille si durable s'en
vengèrent en l'insultant bassement. Le sultan fit bastonner tous les
prisonniers, en tria personnellement trente qu'il fit atrocement torturer devant
lui. Au Palais des alaouites, la vengeance est un plat qui se mange chaud!
D'un coup de hache le bourreau de
Moulay Hafid leur coupa le pied droit et la main gauche, ou le pied gauche et la
main droite, "amputation diagonale", selon une spécialité de la coutume
alaouite. Puis on plongea les moignons sanguinolents dans du goudron bouillant
pour arrêter l'hémorragie. Il y eut deux ou trois survivants. Le chef de la
Nouba, la musique officielle de Bou H´mara, eut un régime particulier: le sultan
lui fit arracher les dents et agrandir la bouche d'une oreille à l'autre. Quant
à Bou H'mara, il fut jeté en prison.
Mais le sultan ne dormait plus: il
vivait dans la terreur d'une évasion et dans la crainte que les consuls
étrangers ne lui demandent la grâce du rebelle, l'exécution des révoltés ayant
fait la plus mauvaise impression dans la presse occidentale.
Le protégé des grandes puissances avait une allure sinistre, ce n'était pas bon
pour la haute politique. Le chef de la garde noire, M´barek Soussi, fit donc
sortir de son cachot Bou H´mara sous prétexte de le conduire près du sultan,
puis lui tira une balle de revolver dans la nuque et coupa la tête de l'ex faux
Sidi Mohammed pour prouver à son maître que son cauchemar était fini. En passant
devant la ménagerie Soussi jeta le corps dans la cage aux lions. Il fila ensuite
à Dar Debbagh où le sultan passait l'été plus au frais. Le souverain contempla
la tête où jouaient déjà les mouches et ordonna de l'enfouir dans le jardin de
sa villa. Elle ne risquait pas de devenir une relique. En rentrant au palais de
Fèz, Soussi eut la désagréable surprise de voir que les lions chérifiens avaient
dédaigné de croquer le corps mutilé de Bou H´mara. Il tenta d'y mettre le feu,
échoua à moitié et enterra le corps à demi carbonisé dans un coin de l'Agdal.
31.
La résistance islamique de
Casablanca
L'ermite Bou Nouala.
Dans la région de
Casablanca, la résistance populaire aux envahisseurs venus "rétablir l'ordre"
dans la Chaouia (au nom du nouveau sultan Moulay Hafid qui a chassé son frère
Abdulaziz) continuait.
Dans un douar de Oulad Saïd,
province de Casablanca, vivait un ermite nommé Mohammed Ben Abdellah,
mais que tout le monde connaissait sous le nom de Bou Nouala, l'homme à
la "paillote". (les nouala sont des huttes en jonc qui constituent l'habitat des
pasteurs semi-sédentarisés des plaines aquatiques.)
Bou Nouala était inspiré de Dieu et on venait le voir de loin pour demander un
conseil, recevoir sa bénédiction. Bou Nouala avait toujours vécu dans le
dénuement absolu, et personne n'avait jamais vu son visage: il recevait toujours
ses visiteurs la face voilée. On disait qu'il n'avait pas mangé depuis son
adolescence. Un saint visiblement de Dieu. Le Maroc politique était alors divisé
entre partisans d'Abdelaziz et de Moulay Hafid.
A Fèz et à Marrakech, c'était la guerre des Palais.
Pendant ce temps les "roumis", les "iroumeine" envahissaient le Maroc. [iroumeine,
mot berbère qui vent du mot Rome, qui veut dire: étranger venus d'Europe. On
appelait le sultan, en berbère: "aglide iéromein" c.à.d. le roi des
envahisseurs étrangers].
Et le général d'Amade, débarqué avec 20.000 hommes, tenait
toute la région de Casa sous sa botte.
Il n'y avait plus de sultan puisqu'il y en avait deux, et demain trois ou
quatre, et que de toutes façons ils étaient les amis alliés des occupants.
Dans ce grand désordre au sein des supposées "élites" politiques, le peuple se
tournait vers un juste.
Pour lutter contre la décadence et la pourriture il fallait un homme de bien.
Ainsi raisonnaient les tribus de la Chaouia traquées par les mitrailleuses des
envahisseurs, abandonnées par un sultan traître et fantoche.
32. Le courage et le bon droit
ne suffisaient pas à donner la victoire
Le "consensus populaire", vrai cette fois, porta sur Bou Nouala qui
quitta son humble "tour d'ivoire" en jonc pour prêcher la révolte. En quelques
semaines, il regroupa 15000 hommes, cinq fois plus que n'en pouvaient réunir le
sultan de Fèz ou celui de Marrakech. Et tout ça - sans argent, sans moyen - par
la seule force de la juste cause qu'il défendait. Pour mieux se faire entendre,
il s'était installé dans une grande tente offerte par un de ses adeptes; on
affluait en masse pour l'écouter.
Bou Nouala leur disait que le
Tout-puissant l'avait choisi pour sauver le peuple et désarmer les infidèles.
Comment ne pas le croire. Comment croire que Dieu puisse avoir abandonné ses
fidèles: il fallait bien que le Miséricordieux suscite quelqu'un pour remplacer
ce sultan qui ne bougeait pas de son palais bien qu'il soit "émir des croyants"
et défenseur de la Foi. Le sultan s'était disqualifié en ne faisant rien. Bou
Nouala les mènerait au combat.
Évidemment la déception fut aussi
atroce que l'espoir avait été grand. Bou Nouala ne savait rien des Français, car
le sultan maintenait le peuple dans l'ignorance totale. Bou Nouala pensait que
sa baraka changerait les obus de ses ennemis en eau et que leurs balles
n'atteindraient pas les poitrines des combattants de la Foi.
Le 15 mars 1907, dans l'après-midi doré de la Chaouia, les obus de 75 du général
d'Amade firent un carnage du peuple en armes.
Les hommes qui se levaient contre le sultan traître et l'envahisseur ne savaient
pas encore qu'il ne fallait pas affronter l'artillerie au grand galop, et que le
courage et le bon droit ne suffisaient pas à donner la victoire.
On n'affronte pas une armée régulière de professionnels en rase campagne, on
l'attire sur des terrains infranchissables. Abd-el-Krim le fera magnifiquement.
Mais il est trop tôt pour le dire: ces années noires sont celles d'une monarchie
couchée et dans le lit de nos ennemis. Il n'y a que le peuple pour relever la
tête, avec une folle imprudence à la mesure de son désespoir.
Le soir
du 15 mars 1907, Bou Nouala dut abandonner le champ de bataille et réussit à se
retirer dans les Doukkalas: si l'un des deux sultans en compétition l'avait reçu
en cadeau des Français, il eût fini comme Bou H´mara finira 5 ans plus tard.
33. Le traître
hypocrite
Hafid avec ses protecteurs
Le sultan Hafid, "commandeur des
croyants", 1908 à 1912,
cupide et débauche: au cour d'une fole soirée avec des occupants. Remarquez la bouteille de wyski et le pied replié sans la babouche
___________________________
L'occupation de
Casablanca par le corps expéditionnaire français allait permettre à
Moulay Hafid de prendre la place de son
frère Abdelaziz.
Hafid qui était le lieutenant de son frère à Marrakech, suivant l'habitude
alaouite: on case ses frères comme "khalifa" ("gouverneur, adjoint du sultan
dans une région) un peu partout pour les éloigner de Fez et des tentations du
pouvoir auquel, encore une fois, ils avaient autant "droit" que le sultan
régnant.
Le résultat était toujours désastreux depuis Moulay Ismaïl, inventeur du
système, car les frères éloignés devenaient en fait totalement indépendants, se
fabriquaient une petite armée de mécontents.
Il y en avait dans tout le Maroc,
et des notables locaux ambitieux qui espéraient faire une carrière juteuse dans
le maghzen alaouite de Fèz. C'est très exactement ce que va faire Moulay Hafid e
cheval de Troie des envahisseurs étrangers.
Tout le sud du pays était soulevé contre Abdelaziz parce qu'il avait livré le
pays aux étrangers.
Hafid joua hypocritement sur ce
sentiment national en voie d'élaboration, se fit le champion de
l'indépendance. Les Français à la mer, Abdelaziz à la porte: les tribus se
levaient en masse pour l'aider à réaliser ce projet. C'était encore une fois un
manque de maturité politique évident de la part de simples paysans: Abdelaziz ou
Hafid, c'était blanc bonnet et bonnet blanc. Mais les résistants n'avaient pour
le moment pas le choix. Le plus urgent était de balayer Abdelaziz l'incapable et
le traître.
34. Alliance
entre l' occupation
et les traîtres: alaouites Glaoui
Pour y parvenir, Hafid avait un puissant féodal dans sa poche,
Madani El Glaoui, personnage sans scrupule. Il dominait ses amis et ses ennemis.
Il avait profité du foutoir des premières années du règne d'Abdelaziz pour
étendre son petit domaine familial. C'est Hassan Ier ( père des deux sultans qui
se disputaient le trône en ce moment) qui lui avaient mis le pied à l'étrier.
Depuis, Madani avait pris le grand galop.
Mais il est indispensable de préciser que la famille Glaoui doit tout au Palais:
le grand-père de Madani était un petit marchand de sel, un colporteur qui
faisait du porte à porte dans la montagne entre Demnat et Telouet et qui s'était
taillé un petit fief à la mesure de ses ambitions commerciales. Mince personnage
qui n'aurait pas eu de descendance dangereuse sans l'intervention du Palais.
C'est Hassan Ier qui l'a inventé (l'histoire de sa harka
en déroute). C'est ce que refuse d'avouer son arrière-petit-fils Hassan II qui écrit dans "Le Défi"
(Albin Michel, Paris, 1976, p.45) "Thami el Glaoui représentait cette
féodalité anachronique, férocement égoïste et capable de tout pour défendre ses
privilèges…"
Cette féodalité est née au XIXème siècle à cause de l'anarchie profonde
inhérente au pouvoir alaouite
rejeté par l'ensemble du pays.
Hassan Ier, à bout de forces, a
fabriqué Madani El Glaoui pour dominer en son nom les masses montagnardes qui
n'en voulaient pas, s'étant toujours fort bien gouverné elles-mêmes. Ce sera
exactement l'attitude du Protectorat incapable de soumettre la montagne par la
force: chaque paysan est un soldat, chaque maison une forteresse. Alors on fait
faire la police par de petits tyrans locaux qui veulent devenir gros.
Le Palais a mis au point une méthode reprise intégralement par les occupants.
Les méthodes des Glaouis étaient tellement odieuses que les officiers d'affaires
indigènes en poste dans leur fief en deviendront même anticolonialistes, ce dont
on se plaignait beaucoup à la Résidence.
Mais n'anticipons pas. Le mensonge d'Hassan II est si intolérable qu'il fallait
le dénoncer immédiatement: les grands féodaux du sud (et d'ailleurs) ont tous
été investis par le sultan et par personne d'autre. Avec, je l'ajoute, une
mission précise: faire suer le burnous. Madani el Glaoui l'avait fait avec une
repoussante efficacité et un sens de l'initiative qui donneront de bien
mauvaises habitudes à la famille: Mohammed V l'éprouvera un jour!
Pour l'instant Madani, maître du passage obligé de l'Atlas entre le Sahara, les
plaines atlantiques et Marrakech, était devenu le maître du débouché des
derniers ports sahariens et il était tout puissant dans le haouz, plaine fertile
qui entoure Marrakech. Moulay Hafid croyait l'avoir choisi comme principal
lieutenant.
35. Le traître Hafid plus rusé que le traître Glaoui !
Mais c'était Madani El Glaoui qui avait choisi Moulay Hafid, car le
petit rongeur de Telouet, aux dents longues, voulait faire du Haouz un royaume
indépendant (du sultan de Fèz) dont il deviendra lui-même "sultan". Mais comme il lui fallait un paravent, au moins
pendant un certain temps, il aurait fait de Moulay Hafid le sultan de ce
nouveau royaume dont il aurait été le "Bah Ahmed". Il avait
proposé le marché à Hafid dès 1906, mais le frère du sultan régnant n'avait pas encore osé accepter.
Hafid hésita un an, puis le 16 août 1907, il convoqua des notables de la ville et
de la province dans son palais de Marrakech. Il y avait là Si Taïeb El Goundafi,
grand maître de la route de Marrakech à Taroudant, et les principaux des caïds
des Rehamna. Hafid leur dit que si eux et leurs hommes se rangeaient à ses
côtés, il les mènerait "au combat contre les Français et chasserait le traître
Abdelaziz, coupable d'avoir livré la terre marocaine à l'envahisseur."
Hafid se garda bien de leur dire que seul le trône d'Abdelaziz l'intéressait et
que la guerre sainte était le cadet de ses soucis. C'était un détail aussi pour ses complices caïds qui voulaient davantage d'argent, donc davantage de
pouvoir, et si les Français ne les
empêchaient pas de faire leurs affaires, les français n'étaient pas
indésirables.
36.
Glaoui sortit son poignard,
et l'obligea de signer la Béiyâ
بيعة.
La bourgeoisie féodale rurale et surtout citadine a toujours trahi la cause du peuple,
imitant en cela fièrement le makhzen alaouite. Le rusé Hafid était tellement sûr de la réponse de
ces féodaux voraces que la Béiyâ
بيعة, l'acte d'allégeance, était déjà prête. Pour
respecter la coutume, l'on présenta le précieux papier au plus vieux des
assistants, le caïd Mouley Mustapha, oncle par alliance d'Abdelaziz et de Hafid.
A la surprise générale le vieil homme refusa de signer. Ou il était fou, ou il
était mal informé, il croyait Abdelaziz capable de mater ces mutins. Madani El
Glaoui fit alors preuve de ce grand sens politique qui devait charmer Lyautey.
Il sortit simplement son grand poignard courbe, son "khanjar" et demanda à
Mustapha pourquoi il ne voulait pas signer.
Quoique fort versé dans le droit musulman, c'était son métier, l'oncle des
sultans rivaux ne trouva pas d'argument convainquant,
après tout l'essentiel était que le pouvoir reste dans la famille, alors
qu'importe le neveu pourvu qu'on ait l'ivresse du pouvoir! Subjugué par la forte
simplicité du seigneur de l'Atlas, Moulay Mustapha signa illico l'acte
d'allégeance et tout le monde l'imita. Il faut préciser que le palais d'Hafid
était encerclé par 500 cavaliers Glaoua, fusil chargé sur la hanche.
C'était encore une fois une belle
manifestation de ce "consensus populaire" qui, selon Hassan II, a toujours
présidé au choix des sultans alaouites.
Une
poignée d'oulémas représentant la communauté, à qui ce rôle revenait depuis des
siècles, jeta aussitôt l'anathème sur Hafid, pour l'excellente raison qu'ils
étaient à Fèz, à quelques pas des derniers fusils qui restaient à Abdelaziz.
Raissouli
qui était pratiquement indépendant dans le Nord choisit Hafid parce u'il était
le plus loin (650km) et bien que ce soit Abdelaziz qui l'ait naguère nommé pacha
de Larache.
37. En 1907 Abdelaziz ne régnait
- en réalité - que sur son palais de Fèz
Si la bande des voleurs qui
régnaient sur une grande partie Maroc, sous le (faux) nom d'"alaouites", Bou H´mara,
lui,
qui régnait sous le (faux) nom de Sidi Mohammed - dans l'Oriental - ne se prononça
ni pour Hafid ni pour Abdelaziz: il était le seul maître dans sa région.
La Chaouia (Casablanca)
et le Gharb (Kénitra) demeurèrent "azizistes", puisque - ils étaient
occupés par les troupes françaises venus protéger Abdelaziz au nom des
signataires du traité d'Algésiras. Mais Hassan II prétend - un autre mensonge
royale - (dans son "Défi", p.12): qu'"il est indiscutable
qu'Abdelaziz était soutenu par l'ensemble des masses marocaines et
régnait d'Oujda aux rives du Sénégal"!
Hassan II a du reste une façon désinvolte de prouver que l'autorité d'Abdelaziz
s'étendait jusqu'à Andar (Saint-Louis du Sénégal): "quand les français
avaient franchi le fleuve Sénégal pour pénétrer au Sahara, le sultan avait
demandé à son représentant à Tanger, le caïd Abdellah ben Saïd, de
protester solennellement ." (loc. cit.)
Il fallait évidemment que cet acte d'héroïsme
tranquille ne demeurât point inconnu.
Malheureusement Hassan II ne donne pas les
lettres de protestation de son "glorieux" prédécesseur contre l'occupation de la
Chaouia, pourtant plus dangereuse et plus proche que celle du Sahara aux
frontières du Sénégal ! Et pour cause…
En cette année 1907, Abdelaziz ne régnait
plus que sur son palais isolé de Fèz: quelques hectares.
38.
Comment les sultans alaouites
s'installent-ils au pouvoir ?
Manipulé par une poignée de
notables ambitieux, Hafid prépara une armée. Tous les souverains alaouites se
sont installés de cette façon: légitimés à la force des baïonnettes; maintenus
jusqu'à ce que des baïonnettes plus fortes ou plus nombreuses imposent une
nouvelle "légitimité", tout aussi "légitime" que la précédente, mais moins que la
suivante!
Le noyau
de cette armée, c'étaient les 500 cavaliers Glaoua. Le caïd M´tougui (Ouest de
Marrakech) qui s'était réveillé un peu plus tard et détestait le Glaoui, son
rival, fournit très vite deux cents hommes pour bien marquer son soutien
inconditionnel et aussi enthousiaste que récent à la cause hafidiste.
Avec le
contingent du Goundafi et celui des R´hamna, Hafid disposait de 1.200 hommes
dévoués à leur caïds respectifs. Madani brusqua les choses, de tels alliés étant
si peu sûrs, se nomma ministre de la guerre, parachuta son frère T´hami (qui
sera plus tard le père biologique du future Hassan II) pacha de
Marrakech, base de départ obligée, mais trop fraîchement convertie pour être
sûre.
T´hami El Glaoui avait tout juste vingt ans. C'est lui que les français
appellent "le" Glaoui, le "fastueux" seigneur de l'Atlas qui faisait se pâmer
les belles touristes qu'il recevait à sa table "avec une allure folle", à qui il
donnait un diamant à la fin de la petite réception, diamant offert bien malgré
eux par ses malheureux sujets pressurés: les réserves des greniers vidés par ses
hommes de main se transforment en joyaux.
Pour l'instant il se faisait encore
tout petit dans l'ombre de son frère: Madani mourra bientôt, et T´hami
déshéritant tous ses neveux, au mépris de toutes les lois, fera main basse sur
la totalité de l'héritage. Un véritable hold-up: il aura très vite retenu les
leçons du maghzen alaouite.
39. La propagande juive rusée
au service de Hafid à Paris
Hafid n'oubliera pas l'opinion
publique internationale: il avait recruté - tout s'achète - F. Weisgerber, un Juif "français", vivant à Marrakech, qui faisait
pour lui la tournée des envoyés spéciaux de la presse française et qui leur
tenait un petit discours de propagande talmudique rusé, après leur avoir tendu
une main généreusement garnie de vieux doublons espagnols (de l'or dont la
valeur augmentait régulièrement).
L'envoyé spécial du "Temps"
(équivalent du "Monde" de notre époque) raconte comment cet envoyé très spécial vint lui vanter
les mérites de son "maître", ses qualités de cœur et d'esprit, son amour du
progrès, sa sympathie pour la France, sa générosité envers les étrangers (c'est
vrai) etc…
On peut trouver curieux que ce sultan "choisi" - le Glaoui - pour faire la guerre
à l'envahisseur puisse éprouver une telle sympathie pour eux. Sa générosité
n'avait sans doute pas de limite. Sa propagande en avait davantage: son courtier
se fit proprement éjecter des salles de rédaction parisiennes, car Hafid l'avait
même envoyé à Paris. Cet escroc présentera en 1914 la facture de ses voyages à la Résidence qui la lui
règlera sans discuter!
40.
L'argent des paysans marocains
au service d' Abdelaziz à Paris
C'est aussi à Paris que
Abdelaziz - le frère de Hafid - tenta de sauver son trône grâce au Mont de Piété. Je m'en explique: le
sultan avait acheté huit millions de bijoux au début de son règne avec l'argent
laissé par son père Hassan Ier. L'été 1907, il ne lui restait plus que ça pour
équiper quelques troupes contre son frère. Il envoya donc un homme de confiance
à Paris avec ses pierres précieuses. Les bijoutiers de la place Vendôme, après
d'incroyables discussions de maquignons, en offrirent des sommes dérisoires. Le
sort de la monarchie se jouait dans les arrières boutiques du 2ème
arrondissement de Paris: on nage dans la grandeur (et ils se rattraperont avec son petit
neveu Hassan II ! ).
L'homme du sultan se résigna à aller au Mont de
Piété comme n'importe quelle ménagère parisienne dans la dèche. Le Crédit
Municipal, "Chez Ma Tante" comme disent les parisiens reprenant l'expression
d'un prince notoire qui couvrait ainsi son besoin d'argent sans élever les
soupçons, en offrit royalement 1,2 million au grand oncle d'Hassan II.
Évidemment, Abdelaziz ne pourra jamais dégager ses joyaux.
Une fois de plus
l'argent extorqué aux paysans marocains se retourne contre eux: ce fut suffisant
pour qu'une petite troupe armée
partît de Fez pour Rabat.
41.
La monarchie:
le seul facteur de division au Maroc
"La monarchie est le seul facteur d'unité au Maroc" dit
Hassan II: en 1907 c'était le seul facteur de division.
Les deux armées des
frères ennemis allaient ratisser le pays en le mangeant au sens propre, car
leurs royaux commanditaires n'avaient pas de quoi nourrir leurs soldats:
Alors
on vidait les silos des villageois, on razziait leurs troupeaux si bien que les
fils des paysans terrorisés par leurs "sultans" gagnaient le maquis pour
sauver au moins leurs vies et celles de leurs enfants, et la vertu de leurs
femmes, à défaut de sauver leurs récoltes et leurs économies.
Effectivement, les
sultans faisaient l'union nationale contre eux!
Mais les forces populaires
étaient malheureusement atomisées: c'était la tâche essentielle des Alaouites
depuis Moulay Ismail, le "grand homme" de la famille.
Les citadins s'enfermaient
frileusement derrière leurs murailles: quelque soit le sultan vainqueur militaire, l'on
savait qui serait la victime….
Cela durait depuis si longtemps!
C'est encore la riche bourgeoisie
qui s'en tirait le moins mal, car elle pouvait acheter sa tranquillité.
Le
prolétariat des villes, ne possédant rien que sa peau n'avait rien à perdre.
Les
paysans seuls risquaient de tout perdre. Et ils le perdaient à chaque fois que
le sultan partait en guerre contre des prétendants ou contre des sujets
révoltés.
Pillages, viols, moissons incendiées, arbres fruitiers coupés, maisons
détruites, les sultans ont évidemment beaucoup fait pour désertifier le Maroc.
Il faut trente seconde pour couper un amandier, quinze pour qu'il donne son
maximum! Les sauterelles ne font pas mieux!
En septembre 1907 Abdelaziz quitta
donc avec 2000 hommes Fèz: il voulait voir Lyautey et le consul Régnault à
Rabat. "Il se remit entièrement entre leurs mains et les supplia de l'aider dans
la lutte qu'il allait avoir contre son frère" écrit un
contemporain.
Pour Hassan II - dans son Défi - cette inqualifiable lâcheté devient: "Lorsqu'un
pays (le Maroc) se trouve isolé, il
doit éviter l'épreuve de force qui le ferait tomber dans une plus grande
servitude." Se jeter dans les bras de l'occupant était évidemment
- pour Hassan II - "le meilleur
moyen d'échapper à la servitude"!
42.
La devise des alaouites:
"moi et l'ennemi juif contre mon frère"
Alors que le
pays tout entier n'attendait qu'un geste du sultan pour se soulever: en
quelques semaines le Maroc aurait pu avoir 300.000 hommes en armes décidés à se
battre pour leur juste cause.
Au
lieu de cela ce traître sultan allait se jeter dans les bras de l'occupant pour
demander des secours contre son propre frère et contre son pays !
Les Français allaient, sans le
vouloir, bien évidemment, donner un solide coup de main aux adversaires
d'Abdelaziz. Les Français
l'achevèrent en lui remettant en grande pompe le cordon français de Grand Officier de la
Légion d'Honneur. Les "hafidistes" exploitèrent à toute vitesse cet
événement. C'est comme si les occupants juifs de la Palestine
d'aujourd'hui se mettent à soutenir leur laquai Dahlan contre leurs protégé
Mahmoud Abbas!.
Hafid n'était pas plus
scrupuleux, mais il était plus rusé et plus discret: pour alimenter sa guerre contre
son frère, puisqu'il ne disposait pas des "bijoux de la couronne" comme son
frère Abdelaziz et qu'il n'avait rien à porter au Mont de Piété, il se contenta
des subsides fournis allègrement par une grosse famille de banquiers juifs
sionistes d'allemagne, les Mannesmann qui eux, avaient parfaitement compris le jeux débile
des deux frères: et souhaitaient investir depuis longtemps. Ces juifs sionistes
rusés soutinrent Hafid
parce que les français soutenaient Abdelaziz. Si les Français avaient soutenu Hafid, ils auraient donné de l'or à Abdelaziz.
Ces "investisseurs" juifs voulaient être les plus offrants!
43.
Hafid vend son pays aux juifs!
Le sultan du Maroc était au plus
offrant.
Il vendait son pays au plus offrant, c'est-à-dire aux juifs!
L'or valait plus qu'une décoration française - boomerang.
C'est ce qu'Hassan II appelle,
le plus sérieusement du monde, "la résistance de nos souverains"
(Le Défi, p.17). Grâce aux 400.000 francs or des juifs Mannesmann, un gros pourboire,
mais une somme dérisoire devant les profits escomptés, Hafid fut prêt le premier:
Abdelaziz tendait encore la main à Rabat.
Dès le début de décembre 1907 Hafid
sortit de Marrakech soi-disant pour mater la ville de Mazagan qui l'avait d'abord reconnu avant de
revenir à Abdelaziz parce que des troupes françaises venaient de débarquer,
officiellement pour former des tabors de police en vertu de l'acte d'Algésiras.
Mais sitôt sorti de Marrakech il bifurqua vers le Nord pour manger la tribu des Sraghna: laquelle ne voulait dépendre que d'elle-même; c'était une entreprise
moins dangereuse et plus rémunératrice.
L'or juif des Mannesmann fondait si vite!
Hafid n'avait pas même besoin d'avancer pour prendre un avantage sur son frère:
une révolution suscitée par le "chérif" Si Mohammed El Kittani, chef de la
confrérie religieuse qui porte son nom, avait déclaré Abdelaziz déchu de ses
droits et titres.
Abdelaziz n'était plus que le sultan des Français chez qui il
était réfugié, à Rabat.
44.
L'erreur fatale de remplacer
un Alaouite par
un autre
Le 3 Janvier 1908 Kittani avait
réuni les Oulémas et chefs de tribus entourant Fèz, et de très vagues "délégués" de
la ville à la mosquée de Moulay Idriss, pour élire un successeur à l'incapable
Abdelaziz.
Kittani (comme par ailleurs le Glaoui avec Hafid) convoitait le
pouvoir pour lui. Mais les vieilles habitudes l'obligeaient à signer une
délibération. Sa petite assemblée, pourtant soigneusement préparée, lui fut
fatale. Les notables, suscités pourtant par lui, choisirent Hafid, SOUS CONDITIONS:
1. Ils feraient la guerre
aux Français.
2.
Il dénoncerait l'acte d'Algésiras,
le traité scélérat de 1904.
3. Il interdirait aux
colons européens de séjourner dans les villes de l'intérieur.
Aussi douteuse que soit la
légitimité d'une telle assemblée constituée de fonctionnaires et de caïds
corrompus, elle marquait sans équivoque ce que voulait le peuple marocain: ces
notables avaient parfaitement senti tourner le vent et ils prenaient le train en
marche en se faisant les porte-paroles bien tardifs des aspirations populaires.
Ils préfèrent avoir l'air d'aller de l'avant plutôt que de se faire balayer par
la vague déferlante de mécontentement (Bou Nouala, Bou H´mara) jaillie des
couches profondes de la population excédée par les lâchetés et la trahison
finale du souverain.
L'erreur consistait évidemment à remplacer un Alaouite par
un autre; c'était la lèpre au lieu de la peste. La nation n'avait aucun bienfait
à en attendre, mais les notables avaient tout à exiger d'un souverain qu'ils
avaient aussi manifestement inventé.
45.
Abdelaziz et Hafid, c'étaient
exactement la même chose
Après cela Kittani retourna
à Fèz, forma un comité "révolutionnaire" qui décida, en l'absence du sultan:
1.
de taxer les familles du
Makhzen d'Abdelaziz
2. d'arrêter tous les
partisans d'Abdelaziz.
3. de recruter une armée
qui coupera la route d'Oujda.
4. de fabriquer des arme et
des munitions.
5. de créer un journal
officiel.
6. de supprimer le
scandaleux régime de protection qui ruinait la souveraineté nationale.
7.
d'envoyer des
commissaires chargés d'enquêter sur place sur les abus du sultan dans tout le
pays.
8.de fermer les bordels.
Il y avait beaucoup de
points positifs dans ce programme qu'Hafid, une fois monté sur le trône, jeta à
la corbeille à papier, comme il fallait s'y attendre et que Kittani paiera très
cher et très vite.
Hafid,
repu après le sac des villages des Sraghna, se décida enfin à faire quelque
chose.
Contrairement à ce qu'on a
trop souvent dit, les Français ne s'opposèrent pas à sa marche: ils
avaient finalement décidé de
compter les points et de voler au secours du vainqueur. Tout ce qui
affaiblissait le pays était une bénédiction pour l'occupant. Les sultans
faisaient le sale travail à la place des occupants qui ne voulurent pas même
jeter quelques millions sur le plateau de la balance pour la faire pencher du
côté qu'ils souhaitaient. Pour eux, Abdelaziz et Hafid, c'étaient exactement la
même chose.
S'il ne fallait qu'un sultan pour simplifier le jeu international,
l'un ou l'autre ferait aussi bien l'affaire, c'est-à-dire aussi mal pour le
Maroc.
Le général d'Amade qui contrôlait la région de Casablanca avec ses
troupes coloniales laissa passer Hafid "en soldat discipliné obéissant aux
ordres de Paris".
Ainsi, les deux frères étaient-ils de parfaites dupes: les pantins s'agitaient
au Maroc, mais on tirait les ficelles sur les bords de la Seine.
On fera grâce
des détails des marches et contremarches des deux baudruches qui croyaient
encore détenir le sort du pays entre leurs mains.
46.
La prison et les pillages sont
les piliers du régime alaouite
Hafid alla se faire acclamer à Moulay Idriss
- en évitant Rabat où se
trouvait son frère - parce que la foule assemblée par Kittani croyait
qu'il mènerait ses soldats à la guerre sainte.
Abdelaziz, cette fois
complètement dégrisé, reformait une armée à Rabat: 4650 hommes, dont 2000
fantassins.
Le 10 août 1908 Abdelaziz atteignit la petite ville de Kelâat Sraghna
totalement ruinée par Hafid trois mois plus tôt.
Tous les hommes étaient déjà en prison à Marrakech et toute la journée
défilèrent les femmes venues réclamer la grâce de leur maris, de leurs frères ou
de leurs fils. Abdelaziz qui aurait fait exactement la même chose à la place de
son frère, n'avait vraiment pas le temps de les recevoir. La prison a toujours
été un des piliers du régime. Son armée comptait maintenant 6000 hommes. Il fut
pourtant battu en quelques minutes, une partie de ses alliés ayant brusquement
déserté pour piller le camp d'Abdelaziz qu'ils étaient venus défendre, avant que
les troupes d'Hafid ne le fassent! Les hommes d'Abdelaziz manifestaient une
confiance bien mesurée dans les qualités de leur chef!
On se tua férocement pour
emporter les coffres et les mules du sultan, vainement.
47.
Les sultans alaouites ne sont pas
doués pour les fins héroïques
Naguère bien des
sultans alaouites avaient été dépouillés par leurs sujets révoltés, on les ramenait aux environ de Fèz, après
les avoir ridiculisés. Mais, ce jour-là, près de l'Oued Tesaout, à Bou Ajiba, le
burnous d'Abdelaziz fut criblé de balles.
Mais comme les sultans alaouites ne
sont pas décidément pas doués pour les fins héroïques, il se sauva, protégé par
les mitrailleuses du lieutenant Maréchal assisté naturellement par le sergent
instructeur Balding qui était son contrepoids anglais.
Pendant tout le reste de la journée et la nuit suivante, ce fut une "fuite éperdue", note un de ses partisans, entre
les douars qui assaillent la petite troupe et ses protecteurs européens.
Le 20 août 1908, il arrive au camp français de
Settat, après 100 kilomètres de panique indescriptible. Le 21 août 1908, il s'effondrait au
P.C. du général Amade à Casablanca. Pour abdiquer aussitôt et remettre le
pouvoir entre les mains de ses protecteurs aucunement embarrassés.
48. Le
nouveau sultan alaouite
Hafid en action
La
première chose que fit Moulay Hafid en prenant le pouvoir sans partage fut
d'accéder aux demandes "formulées" par les grandes puissances, lui qui avait
hypocritement
levé l'étendard de la guerre sainte:
·
il adhéra à tous les
articles du traité d'Algésiras
·
Il promit de réserver le
meilleur traitement à son frère Abdelaziz et à ses complices du Makhzen.
·
Il désavoua totalement
la guerre sainte.
C'était très exactement une
forfaiture. Un reniement des engagements de sa charge. C'était du super
Abdelaziz, puisque son frère n'avait pas même essayé de faire croire qu'il
s'opposait à l'invasion.
Hafid avait suscité des énergie en s'opposant verbalement, à l'intrusion et à la pénétration étrangère
par la force.
Ayant vaincu son frère, il se mettait à faire exactement le contraire de ce qu'il avait
promis aux marocains!
Hafid allait se venger sans
perdre un instant des gens qui l'avaient imprudemment porté au pouvoir.
Le chérif Kittani, leader
de l'opposition à Abdelaziz et promoteur du train de mesures dont nous avons
parlé plus haut, fut enlevé dans la région de Meknès où il s'abritait chez ses
fidèles de Beni M'tir, par un caïd grassement rémunéré par l'argent juif, et mourut à Fèz sous le
fouet.
Hafid ne pouvait lui pardonner d'avoir exigé qu'on envoie des enquêteurs
pour dresser la liste interminable des abus du Makhzen. Car le Makhzen de Hafid
allait ressembler comme un frère à celui d'Abdelaziz, tout en renouvelant
totalement le personnel, sans en modifier les méthodes de brigandage légal.
Les
fassis furent dupes même de la volonté de changement de Hafid. Et ce n'était pas
tellement facile de les rouler ces maîtres de machiavélisme. Mais le nouveau
sultan, dévoué aux juifs qui l'ont financé et aux occupants qui l'ont protégé
était prêt à tout pour conserver un semblant du pouvoir acquis à la
petite semaine et était totalement manipulé par ceux qui l'avaient fabriqué et lui
avaient donné les moyens financiers et le personnel militaire nécessaire pour rejeter son frère à la mer.
49.
On a remplacé la peste par le choléra !
Hafid acheva ce que son père Mouley Hassan avait commencé: il
fit du Glaoui, le fils du marchand ambulant du Tizi N'Tichka, le moteur de son nouveau
vieux Makhzen
qui restait une société anonyme d'exploitation du peuple marocain.
Mais Madani
Al Glaoui avait des dents encore plus longues que celles de ses prédécesseurs,
car il était affamé depuis plus longtemps. Comme tout grand voleur nouveau riche de la politique, il
voulait tout, tout de suite.
Le loup était dans la
bergerie, mais l'on verra bientôt que c'était un loup en papier. Les notables
traditionnels ayant été roulés, ne versons pas une larme sur eux, en croyant
manipuler le nouveau sultan. Ils avaient seulement oublié un léger détail: si
Abdelaziz avait été catastrophique, Hafid allait être encore plus lamentable,
car ce lâche, incapable de la moindre idée politique, était en plus d'une
cruauté infinie.
Ce n'était pas une révolution qu'ils avaient faite, car toute
révolution eût passée et passe encore par l'élimination
politique totale de la monarchie alaouite. Ils avaient changé de pantin. Et le nouveau
pantin était d'autant plus féroce qu'il était couard.
Abdelaziz aimait tirer au
pistolet sur des cibles en carton. C'était d'ailleurs, plus tard, également le jeu préféré du prince
Moulay Abdellah le frère d'Hassan II. Et Hafid fera tirer sur ses "sujets", cibles vivantes et tellement "plus
excitantes"!
50.
Les occupants n'avaient que l'embarras
du choix entre traîtres alaouites
Trois
mois après l'installation de Hafid, son véritable frère, Sidi Mohammed, se nomma sultan à
la Qasba de Skhirat [à l'endroit même où Hassan II allait être attaqué par les
militaires le 10
juillet 1971] où il était prisonnier depuis la prise du pouvoir par Bah Ahmed, et marcha sur Fèz. Ce rigolo inoffensif fut arrêté par le pacha de
Meknès, d'autant plus obséquieux vis-à-vis du pouvoir qu'il s'était rallié in
extremis à Moulay Hafid. Sidi Mohammed changea seulement de prison, car son
frère le garda près de lui à Fèz. Mais il restait encore dix frères. Les
occupants n'avait que l'embarras du choix entre traîtres alaouites. Et il ne s'en priva pas.
En concurrence serré avec
tous les candidats alaouites à se mettre au service des occupants, Hafid usa et
abusa du seul semblant "pouvoir" que ses maîtres occupants ont bien voulu lui
accorder, c'est-à-dire celui de persécuter les faibles marocains occupés et se
frères rivaux, en jetant, par exemple, comme
on l'a vu, le rival de la famille, Bou H´mara, dans la cage aux lions.
La parasitaire et pourrie dynastie alaouite aurait été à la merci du premier charlatan venu si la France,
appelée à son secours par Abdelaziz, n'avait veillé sur les créneaux dorés des
murailles de Fez décorées encore des têtes sanglantes coupées pour le bon
plaisir du sultan. Une boucherie immonde sur un des plus beaux sites du monde:
le décor d'une monarchie en décomposition encore plus avancée que celle des
partisans de Bou H´mara.
Hafid inaugura son "règne"
en reconnaissant aux occupants, également, sa "dette de guerre". Il
accepta qu'un ingénieur français ait la haute main sur les travaux publics. Il
confia la réorganisation de l'armée à des instructeurs exclusivement
français. Hafid se faisait le fourrier de l'occupation française.
L'infamant traité de 1912 - signé par le sultan alaouite hafid - qui a
officialisé l'occupation camouflée sous le nom du protectorat - n'aggravera rien: il constatera
seulement ou enregistrera un
état de fait.
Ce sont les sultans alaouites qui ont affaibli et mis à genoux notre pays. Ils
ont "préparé" le Maroc au colonialisme et ont ouvertement et officiellement fait
appel aux envahisseurs étrangers: ou bien pour les protéger des révoltes du
peuples marocain ou bien pour vaincre leurs frères adversaires de la même
famille alaouite.
Et depuis 1909, la
capitulation des alaouites face aux envahisseurs et la démission de la monarchie est totale. Le sultan vivait à Fèz,
totalement coupé des réalités, du monde et du peuple. Cette incapacité à
comprendre le monde moderne - qui est d'ailleurs la marque des sultans alaouites
sans exception - depuis leur début jusqu'aujourd'hui, a instauré la main mise de l'étranger sur
notre pays.
51.
Et les traîtres alaouites étaient
tout heureux de servir les occupants
Malgré les démonstrations de force faites au dépend des tribus de la région de Casablanca, par le général
d'Amade de l'armée de l'occupation, et au dépend des des tribus de Beni Snassen
- dans la région d'Oujda - par le général Lyautey, Hafid fait toujours comme si les canons à tirs rapides
des occupants et les mitrailleuses
étaient de simples frondes ou des bricoles décoratives.
Il ne joue pas même sur
la rivalité franco-allemande alors que cela était lui aurait été facile vue que
l'Allemagne avait une politique d'amitié avec les pays musulmans,
définie par le discours très antisioniste, tenu à Damas du 8 novembre 1898, par l'Empereur Guillaume II.
Le sultan fantoche alaouite s'agenouillait et se mettait à plat ventre devant
les occupants en même temps qu'ils faisait mine
de protester lorsque les troupes françaises avaient franchi le fleuve Sénégal, à
2000 kilomètres de Fèz.
Hafid était tout heureux du traité du protectorat qu'il a signé, car cet accord stipulait son maintien
formel sur le trône avec les mêmes prérogatives qui sont accordées aujourd'hui
par les occupants à Karzay, Abbas ou à Almalki.
Mai
les occupants avaient surestimé le poids des alaouites dans le pays: la soumission totale du
sultan et de son Maghzen
n'entraînera pas celle du peuple marocain.
52.
Hafid se convertit en franc-maçon juif
La première guerre
de résistance du Rif
éclata le 9 juillet 1909. L'insurrection armée étant la seule réponse adéquate possible à
l'arrogance des occupants.
Le superbe ambassadeur espagnole Merry del Val avait
poireauté six jours dans l'antichambre de la marionnette des occupants français Hafid avant de pouvoir exposer ses
demandes. C'était - grâce à ses protecteurs français - le dernier plaisir régalien qui restait à Hafid
- qui passait la majorité de son temps ivre et endormi dans son lit: faire
attendre les ambassadeurs étrangers jusqu'à l'extrême limite de la courtoisie
internationale. Quelle poigne! Que de fierté alaouite! Mais les puissances pouvaient tout
se permettre au Maroc à condition de traiter le sultan "avec égards" et elles avalaient
la couleuvre d'assez bon appétit, puisqu'une fois passée ses petites
manifestations de paranoïa, le sultan cédait toujours et sur tout!. Merry del Val, ravalant
son humeur, s'inclina le plus allègrement possible devant le sultan et lui
demanda d'avoir l'ineffable bonté de bien vouloir autoriser l'Espagne:
1. A occuper les montagnes
entre Tanger l'internationale et Ceuta l'espagnole. L'équivalent de deux
départements français!
2. A exploiter les
concessions minières que Bou H´mara, lorsqu'il était sultan d'Oujda sous le nom
de Sidi Mohammed, avait vendu et accordé du haut de sa toute puissance aux compagnies "Norte
Africano" et "Minas del Rif".
3. A installer à Fèz une
mission missionnaire chrétinne franciscaine permanente!
Précisons que ce Merry del
Val était le frère du secrétaire d'Etat au Vatican, le Cardinal (depuis 1903)
Raffaele Merry del Val « camérier secret » du Pape, et que dans l'entourage de
Pie X, l'on se flattait fort d'évangéliser les infidèles, c'est-à-dire les
musulmans. L'Afrique était alors devenue - pour le Vatican - "terre de
mission" pour y exterminer l'Islam!
L'Espagne aurait volontiers voulu remplacer la France dans le rôle de fille
aînée de l'Eglise et remplacer au Maroc le Croissant par la Croix!
Le missionnaire ambassadeur Merry
del Val avait même amené avec lui deux mules chargées d'eau
"chrétiennement" bénite et, comme il n'avait sans doute pas de Franciscain sous la main, il avait
amené deux capucins, petit échantillon de frères prêcheurs au froc brun
identique pour convaincre sa majesté chérifienne. Hafid écouta sans broncher et fit répondre au "croisé" qu'il allait y
réfléchir. Mais Hafid est beaucoup plus séduit par l'or et l'argent juif et
finit par se convertir
officiellement au judaïsme!
53. La première révolte du Rif
Le 9 juillet 1909, les habitants de Melilla
- qui subissaient
depuis des siècles l'occupation espagnole - attaquèrent un convoi de mineurs qui
se rendaient dan la zone de protection et d'exploitation qui n'avaient jamais
été autorisées: légitime défense contre le brigandage espagnol. Les paysans ne
faisaient que défendre la souveraineté nationale, rôle que le sultan avait
totalement abandonné. L'affaire était caricaturale du colonialisme: le goupillon
chargé d'eau bénite dans la main de l'ambassadeur Merry del Val, la mitrailleuse
dans celle du général Marina. La "civilisation" en marche fut arrêtée par le raz
-le- bol des rifains.
L'Espagne eut un haut le cœur lorsque les va-nu-pieds du
Rif taillèrent en pièces sa glorieuse infanterie qui avait l'habitude de
ridiculiser les troupes du sultan.
L'envoyé spécial du "Temps" raconte:
"Retranchés dans la montagne, tireurs adroits et ménagers de leurs munitions,
les Rifains s'étaient révélés comme des ennemis redoutables et certains
régiments espagnols à peine débarqués de la Péninsule, avaient perdu en moins de
vingt-quatre heures, la moitié de leurs effectifs."
L'histoire n'a pas
retenu les noms des chefs de la révolte pour l'excellente raison qu'il n'y en
avait pas.
Abd-El-Krim était encore adolescent.
Le peuple marocain prouva alors que (débarrassé de faux prophètes, tel El Hiba qui prétendait faire
se changer en
pluie les balles des Chrétiens) il pouvait efficacement combattre pour défendre la réalité de son
existence sur un terrain difficile qu'il exploitait à merveille, et qu' il pouvait
éparpiller n'importe quelle armée moderne dépaysée et estomaquée par la vigueur
de l'opposition et de la résistance.
Le sultan justifiait ses pantalonnades devant les grandes
puissances par la "médiocrité" de ses troupes, et de leur armement, incapables
de s'opposer aux armées chrétiennes...
Mais, la vérité est que personne ne voulait se
battre pour préserver son trône et ses insupportables privilèges. Quand la cause
était juste et les objectifs clairs, le peuple marocain savait résister et se battre avec un cœur
et une efficacité admirables.
L'armée du sultan n'était pas l'armée
marocaine. On ne voulait pas mourir pour un tyranneau alaouite, mais on se
battit jusqu'à la mort pour défendre l'intégrité nationale.
54. Une
résistance rifaine farouche
Le sultan alaouite - avec son
makhzen pourri et corrompu - avait mené
le pays à la défaite, se faisait ridiculiser même par les troupes espagnoles
lors du "siège de Tétouan" en 1866. Aujourd'hui une poignée de paysans
rifains, avec leur seule volonté de légitime résistance, sans chefs ni argent, jetaient la panique dans les rangs de ces mêmes espagnols.
Contrairement à la caricature des combats coloniaux, où l'on voit (dans
les livres et dans les films) de beaux légionnaires blonds au regard aussi clair
que la conscience lutter contre les "salopards" (terme employé par les
soldats français et les
légionnaires vers 1925 pour désigner les combattants rifains) à un contre
dix, c'était ici exactement le contraire: quelques centaines de rifains, obligés
de ménager leurs balles achetées avec leurs maigres ressources agricoles, se
battaient contre 40.000 espagnols fastueusement ravitaillés par mer.
Après quelques semaines de combat pourtant inégal, le général Marina
avait perdu la moitié de ses dix mille hommes et avait demandé et obtenu 35.000
hommes en renfort.
Si les armées d'invasion avaient été secouées de la sorte
dans tout le pays et que c'était possible, comme elles l'étaient dans le Rif, il
aurait fallu un corps expéditionnaire franco-espagnol d'un million d'hommes
éparpillés d'Oujda à Safi, et de Tanger à Zagora pour faire fléchir le Maroc!
Le
crime de l monarchie est d'avoir empêché cette levée de résistance en masse.
Un des
guérilleros résistant rifains venu à Fès demander que le Maghzen les aide contre
l'Espagne, a raconté à l'envoyé spécial du "Temps" comment les combattants
rifains s'étaient organisés. C'est le seul témoignage que l'on ait, les soldats
de l'ombre n'ayant jamais eu la parole: "Beaucoup d'entre nous ont des "deschra "(carabines
à tir rapide) et chaque communauté villageoise en a une petite réserve pour
ramer ceux de ses membres qui n'en ont pas. Nous avons également des moules à
balles et des machines à réamorcer les cartouches avec de la poudre que nous
fabriquons nous-mêmes quand nous manquons de poudre de contrebande. Malgré tout,
nous ne pouvons ravitailler un nombre suffisant de combattants en vivres et en
munitions. Actuellement, nos contingents vont au combat par dixièmes renouvelés
tous les quinze jours. Il faudrait que nous arrivions à faire donner en même
temps au moins un quart de nos effectifs." ( publié dans "Temps
", Janvier 1910).
55. Hafid démasqué !
Les résistants rifains
croyaient encore que Hafid était le sultan du jihad contre
l'envahisseur: il ne l'avait été verbalement que pour se débarrasser de son
frère Abdelaziz, pour duper le peuple marocain et le démobiliser. Ce porte-parole
des résistants riffains
attendit plusieurs semaines avant d'être reçu par le sultan Hafid. Méprisé comme un
vulgaire ambassadeur espagnol, il regagna ses montagnes sans avoir rien obtenu
du sultan, mais il l'avait obligé à se démasquer. Et le peuple rifain continua le
combat comme il l'avait engagé, seul.
Il avait gardé sa force vive parce que
éloigné de la pourriture fassie et des compromissions obligées pour ceux qui
à Fèz gravitent de près ou de loin autour de la cour la plus ramollie de son temps.
Hassan II a une fulgurante explication pour
justifier cette traîtrises familiale alaouite. Il dit (dans "Le Défi", p.16):
"lorsque ce pays se trouve isolé, pratiquement désarmé, il doit
éviter l'épreuve de force qui le ferait tomber dans une plus grande servitude."
Et ce sont les sultans alaouites qui ont effectivement isolé et
désarmé le pays!
Qui a empêché le Maroc à avoir une armée à la
hauteur de son peuple?
C'est l'illégitimité et la non représentativité de la monarchie qui ont empêché
notre pays d'avoir une défense nationale, au lieu d"une armée d'esclaves qui
dirigent ses armes contre le le peuple pour défendre et protéger un sultan
illégitime, corrompu et usurpateur du pouvoir.
La monarchie a livré le peuple marocain désarmé aux convoitises des
envahisseurs.
56.
Le peuple résiste aux occupants
espagnoles, Hafid leur cède ...
L'armée française contre le Maroc, ce n'était pas joué d'avance, ce
n'était pas l'éléphant tricolore contre la puce marocaine. C'est avec l'aide et
la collaboration des sultans alaouites que les occupants ont pu soumettre,
dominer et massacrer des centaines de milliers marocains dans l'Oriental,
dans le Rif, dans les plaines, dans la montagne, et dans les villes.
Les
succès rifains de 1909 prouvent, s'il en était besoin, qu'avec un matériel
léger, mais en état de marche, le peuple marocain était capable à lui seul
d'empêcher la dictature des alaouites et des occupants: les puissances d'occupation n'avaient
pas les moyens de faire la guerre. Elles pouvaient seulement mener des
opérations de police les plus économiques possibles.
L'argument du
"génocide" qu'eussent commis, en cas de résistance, la France et l'Espagne ne
tient pas: en 1909, les pertes espagnoles sont 20 fois plus lourdes que les
pertes marocaines. Envoyer des foules mal armées ou désarmées pour attaquer attaquer l'artillerie
lourde au grand galop, c'était se jeter à
l'assaut du ciel comme le fit Moulay Abderrahman à la bataille de
l'Isly (13 août 1844) et comme le fera El Hiba contre Mangin. C'est le
crime des notables qui eux s'en sortent toujours: le sultan vaincu et El Hiba,
eux, ils
finiront dans leurs lits.
Organiser une guérilla de résistance implacable, c'est
prendre réellement le ciel et les rifains l'avait deviné et démontré avec éclat.
Non, le peuple marocain n'était pas battu d'avance. On l'a empêché de résister
comme il le voulait: les marocains ont été fusillés dans le dos et du haut de
son balcon au cèdre doré, le sultan regardait l'immonde exécution qui préservait
ses privilèges. Voilà la vérité qu'Hassan II escamote en deux lignes. Mais sa
haine contre tous les mouvements de résistance populaires efficaces se comprend:
l'insurrection d'Abd-El-Krim était un mouvement républicain qui voulait jeter
les occupants et leur marionnette, le sultan, à la mer.
Il a fallu trois mois et des milliers de tués et de blessés au
général Marina pour occuper le djebel Nador et la Qasba de Sélouane, ancien
quartier général de Bou H´mara dont les restes pourrissaient depuis quelques
semaines dans la résidence d'été du sultan. Victoire à la Pyrrhus, car Marina ne
pouvait guère bouger de sa "conquête" et il était obligé d'immobiliser un corps
expéditionnaire disproportionné avec le terrain gagné.
La montagne et la nuit
appartenaient toujours aux révoltés. Hafid allait donner à l'Espagne sur le
tapis vert ce qu'elle n'avait pu prendre sur le
terrain par la force. En novembre 1910 le sultan cédait par le traité de Madrid
tout ce que Merry del Val lui avait demandé
l'année précédente, sauf les mules d'eau bénite. Les rifains n'étaient pas morts
pour rien: ils avaient donné l'exemple et obligé le sultan à se démasquer. Mais
d'abandons en renoncements, Hafid ne pouvait pas aller
bien loin. La mission militaire française à Fèz allait
avoir du travail.
57. Le peuple résiste aux occupants Hafid
résiste... à son frère,
en ravageant le pays
!
Pendant que le Rif résistait
à l'occupation espagnole
dans la région de Melilla, un frère du sultan, Moulay El Kebir soulevait la
région de Taza décidément bien peu légitimiste! C’était à prévoir. Ses frères
voulaient faire comme lui et réclamaient une part de l’"héritage familial". Ils
ont hérité le pays et le peuple comme si les marocains étaient un troupeau de
bétail!
Hafid
envoya donc dix-mille hommes… non pas contre son frère trop bien protégé par ses
montagnes et ses murailles, mais contre les tribus de l’oued Innaouen. Cette « mehalla »
était normalement commandée par Mohammed El Glaoui ("ministre de la
guerre", à peine pubère) dont le seul "mérite" était d’être le fils d'un des
"bergers" qui surveillaient le troupeau, le "tout-puissant" grand vizir Madani El Glaoui.
La « mehalla » partie en
décembre 1909, resta dix mois chez
les Hayaina, à mi-route de son objectif supposé et se comporta comme les Grandes
Compagnies de la guerre de Cent
ans, préférant faire la guerre aux paysans, aux femmes et aux enfants. De la
grande politique, pour lutter contre un prétendant en ravageant le pays.
Les
criminels brigands alaouites transformèrent
le pays en désert.
Il faut vraiment que le Maroc soit indestructible pour avoir
résisté à deux cent cinquante ans de pouvoir alaouite!
Les « commandos » de Sa
Majesté détroussèrent les caravanes, pillèrent les marchés, incendièrent les
douars, rançonnèrent les hommes, vendirent les femmes comme esclaves. Les
putains qui suivaient les brigands de Sa Majesté se faisaient maquerelles et
achetaient les enfants pour l’usage que l’on devine: un gosse se vendait pour
le prix d’un demi-mouton. C’était insuffisant pour faire vivre ce nuage de
sauterelles téléguidé de Fèz: les soldats vendirent donc leurs armes et leurs
munitions, comme n’importe quel soldat de Long-Nol, de Karzay, d'Allaoui, de
Abbas, de Séniora: les "Hafid" des occupants juifs et de leurs marionnettes
Américains d'aujourd'hui! Il n’y a pas
de coïncidence ..!
58.
Le sanglant imbécile Hafid collaborait
avec les occupants pour le piller le pays
"Moulay" El Kebir pouvait dormir tranquille à Taza, tandis que le pays passait d’atroces
nuits blanches. Les Alaouites ne se mangent pas vraiment entre eux. Le jeune
Glaoui et Hafid envoyèrent même quatre mille
hommes « en renfort » et laissèrent faire ce carnage atroce pendant neuf mois : ce pillage
systématique du pays était une invention alaouite, on le sait, et Hafid était
tranquille dans son palais, dégarni de soldats de grand chemin puisque les
Français le protégeaient de la mauvaise humeur de ses sujets. La collaboration
franco-alaouite se rodait bien. Ce furent les Français qui manquèrent de
patience. Comme pour Bou H´mara, ils trouvèrent la plaisanterie saumâtre. Leur
sultan avait vraiment l’air de ce qu’il était, un sanglant imbécile. Et l’opinion publique
française, déjà pas très favorable aux « aventures coloniales », finirait par le savoir et les députés par ne
plus voter de crédits.
Les conseillers militaires
français reçurent l’ordre d’intervenir pour sauver le régime. Les quatre
officiers français exigèrent que le sultan rappelât ses troupes de « coupeurs de
route ». Le 20 octobre 1910, l’armée alaouite - armée et financée par les
occupants - ramenée à petites journées fut
massée comme pour la parade dans la cour du Méchoauar du palais du sultan
fantoche. En guise de félicitations
pour leur héroïque conduite au "combat" - contre les paysans, les femmes et les
enfants -, le chef de la mission militaire française leur
tendit un piège, si grossier qu’il réussit pleinement. Il décida d’abord de
passer une revue de matériel. Après neuf mois de campagne, il ne restait plus
aux quatorze mille hommes devenus cinq mille cinq cents (les autres avaient déserté) que 1.500
fusils et 3.000 uniformes. Des centaines de chevaux et de mulets avaient été
vendus. Des hurlements retentirent quand les fusils disparurent. Trop tard.
Les soldats directement commandés par les Français et les sept cents
esclaves de la garde noire de Hafid étaient en embuscade aux créneaux. Le
brouhahas tomba aussitôt. Les soldats n’avaient pas envie de subir le sort de
leurs victimes civiles! Le commandant Mangin (ne pas confondre avec le futur
général qui s'opposera à Lyautey)
fit lire un décret signé par Hafid,
mais rédigé par lui : l’armée était licenciée, mais les hommes pouvaient se
réengager après visite médicale et acceptation d’une discipline calquée sur
celle de l’armée française. Trois mille hommes furent reconnus bons pour le
service. Les autres avaient vingt-quatre heures pour disparaître.
59. La
faillite totale de Hafid
Hafid et ses amis français n’avaient pas encore pris assez de précautions : ce
petit embryon d’armée pourtant revu et corrigé allait leur claquer dans les
doigts dès que le pays réel, à bout de patience, se mettrait à secouer le joug.
Le Maghzen (comme on nomme au Maroc le
gouvernement qui emmagasine les impôts) avait en effet toujours pressuré
le peuple, mais en cette année 1910, les exactions allaient prendre une
direction grandiose, car le nouveau Maghzen sentait le sol se dérober sous lui
et allait mettre les bouchées doubles pour « croûter » le pays ..
Comme la
trique gouvernementale ne se faisait plus sentir qu’autour de Fèz, ces paysans
là allaient payer pour les autres. Hafid avait bénéficié pendant quelques mois
de contributions volontaires versées au Trésor par tous ceux - trompés par le
"commandeur des "croyants" et ses promesses hypocrites, et qui voulaient
participer financièrement à l’effort de guerre de libération, devoir sacré. Les
volontaires étaient nombreux et les caisses d’Hafid pleines.
Tant qu’Hafid put jouer la comédie de la "guerre sainte", tout alla très
bien, mais vint le jour où il ne put faire semblant de vouloir jeter
l’envahisseur à la mer. Il se réfugia alors dans son palais protégé par les
occupants, et refusant de bouger le
petit doigt contre l’agresseur. Les dons se tarirent aussitôt.
C’était la
faillite. Les produits normaux de la nouvelle fiscalité étaient, en effet, totalement parasités par les grandes
puissances qui avaient installé un contrôleur sangsue derrière chaque
fonctionnaire fiscal alaouite du makhzen.
L’argent drainé dans les ports et les
marchés allait directement à ses anciens financiers juifs, dans les banques parisiennes et londoniennes, qui
avaient avancé quelques millions pour les menus plaisirs du sultan et récupéré
des centaines de millions, placement de spéculateurs juifs qui devenait placement de
père de famille. Les rares ressources (domaine propre etc.) qui échappaient à la
ponction étrangère, étaient si mal gérées qu’elles ne rapportaient pratiquement
plus rien.
60. Le
sultans:
propriétaire du Maroc
Le sultan s’était ruiné dans un pays à peine mis en valeur
par sa faute : les paysans ne cultivaient plus que le strict nécessaire pour ne
pas mourir de faim, constamment à la merci des soldats pillards des sultans
alaouites qui brûlaient les moissons, vidaient les silos, coupaient les arbres
fruitiers, razziaient les troupeaux, si bien que les trois quarts de la terre
marocaine cultivable étaient en friche. Les sultans n’avaient pas même eu
l’astuce de certains de leurs homologues étrangers. Ils avaient tué la poule aux
œufs d’or, ils avaient égorgé le mouton au lieu de le tondre. Résultat : il n’y
avait plus d’œufs ni de laine. Ce qui prouve qu’on peut être à la fois bête et
méchant. Les requins du maghzen alaouite connaissaient bien la tradition. Le sultan les
laissait s’enrichir crapuleusement : concussion, prévarication, trafic
d’influence, détournement des deniers publics, tripatouillage sur les
fournitures aux armées, vol qualifié même, extorsion de fonds, rackets, tout
l’éventail de la grande délinquance.
Quand le sultan jugeait que le bas
de laine était assez dodu, il le confisquait et envoyait son ex-propriétaire en
prison à vie. Une diète prolongée et des bastonnades régulières faisaient de ces
cachots royales (les éternelles "Tazmamartes" des alaouites) l’échafaud de la mort lente. On pouvait tenir le coup quelques années,
jamais plus. La mort « naturelle » faisait son œuvre, c’était bien commode.
C'est la façon alaouite de "supprimer" la peine capitale"!
Sous le règne d’Hafid, la
décomposition gouvernementale avait depuis longtemps pris quand même des allures
de fin du monde. Les fidèles serviteurs du monarque, je veux dire Madani El
Glaoui et sa clique de hobereaux ambitieux, tenteront d’accélérer le rythme
ancestral du profit et de faire fortune en quelques mois alors qu’il fallait des
années sous Hassan Ier.
Pour exploiter à fond le peu de temps qui leur était
imparti selon toute vraisemblance, ils créèrent un nouvel impôt : la « Naiba ». C’était
une taxe qui remplaçait le loyer des terres et des maisons, partant du principe
que le sultan gérait - si l’on peut dire - les biens de la communauté musulmane
pour "le plus grand profit" de celle-ci, théorie du droit. Il était donc propriétaire du Maroc.
Que fait un propriétaire ? Il encaisse des loyers. Enfantin! « Ce fut
une ère lamentable d’exactions et de spoliations. », dit un témoin neutre, mais
attentif.
Ce système multipliait ses effets désastreux sur le peuple, selon une
progression géométrique.
61.
Le loyer que les marocains
payent au proprétaire de leur pays !
Quand Madani El Glaoui jugeait, en toute
iniquité, que le brave Youssef Ben Brahim, qui exploitait six hectares à El
Hajeb et faisait pâturer 80 moutons, 20 chèvres et 5 vaches devait payer un « loyer » annuel de 10 moutons, 5 chèvres et 2 vaches, le caïd El Hajeb
traduisait - en pensant à son petit bénéfice - : 20
moutons, 10 chèvres et 3 vaches. Son adjoint, qui allait percevoir
directement le loyer (le métier de percepteur à main armée comporte des risques,
il faut des primes de danger), l’augmentait encore si bien que le pauvre Youssef
Ben Brahim se faisait extorquer 30 moutons, 15 chèvres et 4 vaches.
L’adjoint du caïd gardait
évidemment « sa part » : il fallait bien rentabiliser le gros « cadeau »
qu’il avait versé au caïd pour obtenir un poste de confiance aussi rémunérateur.
Le caïd gardait aussi son pourcentage, car il avait versé de gros sacs de douros
à Madani El Glaoui pour avoir le bonheur de servir son pays. Et Madani gardait
le reste du «loyer » qu’il convertissait en pièces d’or et d’argent, - la
bourgeoisie commençante de Fèz était là pour ça ! -
plus facilement stockable que des troupeaux volés, dans ses casbahs de Télouet, Aït Ourir ou Taddert. Je
prends la première part, parce que je m’appelle Grand-Vizir.
Pour peu que le loyer annuel soit perçu
trois fois par an, le pauvre fellah devenait très vite indigent, sa femme prostituée et ses
enfants mendiants errants promis à toutes les aventures. On ruine ainsi très
vite un pays qui aurait du être un paradis terrestre. La communauté se
paupérisait au profit exclusif de notables qui ne remettaient pas même le
produit de leur rapine dans le circuit économique national. Et RIEN n’a
vraiment changé sous les successeur de Hafid: Hasan II et Mohamed VI !
Madani El Glaoui était si vorace qu’il oublia de ménager, comme le voulait la
coutume, les petits notables locaux, courroie de transmission provinciale plus
ou moins solide de la tyrannie centrale "alaouite". Il détruisit ainsi la pyramide féodale
qui ne reposait plus que sur sa pointe, lui. Erreur funeste, pour un chef de
gang qui ne peut plus truander sans malfrat associé.
Le Glaoui se coupait de complice qui auraient pu devenir ses partisans en cas de
coups durs. Tout pour lui et rien pour les autres. Il ne partageait plus le
butin. Il était le gang à lui seul. Ce qui rendra «vertueux » un certain
nombre de caïds déçus ne de plus être admis à table. Je rappelle que nous sommes
en 1909-1910 et que ce n’est pas Lyautey (arrivé en 1912) qui a nommé le Glaoui
grand-vizir et grand pillard du royaume, mais bien le seul Hafid, contrairement
à ce que prétend Hassan II dans son mensonge "Le défi "!
62. Le makhzen, la corruption, les
intrigues et le pillage du Maroc?
La monarchie
alaouite est seule responsable de la
promotion de ces petits rongeurs devenus fauves. La hargne du
piranha Glaoui se
retourna tout-à-coup contre lui et son maître. Le caïd Akka, grand personnage
des Ait Ou Bouidman (fraction des Béni Mtir) avait cru bon d'arrêter le
chérif Kittani qui avait essayé de
se faire élire sultan à la place de Hafid, lorsqu’il s’était réfugié chez lui,
après l’installation de Hafid sur le trône familial. Kittani est mort sous les coups de cordes à
nœuds mouillées et durcies au
vinaigre. Akka, qui espérait sans doute faire une belle carrière au maghzen - le sultan cherchait des hommes qui avaient fait preuve d’un zèle inhabituel -
après ce coup d’éclat, obligea des administrés à rentrer dans le giron du Palais
et à payer leurs impôts sans couper la tête aux percepteurs boulimiques.
Pour le récompenser de sa fidélité, Madani El Glaoui l’avait mandé à Fèz, en
décembre 1910. La fortune d’Akka était donc faite. Akka avait sauté sur son plus
beau cheval, sans oublier de garnir une mule de jolis cadeaux. Cinq heures plus
tard, il était jeté dans un cul de basse fosse. Pour le motif habituel et
inavoué : on voulait en tirer encore plus. Effectivement, deux mois plus tard,
il sortait de son trou à rats après avoir payé une rançon fabuleuse et complété
la collection de douros de Madani El Glaoui, l’auréophage (le "mangeur d’or") !
Les contribuables d' Akka lui rembourseraient très vite la rançon, mais
rien ni personne ne le dédommagerait de son humiliation et de ses ambitions
déçues.
Ivre de rage, le caïd Akka entra aussitôt en campagne, visita tous les
caïds des grandes tribus voisines (Beni Mtir, Zémour et Querrouane, plusieurs
centaines de milliers d’hommes) et le 22 février 1911 - un mois après sa ruineuse
libération - Akka réunissait les conjurés à Agouraï (sud de Meknès).
Son plan
était simple et fut approuvé immédiatement : profitant de la fête du Mouloud qui
aurait lieu trois semaines plus tard à Fèz, les cavaliers des tribus révoltées
viendraient y rendre hommage au sultan, comme le veut la tradition et
l’enlèveraient avec son âme damnée Glaoui.
Akka savait très bien que personne ne défendrait le sultan.
L’impopularité du trône
était telle qu’après avoir mitraillé Abdelaziz, l’adolescent prolongé, les sujets excédés d’Hafid le
paranoïaque, n’avaient plus qu’une ressource : son élimination physique. Pas de
légalité pour les ennemis de la légalité. Contre le gang au pouvoir, des
méthodes expéditives et définitives. Akka
n’avait oublié qu’une chose : il y avait des sujets de mécontentement
encore plus pressés que lui. Les Cherarda se soulèveront avant la prise d’otage
imaginée par Akka. C’était d’autant plus grave pour le Palais que les Cherada
sont une tribu «guich », une tribu qui fournit le service militaire par
roulement et qui, en échange de son «sang », ne paye pas d’impôts. Vieux
système des monarchies qui fabriquent des privilégiés pour les lancer contre le
reste de la nation écrasée d’impôts ! Monarchie alaouite, ferment de
dislocation.
Les Charada avaient déjà converti les Beni Hassen et le
Hejaoua et risquaient surtout d’entraîner les trois autres tribus «guich», fer de
lance émoussé, mais suffisamment aigu pour mettre fin à la présence alaouite sur
le trône. Ces tribus étaient en «Siba », mot que les historiens
colonialistes adorent employer, qu’ils traduisent par « anarchie »
(raisonnement: Maroc= Anarchie, = nécessité de l’ordre, = occupation ="protectorat") et qui n’était que le refus clairement
manifesté de ne pas céder au caprice sanglant du Palais.
63. Et
dès que le makhzen est menacé, Hafid
réclame aussitôt la protection des occupants
Devant cette
levée en masse Hafid s’affola et réclama aussitôt l’intervention de l’armée
française qui restait l’arme au pied dans le Mechouar du palais de Fès. Le
commandant Mangin prit donc la tête d’une colonne de 2.600 hommes et s’installa
sur le Djebel Tselfat, point culminant du territoire des Cherardas… où les pluies
de printemps le figèrent dans 60 centimètres de boue.
Akka, ses Beni Mtir et leurs
alliés ne pouvaient plus attendre le Mouloud pour enlever le sultan : il fallait
d’abord éliminer ces mercenaires étrangers qui lui servaient d’épée et de
bouclier. Il attaqua le camp enlisé de Mangin et le 12 mars 1911, ses troupes
grossies de ses tribus du Saïs , coupèrent toutes les routes qui mènent de Fès
au port atlantique. C’était bien joué : les renforts français ne pouvaient passer.
Incapable de vaincre, Hafid
résolut de convaincre et de « traiter » avec les insurgés, autrement dit de les
diviser, ruse alaouite vieille de 250 ans d’expériences.
Les notables des tribus révoltées se seraient sans doute laissé prendre à sa
stratégie de l’araignée, si la «base» n’avait hurlé à la trahison. Les
Marocains ne voulaient plus ni reculer ni subir. Ils voulaient marcher sur Fèz
pour renverser le régime. Hafid avait pourtant envoyé le caïd Mtouggui, grand
maître de l’Atlas occidental, de Marrakech à Agadir, vieux renard encore finaud,
endurci par quarante années de relation avec le makhzen, mais
rallié in extremis à Hafid, il était donc prêt à tous les compromissions.
Encore une créature des occupants, sans doute chassé par la colère populaire le
vieux Borgia de l’Atlas rentra le17 mars 1911 à Fèz. Bloquée à l’Ouest par Akka et ses amis, la ville
venait d’être investie à l’Est par les Aït Youssi descendus des hauteurs de
Séfrou, le plus beau jardin du Maroc. Encerclée, la ville d’Idriss était un camp
(mal) retranché. Mangin profita de la nuit pour laisser son camp de Tselfat au
commandant Brémond. Il retrouva un Hafid atterré. Il était trop tard pour se
soumettre.
64.
Le
"Commandeur des Croyants"
sauvé
par les
non-croyants !
Il aurait fallu se démettre, si le jeu des forces politiques
proprement marocaines avait joué seul. Mais ce Mangin réconforta le sultan aux
abois : depuis son arrivée à Fèz, comme chef de la mission militaire française,
il avait réussi à faire venir officiers et sous-officiers par petits paquets de10 ou 20. C’était plus discret à Paris comme à Fèz. Mangin avait rapidement fait
ses comptes. Il avait deux milles hommes de troupe, débris de la garde noire et
les mehallas du sultan, hommes de main de Madani El Glaoui et des grands féodaux
du Sud. Pas brillant. Pratiquement pas opérationnelles, les forces propres du
sultan étaient incapables de le protéger. Mais Mangin avait sa bonne artillerie
qui avait déjà débarrassé l’Alaouite de son rival Bou Hmara. Canons français (80 de montagne et 75 Schneider), servants français,
commandement français : le "Commandeur des Croyants" avait fière allure.
Dans un sursaut d’orgueil
malheureux Hafid lança « ses » troupes contre le camp d’Akka, le 26 mars
1911, sans
rien dire à Mangin. Hafid y perdit en moins d’une heure 40 tués, 50 blessés et
30 prisonniers. Akka et les siens qui n’avaient eu une égratignure
contre-attaquèrent derrière les fuyards à la dérive. Fèz n’était plus qu’à une
demi-heure de cheval !
Prévenu à temps, Mangin fit
tonner toutes ses pièces. La charge qui sans cela eût été irrésistible, se brisa
sur les obus de 75. L’artillerie française avait une nouvelle fois bien rempli
son rôle : elle sauvait le sultan des occupants. Jamais un sultan n’avait été humilié
à ce point : ses
prédécesseurs avaient été
dépouillés en rase campagne, il était le premier à être bousculé chez lui. Sauvé
le 2 mars 1911 par les obus de Mangin, il le fut encore le 9 mars.
Mais les rangs
des insurgés s’enflaient de jour en jour et la marée allait mathématiquement
submerger Hafid. L’existence de la monarchie n’était plus qu’une question de
jours, voire d’heures. «On ne lance pas une jeunesse à l’assaut du ciel »,
se défend Hassan II dans son unique livre et recueil de mensonges! Mais un peuple bafoué se lance tout seul à l’assaut d’une
féodalité anachronique, défendue par l’artillerie docile de la Troisième
République néo-jacobine juivée !
65. Avec
de l’or juif , le sultan réclama
une armée à cent pour cent coloniale !
Mangin fit rappeler Brémond qui surveillait
toujours les Chérarda sur le Djebel Tselfat. Et fraya un passage scabreux à
coups de canon. Hafid faisait massacrer ses "sujets" pour se protéger d’une
rébellion, inconsidérée sans doute et «romantique». Il envoya trois courriers
à pied - ses fabuleux «rekkas » qui peuvent parcourir 70
kilomètres par jour - dans trois directions différentes, le 27 avril 1911. Deux furent pris et massacrés par les insurgés
- mais le troisième se
faufila entre les tentes, les feux de bivouac et les sentinelles sans doute
endormies et parvint à Oujda où il déposa son message entre les mains de
l’autorité française : son maître « demandait instamment l’envoi de
troupes française » au gouvernement parisien. Le sultan reconnaissait à la face
du monde qu’il ne voulait même plus de ses propres troupes : la fiction de son
autorité s’effondrait.
Des conseillers militaires ne lui suffisaient
plus, c’est une armée cent pour cent coloniale qu’il réclamait « instamment » et
une intervention militaire étrangère, massive, car ses soldats n’obéissaient
plus à leurs instructeurs français, ce qui se comprend fort bien, même quand on
a servi un pareil maître, la faim au ventre, ils désertaient en masse pour
rejoindre les insurgés dont ils comprenaient les motivations : eux aussi
avaient eu des parents ou des amis razziés et molestés par le pouvoir makhzénien
alaouite. Ils
étaient des témoins des abus de pouvoir tous les jours.
Hafid n’avait plus un sou pour les nourrir et
comme le couvert et la maigre solde étaient la seule raison de leurs présences
après tant d’avanie, il n’avait plus rien pour les retenir. Les juifs faisaient
dorénavant leurs affaires directement avec les nouveaux propriétaires du pays,
les occupants français et et espagnoles, Le Glaoui refusait même de
lui avancer de l’argent pour régler les soldes et alimenter les popotes pourtant
frugales. Ainsi le Glaoui sciait vraiment la branche sur laquelle il était assis. Il
croyait sans doute que Hakka déroulerait le tapis rouge sous les babouches de
son auguste bourreau, quand il rentrerait dans le mechouar du palais en vainqueur et lui
jurerait une amitié éternelle. La cupidité conduit à une cécité politique totale. Finalement,
cette querelle de boutiquier besogneux fut réglée par un commerçant juif "français"
installé à Fez et qui manipulait son consul : le négociant juif qui trouvait son compte
au maintien du système accepta les traites de Hafid et donna de l’or garanti par
du papier.
L’armée du sultan put dîner et les désertions se maintinrent
à un niveau raisonnable, c’est-à-dire que le créneaux furent suffisamment garnis
pour éviter au petit peuple de Fèz la tentation d’ouvrir nuitamment la porte aux
assiégeants. L’armée alaouite restait à son poste pour faire de la figuration.
De l’or juif, des soldats français, la monarchie a beaucoup fait vraiment
pour l’indépendance nationale ! Malgré toutes les "réalisations
historiques" de Moulay Hafid, le makhzen d'aujourd'hui oublie de donner son nom
à des lycées, à des barrages, et à des grands boulevards comme il a fait pour
honorer la triste mémoire des autres potentats sultans voleurs alaouites! Les historiographes
officiels du du palais sont-ils donc amnésiques ?
66. La République "française" enjuivée a un goût
prononcé pour la monarchie chez les autres!
Le jeudi 4 mai, le
jeudi 11 et le jeudi 18, 1911, les insurgés escaladèrent les murailles. C’était un
travail de romain de la belle époque, pas un travail de cavalier. Ils n’avaient ni artillerie, ni sapeurs.
Trois fois, ils furent repoussés. Mais par trois fois, les cours du mechouar du
Palais où se terrait Hafid furent balayés par un déluge de feu. Malheureusement
pour les insurgés, les 10.000 hommes du général Moinier partis de Mehdyia (Kénitra)
fonçaient sur Fèz à marche forcée, Paris ayant entendu l’appel au secours du
sultan assailli par son peuple, et volaient à son secours.
Moinier devait
seulement « rétablir une situation normale à Fez » et se replier ensuite sur la côte
atlantique ; l’Allemagne fronçait déjà les sourcils. Nouvelle version du trop
fameux « l’Ordre règne à Varsovie ».
Mais la République française a un goût
prononcé pour la monarchie chez les autres : elle devrait pourtant
savoir!…
Mangin n’avait plus que cent
coups de 75 Schneider à tirer quand Moinier arriva au col du Zeggota, à quarante
kilomètres de Fèz, que l’on peut parfaitement apercevoir de là-haut. Déjà le
peuple de Fèz sympathisait ouvertement avec les insurgés à qui il ne manqua
que deux jours et une conscience politique plus affirmée pour réussir.
Si le
peuple de Fèz avait attaqué les mercenaires de
Hafid pendant que les insurgés escaladaient les
murailles, Mangin n’aurait rien pu pour son sultan pris au piège entre deux
feux.
Lorsque Moinier débouche du Zeggota, il était trop tard pour eux, et ils avaient appris
à se méfier de l’artillerie française : sous les murailles de Fès, il fallait
l’affronter poitrines nues. Boucherie qu’ils savaient inutile. Ils se
retirèrent. Au reste, le temps de la moisson était venu et ils n’avaient pas de
subside de l’étranger pour vivre, eux. Les soldats redevinrent paysans. Avec la
petite satisfaction de savoir que cette récolte ne leur serait pas volée par le
sultan, si
même leur récolte l’avait été par les forces de l’"ordre" de l'occupation française
"au service" de
Sa Majesté, laquelle n’avait jamais été aussi bien servie !
67. On n'en finit pas avec les querelles
de succession alaouites !
Moinier ne daigna pas même voir le fantoche qu’il avait
sauvé. Il lui rendit quand même un léger service avant de regagner Mehdyia. Il fit un crochet par Meknès pour aller déloger un frère de Hafid, Moulay Zin, qui s’était
proclamé sultan de la vieille capitale ismaélienne, gloire du fondateur de la
dynastie, stimulé sans doute par ce haut lieu de la puissance alaouite. Moulay
Zin finit en prison comme ses autres frères qui
avaient prétendu au trône avec la même naïveté.
Sauvée pour un temps du désastre
militaire, grâce aux canons et au matériel du maître de forge Schneider, la dynastie
alaouite sombrait
dans le ridicule de querelles de succession dignes du Bas-Empire.
On pouvait
compter les prétendant comme on compte les ministères en Italie :il fallait faire vite pour ne pas être en retard d’un nom.
Moinier
ayant occupé tout le devant de la scène, les occupants Espagnols se rattrapèrent de leur
cuisant échec du Rif en faisant du tapage en coulisses : ils s’emparèrent de Larache et de Ksar el Kebir (triomphe des Saadiens contre les
Hispano-portugais).
Il était tellement plus facile de s’emparer d’une ville
tenue par le sultan que d’une région défendue par ses paysans.
Les
Allemands envoyèrent à Agadir un croiseur dont les troupes protègeraient
d’autant mieux les « intérêts allemands » qu’il n’y avait pas de sujets
allemands du
Kaiser à Agadir. Mais il fallait faire quelque chose et ne pas se présenter les
mains vides lors des très proches négociations franco-allemandes.
Effectivement
Berlin échangea l’opposition à la politique française au Maroc contre une
rectification de frontière au long du son territoire du Cameroun, après de longs
palabres.
68.
Face au Maroc vaincu, le victorieux Hafid:
" Je suis le plus français des
Marocains"
Lorsque les Français occuperont
Fèz le 21 mai 1911, comme nous le voyons plus loin,
les Allemands entreprirent de s’opposer à la politique coloniale française en
envoyant le 1er juillet la canonnière « Panther » devant Agadir ; ce qui démontre l’incapacité du
sultanat de voir quel était son allié possible contre l’expansion française.
La France avait
les mains totalement libres au Maroc. Et ses soldats qu’Hafid
avait appelés à son secours n’étaient pas prêts d’en repartir.
Hafid allait s’en apercevoir à ses dépends malgré sa soumission servile à
l’égard de Paris. Il allait se faire cracher comme un noyau de cerise.
Les Allemands avaient fait beaucoup de bruit pour rien, puisqu’ils signèrent, le
4 novembre 1911, une convention avec la France qui accordait à Paris le droit d’être
porte-parole du Makhzen alaouite auprès des Grandes Puissances. Berlin
abandonnait la partie : le sultan n’avait pas même eu l’idée d’exploiter les
rivalités entre les Grandes Puissances. S’il avait eu l’idée, il n’aurait pas eu
la volonté. Il était totalement obsédé de mataer les révoltes de ses frères et
de piller les pauvres marocains! Échec total qui n’empêcha pas Hafid
d’appeler son dernier fils "El Moujahid", (c'est-à-dire "le combattant de la Guerre Sainte"!), et de
se surnommer lui-même, "El Ghazi", le victorieux dans sa guerre contre son
peuple! C'est de là qui est venu l'expression rituelle des médias alaouites
récitée, après le nom du sultan: "nassarahullah", qui veut dire: "qu'il soit
victorieux", (sous-entendu: contre ses "sujets"!).
Hafid le victorieux était
tellement décidé "à se battre" qu’il reçut très vite l’envoyé spécial du journal
« Le Temps »
le juif F.Weisberger, alors qu’il faisait attendre des semaines des
ambassadeurs, pour lui expliquer et lui faire répéter que: le plus français
des Marocains, c’était lui, le "Commandeur des Croyants":
« Mon désir le plus
sincère est de marcher la main dans la main avec la France, mais je suis entouré
de gens malfaisants qui ont intérêt à me brouiller avec la France » (sans
doute les Rifains et le peuple en armes contre l’invasion). « J’apprécie à
leur juste valeur les services que me rend votre mission militaire. »
69. Hafid: figurant et pièce de décor
C’était en Mars 1911. Et ce n’était pas un lapsus,
quelques mois plus tard Hafid "le victorieux" recevait le même juif
Weisberger (24/12/1911), son haut-parleur préféré, pour lui
dire combien il était décidé à aller jusqu’au bout …de sa collaboration avec les
occupants français. Il commença par faire l’éloge le plus dithyrambique du commandant
Mangin. Normal : Mangin l’avait sauvé du désastre puis du ridicule. La grande
fête de l’Aïd El Kebir avait été complètement boycottée par "ses sujets" :
le mechouar du palais aurait
été vide si Mangin ne l’avait fait occuper par ses troupes "chérifiennes" new-look
dont les beaux uniformes tout neufs avaient été fournis par la mission militaire
française, tout exprès pour la circonstance. L’armée d'occupation française s’occupait même
du décor et fournissait des figurants mal salariés. Hafid "le victorieux" tenait absolument à ce que la France
sache combien il lui était infiniment reconnaissant. Il termina l’entretien avec
juif Weisberger en
disant :
«
Je suis fermement décidé à profiter du précieux concours de votre mission
militaire pour réorganiser mon armée, réorganisation qui est elle-même la base
de toute réforme fiscale. Je réussirai, si la France veut bien m’y aider. »
Hafid et les Alaouites n’avaient décidément pas changé :
l’armée n’était que pour la perception des impôts poursuivie par d’autres moyens.
Hafid voulait ignorer que même les notables repus ne voulaient plus de
lui. L'occupation étrangère voulait se camoufler sous des jillabas locaux
planifiait déjà à formes ses cadre locaux et la bourgeoisie fassie avait choisi : elle envoyait ses fils à la toute nouvelle
école français qui avait eu 18 élèves dès le jour de son ouverture en
janvier 1910 et qui en comptait 80 à la fin de l’année. Tous fils de "Chorfa" et de gros négociants. Evidemment il y avait 70
élèves à Rabat.
Les confrères suivaient. Les occupants n’auraient pas de problème
de ce côté là non plus.
Havid: Le vainqueur |
|
Hafid à Casablanca:
"Le commandé des non-croyants" |
70.
Hafid - qui réclame plus des
forces
étrangères pour mater ses "sujets" - déclare:
"c’est à l'occupation
que je dois mon trône et ma vie"
Le makhzen
- nouvelle vielle version - et la bourgeoisie locale faisaient leur lit
en espérant qu’on voudrait bien le trouver digne de l’Occupant !
Il fallait très
vite parler le langage des vainqueurs.
Hafid, qui
n’avait toujours pas osé quitter son Palais depuis la révolte, reçut à nouveau
l’envoyé spécial juif du « Temps ». Les temps ont changé, c’est vrai, son petit-neveu
insulte les journalistes pris de gêne, pendant les conférences de presse. Le
sultan sans « royaume » avait besoin de la presse pour réclamer une intervention
militaire accrue. Il lui fallait un solide corps expéditionnaire français qui
prenne des responsabilités d’armée d’occupation pour mater ses sujets.
En "défenseur de l’intégrité du territoire", voici ce qu’Hafid déclara à ce Weisberger
qu’il avait fait venir d’urgence, texte qui mérite de figurer dans une
anthologie de la platitude à laquelle la monarchie alaouite apporte décidément
une belle contribution : « J’exprime à la France ma profonde gratitude pour ce
qu’elle vient de faire pour moi. J’étais dans la détresse et je l’ai appelée à
mon secours : elle a entendu ma voix et ses soldats sont venus me délivrer.
Monsieur Gaillard (représentant de la France à Fèz) a été mon plus ferme soutien aux heures d’angoisse et
je n’oublierai jamais que c’est à ses sages conseils, à l’énergie de la mission
militaire et à l’arrivée bénie du général Moinier que
je dois mon trône et peut-être la vie. »
Fermez le ban ! Le peut-être
est de trop. Poussés à bout par deux siècles et demi de tyrannie alaouite, les
Marocains révoltés ne se seraient pas contentés de promesses et de vague
repentir…comme à l’accoutumée. Quoiqu’il en soit, le texte est accablant de
servilité, mais d’une franchise absolue : il prouve que la monarchie alaouite
n’a pas retardé ou atténué l’occupation étrangère, elle l’a suscitée !
71. Les
occupants ont mécanisé et protégé le
pillage makhzénien des paysans marocains
C’est vrai que les
envahisseurs étaient à la porte
du Maroc affaibli par des siècles de la mauvaise gestion alaouite. Mais c’est le sultan qui l'a leur a ouverte toute grande. Si le
peuple marocain n’avait pas été trahi par les sultans alaouites, les
envahisseurs étrangers auraient
dû escalader les murailles pour réussir leur hold-up et, au créneau, ils auraient
rencontré huit millions de résistants marocain. Hafid leur a permis de réussir leur coup en douceur, pour
eux. Et comme dans toute histoire de truands, les complices partagent et tentent de se
rouler mutuellement. Ce qu’on va voir très vite.
Contrairement à ce que prétendent les occupants dans leur propagande
colonialiste, leur occupation n’a pas été - pour le peuple marocain - synonyme de justice
ou de suppression des exactions. L' occupation a "mécanisé", armé et renforcé le
makhzen pourri et féodal. Les « fonctionnaires » de Fèz et les caïds nommés par le sultan profitaient du
parapluie des occupants pour presser le citron : leurs victimes ne pouvaient même
plus se révolter, l’artillerie des occupants était objectivement au service des
détrousseurs! Le pillage des paysans marocains reprenait - avec plus d'"efficacité"
- sur une grande
échelle, servis et couvet par les canons 75 Schneider des occupants.
Cette couverture et cette protection n’étaient évidemment pas gratuites. L’alliance
indéfectible qui liait monarchie alaouite rétrograde et république colonialiste
enjuivée
était une amitié intéressée.
Pour garder son trône au mépris de la souveraineté
nationale populaire et de sa volonté clairement exprimée, Hafid
avait promis de signer aussitôt un traité de "protectorat" qui « laisserait
les mains libres » à la France, selon le mot tristement exact d’un de ses
diplomates. On ne saurait mieux dire.
72. Hafid
vend le Maroc pour un milliard de francs
actuels et
un voyage à Paris sans billet de retour
!
Hafid
fit traîner les choses, et ce n'est pas par scrupule nationaliste,
car nation et trône s’excluent l’un l’autre, et les mots « peuple » et
« nation » ne figurent pas dans le vocabulaire ou dans l'idéologie des traîtres
alaouites, mais
parce qu’il voulait faire monter les prix. Il fallut six jours de
mijotage pour fixer le montant des quarante deniers de Judas. La grande
et généreuse France occupante offrait même à son laquai associé - avec un « viatique
considérable » - un voyage à Paris. Voyage sans billet de retour.
Hafid en France
dans ses congés payés
Pour ces
congés payés définitifs, la France avait donné un million de francs or. Un petit
milliard de nouveaux francs actuels. Une broutille pour une nation riche et
industrialisée. La république avait le sens des affaires : elle achetait pour
une bouchée de pain un nouveau grenier à blé !
Sachant très bien que sa
forfaiture serait mal accueillie par le peuple, Hafid
avait mis une condition : il voulait se sauver en même temps que l’ambassadeur
de France et ne pas rester seul une minute au milieu de ses "sujets". Et il
fallait que la date de son départ restât rigoureusement secrète.
Hafid ne voulait pas mourir à la tâche !
La certitude de l’impunité transforma le sultan.
Pendant toutes les négociations, il était tendu, sombre, inquiet.
Le traité signé, il redevint « enjoué »
et ne pensa plus qu’à faire ses malles et à s’amuser comme son frère Abdelaziz.
Il s’en sortait admirablement bien. Atterrée, la population qui ne pouvait croire à une telle trahison, s’efforçait de se rassurer et imaginait que le
sultan allait en Europe pour coaliser enfin les Grandes Puissances contre la
France ou bien qu’il faisait semblant de quitter Fèz
pour mieux rouler les Français et se mettre à la tête d’un mouvement de
libération. Ce qu’un représentant légitime de la nation aurait fait.
[Quarante-deux ans plus tard, en 1954, la population marocaine croyait - aussi -
voir Mohamed V faire de la "résistance"... sur la lune!]
73. Un sultan alaouite ne
prend pas le maquis...
Notre
naïve population s'est souvent trompé sur les rusés alaouites. La réalité, en
fait, est qu'un sultan alaouite ne
prend pas le maquis, sauf s'il le prend à
Paris ou à Tel-Aviv ! Il part avec la caisse en laissant son peuple
désemparé.
La date du départ du sultan et de
l’ambassadeur ne fut bientôt plus qu’un secret de polichinelle - c’est le mot !
Il y avait trop de journalistes parisiens pour couvrir ce « triomphe » de la
diplomatie française, cette revanche de Fachoda et des déboires coloniaux.
Toute
la région de Fèz était au courant.
Un paysan des Ouled Youssef alla même trouver un des membres de la mission
militaire française qu’il avait reçu fort courtoisement à titre privé dans son village du
Zerhon.
-
Alors, tu pars bientôt ?
- Je ne sais pas, répondit prudemment l’autre.
- Moi, je sais. Tout le monde sait bien que le sultan et le
bachadour
(ambassadeur) vont partir le 17 avril.
- Comment le sais-tu ?
- Nos caïds savent. Toutes les tribus du Saïs et les Béni
Mtir vont se regrouper pour reprendre au bachadour
son acte de vente. Je ne connais pas de « mot »
historique plus juste et plus émouvant.
74.
Un
sultan alaouite vend son pays !!
Pour le peuple marocain, le traité de
"Protectorat" était un acte de vente : « Je, soussigné Hafid le victorieux, certifie vendre ce jour, 12 avril
1912, mon royaume à la France, moyennant le versement comptant et en espèce d’un
montant de quatre millions de francs. »
La France avait acquis le Maroc en toute
propriété déguisée pour deux fois moins cher qu’elle n’avait achetée la Corse au
Génois150 ans plus tôt. Le Maroc était acheté. Mais les Marocains n’étaient pas
à vendre. Le sultan et l’ambassadeur les avaient oubliés pour la signature. Ils
allaient se charger de le leur rappeler!
Le commandant Bremond
courait dans les rues de Fèz. Ce n’était pas son genre
pourtant. Ceux qui le connaissaient bien savaient que même sous une grêle de
balles, il ne quittait pas son éternelle cigarette. Il serait mort la cigarette
au bec et un certain sourire aux lèvres. Un
beau soldat comme on dit dans les citations à titre posthume et qui faisait
correctement son métier de soldat étranger, au service du sultan. Il avait reçu
des ordres venus de Paris et les appliquait à la lettre.
Ce 17
avril 1912, en
fin de matinée, il dévalait les rues en
pente
de Fèz, vers
le palais du Glaoui qui hébergeait quelques-uns des
représentants les plus en vue de la « colonie » française. Essoufflé, il pénétra
dans le patio où ses concitoyens attendaient paisiblement l’heure du déjeuner,
en flânant auprès de la fontaine. La vie coloniale et son charme créole. Dès
qu’ils le virent, la promenade se figea, si Brémond courait, c’est qu’il se passait quelque chose. Brémond leur jeta seulement : « Deux tabors se révoltent,
massacrent leurs instructeurs. Ils seront là dans un quart d’heure.
Armez-vous ! »
Il était déjà reparti
organiser la défense. Je veux dire celle du sultan. Les Français qui ne voudront
pas mourir pour Dantzig, n’hésiteront pas à mourir pour une crapule d'autocrate qui vendait
tout un peuple pour un million.
74.
Un
sultan alaouite vend son pays !!
Fèz s’enflamme brusquement. Tout a commencé à onze heures du matin dans
la cour du mechouar du palais, au cour de l’inspection
des Tabors. La mauvaise humeur couvait depuis qu’ils avaient appris qu’ils
devraient porter un sac, ce qu’aucun guerrier digne de ce nom n’avait jamais
fait. Le sac, c’est un bât
بردعة et le bât c’est bon pour les bourricots. Et les
soldats avaient pu voir les sacs d’infamie stockés dans de grandes caisses en
bois, à claire voie, entassées dans
la cour du mechouar.
Quand ils en avaient
parlé chez eux, car la plupart étaient mariés, on s’était moqué d’eux... On se moquait depuis plus longtemps de leur docilité
envers leurs instructeurs français. Le peuple de Fèz,
le petit peuple laborieux et dépouillé n’acceptait pas de voir le makhzen aux
mains des étrangers et son sursaut nationaliste devant les bassesses de Hafid avait commencé par atteindre et remuer les soldats du
sultan, de pauvres bougres que la nécessité avait poussé à accepter une
mini solde de cinq billions par jour (1 franc par jours) et que les hasards de
la sale guerre alaouite rendaient cruels. En contact quotidien avec l’opinion
publique, la petite armée alaouite partageait finalement les rancœurs et les
dégoûts des marocains qui
refusaient l’acte de vente.
Ce matin, 17 avril 1912, dans la cour du méchouar, l’humeur était plus que morose, sombre : les sacs,
les inspections et puis tout d’un coup cette détestable, nouvelle insensée...
inacceptable. Le capitaine leur apprenait que dans leur intérêt, on
portait la solde à six billions, mais qu’on leur en retiendrait la moitié, puis
les deux tiers pour financer l’ordinaire.
L’autorité trouvait que les
soldats se nourrissaient mal, un bon soldat, pour être efficace, doit être bien
nourri et que désormais, la France se chargeait aussi de la popote. Les pauvres
soldats ne retinrent qu’une chose : leur solde diminuait de moitié et plus.
C’était une atteinte insupportable au contrat signé avec le sultan. Des murmures
coururent dans les rangs. Puis des cris.
La troupe était excédée depuis
trop longtemps. Ce fut une vague de protestation qui s’enfla. Un ras le bol. Un
coup de fusil éclata, parti , on ne sait d’où. Tous les
fusils partirent en salve. Deux officiers français tombèrent.
Les soldats choisirent des
délégués pour aller demander justice au sultan, c’était toujours lui le maître,
c’était avec lui qu’ils avaient traité en s’engageant. Hafid,
qui faisait ses malles, les reçut cavalièrement, leur conseilla de se réfugier
dans la mosquée Moulay Abdallah et les planta là. Il s’en lavait les mains !
La délégation revint les
mains vides et les tabors insurrectionnels se répandirent en ras de marée
tumultueux dans la ville surchauffée, suivis bientôt
de toute la population qui, elle aussi, voulait reprendre l’acte de vente.
La révolte va durer trois jours. Très vite la section d’artillerie du commandant
Fellert, en position sur les hauteurs du Dhar Mahrez, bombarde la ville et « nettoie » les terrasses où
les femmes appelaient à la révolte. Le commandement français rameute ses
bataillons qui encerclent la ville et commencent à prendre d’assaut Bab Fetouh, la porte violette où
nichent les hirondelles. Des renforts arrivent de Meknès dans la nuit. La révolte, totalement viscérale,
absolument inorganisée, ne pouvait tenir longtemps. Elle s’étiola, faute de
directives politiques, devant la force de feu de l’armée de l'occupation, aidée par les
notables fassis qui voulaient voir régner l’"ordre" le
plus vite possible. Ce sera fait le 20 avril 1912 au soir.
76. Hafid émergea de son état de
vie
végétative pour condamner les révoltes...
Lorsque les Français vont
annoncer "la bonne nouvelle" au sultan, ils le trouvent
effondré sur un tas de ballots, dans un de ses grands magasins. Il ne dit pas un
mot. C’était pourtant à cause de lui et en son nom que des milliers de fassis étaient morts. « De la petite espèce », disait
un autre autocrate, en regardant les cadavres de ses soldats morts dans l'une de
ses batailles. Phrase ignoble
que l’Alaouite ne prononce pas même, mais qui est
sienne depuis toujours. Il ne sortira de son trou à rats que pour prendre le bateau qui l’amènera enfin vers la France.
Il ne pense
qu’à ça. Hafid n’émergera de son état de vie végétative
que pour condamner les révoltés. Le Vendredi qui suit la répression, il fait
lire le message suivant, chef d’œuvre ignoble de la littérature de
collaboration et de la trahison. Il aurait pu, au moins, se taire. Mais il était prêt à tout pour
satisfaire ses amis occupants de son pays : il avait tellement envie de partir.
Pour dénoncer les résistants et légitimer l'occupation, Hafid reprend
- en " commandeur des croyants" - le vieux rituel chantage hypocrite à la religion, s’en servant
exclusivement de façon passéiste et machiavélique, pour ses intérêts personnels
et celles des occupants. Rien n’a changé
dans cette cour ressuscitée par les troupes de l'occupation du général Moinier.
Voici ce que dit Hafid dans sa scandaleuse "fatoua": « En agissant ainsi, c’est contre Dieu que sont
insurgés les meurtriers et les instigateurs... »! « Ne saviez-vous pas que les
Européens vivaient dans la paix de Dieu et sous sa garde ? »
Ainsi le sultan fait d’une
révolte armée contre l’envahisseur, un "crime" contre la Foi. Manipulation qui
aurait dû totalement disqualifier son auteur, ses descendants ainsi que tout le système monarchique
qui a enfanté sa trahison et sa pourriture.
77. Le sultan ordonne aux Marocains
de combattre pour les occupants !
Hafid
continue de "commandeur des croyants" : « Votre devoir était de combattre pour eux (les Français),
alors même que l’issue de la lutte eût été avantageuse pour l’Islam. »!! C’est de
la haute trahison à l'alaouite!
Ainsi, le sultan ordonne aux Marocains de se faire les complices des
occupants de leur pays au cours de la lutte, même si la révolte réussit.
Quand pense que
certains Rifains pensaient obtenir
des secours du sultan! La crapule traître de Hafid les aurait plutôt jetés en prison.
Le seul combat à
mener pour l’Alaouite:
C’est le combat aux côtés des Français, contre les patriotes marocains.
C’est justifier les goums et légaliser la guerre civile qui
fera le bonheur des forces d’occupation.
C’est - aussi le terme ultime de la
technique du pouvoir alaouite - : la division parfaite de la nation en deux
camps:
D’un côté, les « mauvais », ceux qui refusent l’annexion mentale et
politique.
De l’autre, les « bons » qui aident au bradage du pays. C’est
toujours le trône contre la nation.
La lettre du sultan est une
ignominie inutile. Le pouvoir "sultanien" n’existait
plus. Pas même à l’état de trace. Ses troupes étaient désarmées et gardées à vue
- comme des chiens de garde -
dans les casernes bouclées par les forces françaises d'occupation. L’insurrection avait été
noyée dans le sang mais les motifs de la révolte demeuraient et les grandes
masses des tribus étaient prêtes à fondre sur le roitelet apeuré et sa garde
étrangère.
Le camp français n’était pas
homogène et un sultan digne de ce nom aurait pu en jouer.
Le général Moinier voulait faire comme les juifs occupants font
aujourd'hui en Palestine occupée: frapper fort, exercer des représailles - qui
ôteraient aux résistants Marocains la volonté de continuer la résistance - et
pressurer financièrement la ville.
Regnault (qui faisait fonction de résident général, le vrai pouvoir colonial au
Maroc) ne voulait pas que l’on taxe « la partie saine de la population »; autrement dit la
bourgeoisie fassie
« qui avait pris une part active au rétablissement de l’ordre. »
78.
Lyautey voulait imposer au Maroc la
monarchie qui a échoué en France !
La situation était tellement tendue et le moment tellement propice à un
soulèvement général
(en quelques heures, le sultan - s'il était un
résistant - aurait pu rassembler 60.000
hommes ultra combatifs pour écraser un corps expéditionnaire de 6.000 hommes qui
n'osait pas quitter la ville souricière.)
Comme en 19144 ! On ne choisirait pas entre Moinier
- la - terreur et Regnault - le - ménager des
« élites » locales. Paris les évincerait tos les deux, et décida d’instaurer un commandement unique.
Le 27 avril 1912, Poincaré
faisait du général Hubert Lyautey (2) le premier commissaire
résident général de la république française au Maroc. C’était un monarchiste
convaincu, partisan de la toute puissance de l’administration et du centralisme,
comme la tradition monarchiste et républicaine jacobine des Français, pendant
plusieurs siècles, l’avait imposé aussi à l’ Europe
rétive et maintenant il ont l'occasion de l'imposer dans ce terrain d’expérience
colonial qu'est devenu le Maroc. C’était donc
l’homme du moment, le maître de l’heure.
Il débarqua à Casablanca le 13
mai 1912, avec plusieurs bataillons
commandés par le colonel Henry Gouraud
(3), autre futur grand homme de
l'occupation françaises au Maroc.
Faire carrière aux colonies était encore le seul moyen de se
faire remarquer par le ministère de la guerre et l’opinion publique
ultra chauvine en France. Lyautey arriva à Fèz le 24
mai 1912 à 5 heures
du soir. « Il n’était pas bon à prendre avec des pincettes. » Il se sentait
coincé dans Fèz, coincé entre des informations
contradictoires : tout est calme, on vit sur une poudrière. Le 25 mai, il prit le
thé avec le sultan Hafid et dîna le soir chez Regnault qui s’était installé dans le palais des
Glaoui. Lyautey se retira de bonne heure, toujours de
mauvaise humeur.
A dix heures du soir, une fusillade, nourrie mais
dispersée éclata. Les tribus attaquaient. Malheureusement pour elles la lune
était trop belle et le canon put tonner toute la nuit. Ils durent renoncer au
matin, en amenant leurs morts, et bien qu’ils soient parvenus en deux endroits à
pénétrer dans la ville. Ils revinrent à la charge le soir et foncèrent au cœur
de la ville en utilisant astucieusement un bras de l’oued Fèz. La ville basse est le patio du palais Mnebhi ( l’ancien vizir de la
guerre d’Abdelaziz ).
Tous ces documents importants qui ne doivent en
aucun cas tomber entre les mains de l’ennemi. Un bidon d’essence est posé tout
près. Il n’y a plus qu’à mettre le feu en cas de déroute. Les occupants français ne
fermeront pas l’œil de la nuit. Mais, au matin, la ville basse libérée est vide.
Épuisés par des pertes très lourdes et
scandalisés par l’inertie de la ville qu’ils espéraient
normalement voir se joindre à eux, les combattants se sont retirés sur les
hauteurs qui dominent Fèz. Ils savaient que les canons
de Lyautey étaient pointés vers la ville basse et que les artilleurs avaient
reçu l’ordre d’ écraser la ville sous les obus.
Lyautey ne voulait pas courir le risque d’un combat de rue et ils
n’en avaient pas les moyens. Ils préféraient raser la ville et ensevelir les
résistants sous les ruines. Ils ne tombèrent pas dans le piège. Mais autour de
la seule porte de Bab Guiça ils
laissèrent mille morts hachés par la mitraille et les éclats d’obus tirés
presque à bout portant.
79. Le
peuple résiste, le sultan invite
les envahisseurs au déjeuner...
Hafid
offrit un superbe déjeuner à ses sauveurs, Lyautey et son fringant état-major ;
soudain entendit-on nettement les claquements secs des fusils Lebel ,
mais le déjeuner tourna court. Les avant-postes français qui flanquaient la
ville à l’Ouest étaient attaqués.
Le sultan Hafid, commandeur des
croyants, invite les occupants
Plus le sultan se soumettait
et plus ses "sujets" se mettant
« hors la loi » se battaient.
Toute la région nord de Fèz se soulève contre les occupants et leur valet Hafid.
Cette fois
ils ont un chef, El Hajjami. Mais ils n’ont toujours pas d’artillerie et ne
peuvent se battre à armes égales en rase campagne. Lyautey le sait qui prévient
leur attaque sur la ville même, en projetant en avant une forte colonne
commandée par le colonel Gouraud : 5 bataillons, 9 pelotons de cavalerie, 3
sections montées de 75 et 3 sections d’artillerie de montagne !
7000
hommes, pratiquement le 1/3 des forces d’occupation. A 6 heures du matin, ce 1er
juin 1912, l’artillerie, soleil levant dans le dos, a tout son temps pour « prendre
contact » avec l’avant-garde d'El Hajjami qui marchait sur Fèz.
Gouraud était sorti juste à temps. L’avant- garde se replie. Gouraud progresse.
A dix heures il se heurte au gros des forces de El Hajjami : environ 12.000 cavaliers. L’artillerie se remet en
batterie. C’est l’enfer pour les tribus qui chargent groupées autour de leur
bannières déployées, étincelantes au soleil déjà haut. Pour les occupants français
incrédules, c’est Reichshoffen à l’envers 40 ans plus tard. Les canons de 75 mm crachent la
mort comme à la parade, rasant des vagues entières de cavaliers résistants.
Les
survivants se regroupent, se lancent à nouveau « à l’assaut du ciel » pour
échapper à l’enfer de l’occupation, et se brisent les reins sur ces canons de 75
mm
qui viendront trois ans plus tard à bout de l’impériale armée allemande… Ces
folles vagues de courage qui déferlent sur le rocher de l’équipement le plus
moderne du temps égratignent à peine les rangs français : 10 morts et 28 blessés
en uniforme. Et en face des milliers de morts en burnous roulés dans la
poussière qui gênent même par leur nombre la furie des derniers attaquants que
la mort attend, mais qu’elle n’effraye point.
80. Des braves hommes qui défendrent leurs
terres ou des ‘fanatiques’ terroristes? !
Dans une situation analogue, le roi de Prusse avait au moins dit des
cuirassiers français qui chargeaient l’artillerie allemande avec le même fol
héroïsme des hommes de El Hajjami : « Ah, les
braves gens ! » Comme les français face aux allemands, les moujahidines d’El
Hajjami se battaient pour défendre leurs terres, mais pour l’État-major
d'occupation
française fier de sa trop inégale victoire, ce n’était que des
‘fanatiques’, des ‘terroristes’ !
Dans le camp ravagé par les bombardements
Gouraud eut la surprise de trouver dans les archives personnelles d’El Hajjami « un ordre d’attaque de Fèz très logiquement conçu » chaque confédération de tribu
avait un secteur précis qui lui était assigné comme objectif. L’état du « rôle »
permit de constater que toutes les tribus, du Rif au Moyen Atlas, de Taza à
Meknès, étaient représentées. C’est le peuple entier qui s’était soulevé.
Ce sont les représentants de
toute la bourgeoisie qui accueillirent Gouraud lorsqu’il rentra à Fèz : la classe des marchands ne voulait pas être la
dernière à féliciter le colonel de l’avoir si bien débarrassée de ces empêcheurs
de commercer en rond.
Le lendemain, le colonel
Gouraud devenait le plus jeune général de l’armée française à 46 ans (alors que
Philippe Pétain, à la veille de la guerre, n’était encore que colonel à 59
ans !) On faisait de bien jolies carrières aux « colonies ». Les morts de Sidi Yacoub firent gagner beaucoup de temps au colonel. C’était
évidemment très stimulant pour les autres officiers supérieurs. Exactement,
comme pour les officiers juifs de l'occupation sionistes d'aujourd'hui en
Palestine occupée, 5000 cadavres de
« fanatiques » musulmans valaient deux étoiles. L’avancement était coté sur le champ de
bataille.
Ahmed Rami
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