Bilan de l'affaire Garaudy/abbé Pierre
(janvier-octobre 1996)
L’affaire Garaudy a commencé en janvier
1996 et celle de l’abbé Pierre en avril de la même année. Les
deux affaires, confondues, ont occupé une place importante dans
les médias jusqu’à la rétractation de l’abbé Pierre, annoncée le
23 juillet. Leur retombée principale est constituée par deux
articles de l’historien Jacques Baynac publiés le 2 et le 3
septembre dans Le Nouveau Quotidien
de Lausanne.
Il est regrettable que Roger Garaudy et l’abbé Pierre n’aient
pas manifesté plus de courage. Dès qu’en France, la tempête
médiatique s’est levée, ils ont commencé à battre en retraite.
Leurs moyens financiers et les multiples appuis dont ils
bénéficiaient depuis des années à l’étranger leur ont permis,
pendant un certain temps, de s’absenter de France, l’un pour les
pays arabes et l’autre pour l’Italie et la Suisse. On ne leur en
tiendra pas rigueur. Il faut savoir la violence de ces tempêtes
; les plus vigoureux y prennent peur ; à plus forte raison, des
hommes de leur âge. Jusque-là, tous deux avaient connu, dans
leur vie respective, quelques rudes épreuves. Ils savaient ce
qu’est la haine, d’autant plus que, l’un comme l’autre, ils
avaient, pour leur part, pratiqué la haine de l’ennemi. R.
Garaudy a, en effet, longtemps considéré les anticommunistes et
même les antistaliniens comme des sous-hommes et l’abbé Pierre
a, dans son activité politique, fait la preuve d’un remarquable
manque de charité à l’égard de ses adversaires. Mais, enfin, la
vie avait fini par choyer ces deux hommes. Or, là, soudain, en
1996, le ciel leur tombait sur la tête. Et, manifestement, ils
en étaient, au plein sens du mot, atterrés.
La
première édition du livre de R. Garaudy
En décembre 1995, Pierre Guillaume,
responsable de la revue La Vieille
Taupe, publie, de R. Garaudy,
Les
Mythes fondateurs de la politique israélienne.
Il le fait avec toutes sortes de précautions, pour éviter les
foudres de la loi Fabius-Gayssot (ou
lex Faurissonia).
Le livre est vendu hors commerce comme un « bulletin
confidentiel réservé aux Amis de la Vieille Taupe » ; alors que
toute la partie révisionniste du livre est faite d’emprunts
manifestes à mes propres textes, mon nom est soigneusement évité
; il n’apparaît qu’une fois
[1],
et encore seulement comme celui d’un professeur victime de la
répression antirévisionniste mais sans qu’on sache au juste
pourquoi : ni un livre, ni un article de ce professeur ne sont
cités.
Les considérations religieuses et
politiques du livre de R. Garaudy peuvent froisser certains
adeptes de la religion juive et la plupart des sionistes ;
mais les pages qui déchaînent, en France d’abord, puis, dans une
bonne partie du monde occidental, l’ire des organisations juives
et des médias sont les quelque soixante-quinze pages
d’inspiration révisionniste qui occupent le cœur de l’ouvrage [2].
Elles portent sur « le mythe de la justice de Nuremberg », sur
la « solution finale », sur « les témoignages », sur « les
procès », sur « l’arme du crime » (c’est-à-dire les chambres à
gaz nazies) et sur « le mythe de l’Holocauste ». Sur les
chambres à gaz, cœur du cœur de ce sujet brûlant, l’auteur
exprime son doute « et même [son] scepticisme » [3].
Ces soixante-quinze pages ont été écrites hâtivement ; elles se
composent de pièces disparates ; l’exposé est plutôt décousu ;
les négligences foisonnent ; il y a aussi des erreurs, notamment
sur David Irving qui, l’auteur aurait dû le savoir, ne peut
servir de référence ni sur l’ « Holocauste » puisque D. Irving
n’a jamais étudié le sujet, ni sur le
Journal
d’Anne Frank puisque l’historien anglais n’en a jamais fourni la
moindre analyse et qu’il est allé jusqu’à prendre à son compte
la rumeur, fondée sur une grossière méprise, selon laquelle le
livre avait été écrit par un certain Meyer Levin !
Mais, tel quel, avec toutes ses insuffisances, le livre de R.
Garaudy ne pouvait qu’inquiéter les organisations juives, qui
n’avaient déjà que trop tendance à voir des révisionnistes
surgir de partout et qui découvraient là un homme dont les
opinions politiques – il avait été un apparatchik stalinien des
plus orthodoxes – ne pouvaient tout de même pas être qualifiées
de fascistes. R. Garaudy avait aussi été protestant, puis
catholique avant de devenir musulman dans les années
quatre-vingt et, à ces divers titres, il s’était montré un
adversaire de tout racisme.
La
seconde édition remaniée
Le Canard enchaîné
et Le Monde
ouvrent le feu en janvier 1996. Des
organisations antiracistes portent plainte. Une bonne partie de
la presse française et de la presse internationale se fait alors
l’écho de « l’affaire Garaudy ».
Le 11 mars, P. Guillaume, agissant pour le
compte de R. Garaudy, s’efforce d’obtenir de son imprimeur
habituel l’impression – qu’il avait annoncée dans le bulletin de
La Vieille Taupe – d’une édition, publique cette fois-ci, des
Mythes fondateurs de la politique
israélienne. Pour une raison que
j’ignore, l’imprimeur refuse le travail. C’est alors que R.
Garaudy décide de publier son ouvrage en samizdat.
Le 3 avril, P. Guillaume remet au « dépôt
légal » un exemplaire de ce samizdat. Doté d’un avant-propos
ainsi que d’une annexe contenant, en particulier, une liste des
ouvrages du même auteur improprement appelée « bibliographie »,
le texte original a été remanié de manière à en atténuer le
caractère révisionniste. Mais rien
n’indique au lecteur qu’il s’agit d’une édition remaniée.
Des passages ont été retranchés, d’autres ajoutés, d’autres
enfin récrits. Dans les pages 119-120 de la première édition,
neuf alinéas avaient été consacrés à la politique de silence ou
à la persécution subies par les principaux révisionnistes ; et
c’est là, comme je l’ai dit plus haut, que mon nom figurait pour
une seule et unique fois avec ceux d’Arthur Butz et de Wilhelm
Stäglich ; dans les pages 134-135 de la seconde édition, ces
neuf alinéas disparaissent pour laisser place au récit des
tribulations, en vérité bien légères, vécues par l’auteur
lui-même, d’abord en 1982-1983 pour une prise de position en
faveur des Palestiniens et, en ce début de l’année 1996, pour la
publication des Mythes fondateurs
en livraison hors commerce de la
Vieille Taupe. Les noms de Butz, Stäglich et Faurisson
disparaissent totalement du livre. Quant au nom de Serge Thion,
il n’apparaît ni dans la première ni dans la seconde édition, ce
qui, pour un ouvrage révisionniste publié par la Vieille Taupe,
constitue une anomalie.
Dans la première édition, R. Garaudy avait opté pour
l’orthographe de « médiat[s] » avec un « t » (signe de
ralliement des révisionnistes amis de la Vieille Taupe, avait
décrété P. Guillaume) ; dans la seconde édition, il rétablit
l’orthographe consacrée par le bon usage avec « média[s] » sans
« t ». Manifestement, il ne veut pas montrer qu’il est en bons
termes avec l’éditeur révisionniste.
L’abbé Pierre entre en scène
Le 15 avril, l’abbé Pierre adresse à son ami Garaudy (« Très
cher Roger ») une longue lettre de soutien. Seuls des extraits
en paraîtront çà et là et il faudra attendre le mois de juin
pour en connaître l’intégralité.
Les passages suivants m’en paraissent intéressants :
[...] De ton nouveau livre il m’est impossible de parler avec
tous les soins que réclament non seulement son sujet
fondamental, mais aussi l’étonnante et éclatante érudition,
scrupuleuse, sur laquelle chaque propos se fonde comme j’ai pu
le constater en le parcourant. – Autour de moi quelques
personnes dont les exigences et la compétence sont grandes et
qui l’ont entièrement lu me disaient l’importance de ce qu’elles
en ont reçu. — Il faut tout faire, et je m’y emploie, pour que
bientôt des historiens vrais, de la même passion du vrai qui est
la tienne, s’attachent à en débattre avec toi. — Les insultes
contre toi que j’ai pu connaître [...] sont
déshonorantes.
Nous entendons dire une intention du Pape, en l’an 2000 (sera-ce
le même Pape ?) de confesser
les
fautes historiques
[contre les juifs] qui ont accompagné le zèle des missions
chrétiennes. – Puisse [le Pape, dans sa future déclaration] ne
pas sous-estimer la part prise dans l’antisémitisme avec les
mots
« peuple
déicide »,
ce qui est insensé car c’est pour tous les peuples, pour tous
les humains que Jésus s’est offert en rançon !
Retiens de ces lignes [...] la force et la fidélité de mon
affectueuse estime et de mon respect pour l’énorme travail de
ton nouveau livre. Le confondre avec ce qui fut appelé
«
révisionnisme
»
est
une imposture et [une] véritable calomnie d’inconscients. [...]
Il ressort de cette lettre que l’abbé Pierre n’a pris
connaissance du livre de son ami qu’« en le parcourant » et
qu’il se distingue par là de ceux « qui l’ont entièrement lu »,
ce qui est son droit ; on a, en effet, le droit de porter un
jugement sur un livre après l’avoir seulement parcouru, si on
avoue précisément ne l’avoir pas lu dans son intégralité.
Mais l’abbé paraît naïf ou aveugle quand il en vient à parler
d’« énorme travail » et d’une œuvre totalement étrangère au «
révisionnisme » ; il est possible que, pour lui, les «
révisionnistes » ne soient qu’une catégorie de nazis contestant
– qui sait ? – l’existence des camps de concentration ; en
réalité, le cœur de l’ouvrage est d’inspiration exclusivement
révisionniste.
Le passage consacré à une possible déclaration du pape est
important. Il prouve que l’abbé Pierre n’est nullement antijuif
et qu’on ne saurait en aucun cas l’accuser – comme on le fera si
souvent par la suite – d’être une sorte de catholique rétrograde
qui n’aurait pas su se dégager d’un enseignement reçu dans sa
jeunesse et imprégné d’antijudaïsme religieux.
L’abbé Pierre sur l’avant-scène
Le 2 février, le journal
La Croix
publie, sous la signature de Michel Crépu, un article intitulé :
« Terminal Garaudy ». L’abbé Pierre est ulcéré de l’agression
ainsi commise contre son très cher ami Garaudy.
Le 18 avril, au cours d’une conférence de
presse, R. Garaudy révèle, avec son défenseur, Me
Jacques Vergès, le nom de
quelques-unes des personnalités dont il a obtenu le soutien ;
parmi celles-ci figurent le père Michel Lelong, l’essayiste
suisse Jean Ziegler ainsi que l’abbé Pierre. Nicolas Weill
rapporte, en son style, cette information dans
Le Monde daté
du 20 avril (paraissant, à Paris, dans l’après-midi du 19).
Dès le lendemain et dans les jours suivants, les cinq intéressés
(R. Garaudy, abbé Pierre, Jacques Vergès, père Lelong et J.
Ziegler) battent en retraite. R. Garaudy dénonce « l’horreur
absolue du nazisme » et précise qu’il ne faut pas parler d’«
Holocauste » parce que cela signifierait que Dieu est
responsable du massacre des juifs alors que seuls les nazis en
sont responsables ; d’ailleurs, ces derniers n’ont-ils pas
provoqué cinquante millions de morts ? L’abbé Pierre dit qu’on a
exagéré le nombre des morts d’Auschwitz puisque le chiffre de
quatre millions a été officiellement remplacé par celui d’un
million (le musée d’Auschwitz a opté pour le chiffre d’un
million et demi) mais il dénonce « les négationnismes et
révisionnismes comme tromperies intellectuelles et morales qu’il
faut à tout prix combattre ». J. Vergès déclare à propos du
livre de R. Garaudy : « Qualifier ce livre de négationniste est
une imposture ». Le père Lelong prendra, à son tour, ses
distances. J. Ziegler déclare que « le révisionnisme est une
infâme connerie ».
L’abbé Pierre, tout en multipliant actes de contrition et
protestations de bonne foi, tient des propos qui irritent la
Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme
(LICRA), présidée par Pierre Aidenbaum. Il conserve sa confiance
à son ami R. Garaudy et souhaite un colloque rassemblant des
personnes d’opinions différentes. Il se dit assuré que, si l’on
apporte la preuve à son ami qu’il s’est trompé, celui-ci
reconnaîtra son erreur.
Velléités de résistance de l’abbé Pierre
Le 27 avril, l’hebdomadaire
Le Point
publie un article bien informé sur le révisionnisme et sur toute
l’affaire. Il cite un extrait de mon communiqué de presse du 19
avril. L’article se termine sur une phrase de l’abbé Pierre
parue dans La Croix
: « Ne plus pouvoir dire un mot relatif au
monde juif à travers les millénaires sans se faire traiter
d’antisémite, c’est intolérable ».
Le grand rabbin Sitruk suggère un débat sur la Shoah.
Immédiatement, Henri Roques et moi-même lui signifions
publiquement notre accord. Le lendemain, il retire sa
suggestion.
Le 29 avril,
Libération titre : «L’abbé Pierre
refuse de condamner les thèses négationnistes de Garaudy ».
Effectivement, le vieil homme a un sursaut. Il dit de la LICRA
et d’autres groupes : « Ils n’acceptent absolument pas le
dialogue, contrairement à Garaudy ». On lui demande : « Vous
n’êtes pas choqué qu’un négationniste comme Faurisson se soit
“réjoui” de votre soutien à Garaudy ? » Il répond : « Vous me
l’apprenez. Bien entendu que ça me fait mal. [Faurisson]
représente tout l’opposé de mon engagement, de ma vie ». L’abbé
fait allusion, du moins est-ce probable, autant à mon athéisme
qu’à mon révisionnisme. Il dit qu’à l’aéroport de Bruxelles il a
vu, pour la première fois depuis longtemps, des gens venir
spontanément à sa rencontre pour le remercier ; ces gens lui ont
dit : « Merci, parce que vous avez eu le courage de mettre en
cause un tabou. » Il ajoute qu’il est « convaincu qu’il y a une
espèce de “Ouf !” : le tabou est levé ! On ne se laissera plus
traiter d’antijuif ou d’antisémite si on dit qu’un juif chante
faux ! » Il ajoute : « Une fois la tornade passée, beaucoup de
Français moyens diront : “Il nous a aidés à y voir plus clair”.
»
Offensive généralisée contre l’abbé Pierre
En un premier temps, la hiérarchie catholique déclare qu’elle ne
veut pas être entraînée dans la polémique. Puis, la conférence
épiscopale déplore l’attitude de l’abbé Pierre et réaffirme que
l’extermination des juifs est un fait incontesté ; elle dénonce
le scandale que constitue toute remise en cause de la Shoah.
R. Garaudy, en « état de détresse », conjure l’abbé Pierre, par
de multiples appels téléphoniques, de lui venir en aide.
Le 1er
mai, P. Guillaume me
téléphone pour me lancer un appel au secours : R. Garaudy a
besoin d’urgence d’un document. Je lui réponds que son mandant
n’a qu’à me réclamer lui-même cette pièce. « Il ne le fera pas
», me dit P. Guillaume à deux reprises. Je lui exprime mon
étonnement d’être ainsi traité et de n’avoir pas même reçu un
exemplaire des Mythes fondateurs.
Je lui signale que, comme il le sait, ce livre n’est, pour la
partie révisionniste, qu’une compilation de mes écrits. « C’est
évident », me dit-il. Plus tard, le 9 mai, lors d’une émission
de Radio Courtoisie, à une auditrice qui dira : « Le rapport de
Faurisson à Garaudy, c’est le rapport d’un volé à un voleur »,
il répondra : « Ben... Tout le monde le sait ! »
Le 2 mai, Jean-François Kahn choisit pour
titre de sa chronique de
L’Événement du jeudi : « Comment,
avec l’abbé Pierre, on sert la soupe à Le Pen et à Faurisson. »
Le même jour, la presse quotidienne annonce que la LICRA vient
d’expulser l’abbé Pierre de son comité d’honneur.
Le 9 mai, dans
Libération,
Jean-Luc Allouche déclare que R. Garaudy, l’abbé Pierre et R.
Faurisson n’ont « qu’une visée : frapper encore et toujours
d’illégitimité l’État d’Israël ». Il cite un extrait de mon
introduction, datée d’août 1989, au second Rapport Leuchter :
A
l’avenir, les tenants de l’“Holocauste” conserveront leur
argent, leur puissance, leur capacité de produire des films, de
célébrer des cérémonies, de construire des musées
:
des
films, des cérémonies, des musées de plus en plus vides de sens.
Ils multiplieront les moyens de répression contre les
révisionnistes par les coups et blessures, les campagnes de
presse, les procès, le vote de lois spéciales. Ils multiplieront
aussi, cinquante ans après la guerre, les poursuites contre ceux
qu’ils appellent les “criminels de guerre”. Les révisionnistes,
eux, leur répliqueront par des études historiques ou des
ouvrages scientifiques et techniques. Ces ouvrages, ces études
seront nos pierres, notre Intifada.
Le 9 mai, l’Américain Joseph Sobran écrit
: « If [abbé Pierre] had denied the
divinity of Christ, the press would be hailing him for his
fierce independence of mind
[5].
»
Le 9 et le 16 mai, dans
National Hebdo,
le dessinateur Konk publie deux dessins qui reflètent bien
l’actualité ; l’un montre les gardiens de la vérité officielle
observant à la jumelle un amas de béton sous lequel on avait cru
enterrer le révisionnisme mais le sarcophage montre des fissures
; il menace d’exploser et de contaminer le monde entier ;
l’autre montre des gardiens de cimetière passant devant trois
tombes, celles de Faurisson, de Garaudy et de l’abbé Pierre,
tandis que l’un des gardiens souffle à l’autre : « C’est le coin
des enterrés vivants ». L’angoisse des censeurs est là : malgré
de formidables campagnes de presse, malgré les procès, malgré
les violences physiques, le révisionnisme historique persiste et
même se développe. Les belles consciences commencent à
s’interroger sur l’utilité de la loi Fabius-Gayssot, « véritable
cadeau pour les révisionnistes » (sic).
Le 13 mai, les mouvements « Emmaüs France » et « Emmaüs
International » font paraître, à grands frais, un communiqué où
« le Mouvement Emmaüs » indique que « toute caution, d’où
qu’elle vienne, apportée aux thèses révisionnistes lui est
intolérable » et déplore que « l’homme du combat total et
généreux » ait été conduit « hors du terrain qui est le sien et
qui est le nôtre ».
R.
Garaudy cherche des appuis
R. Garaudy annonce qu’il a des amis
rabbins et que l’un d’eux, le rabbin Elmer Berger, âgé de
quatre-vingt-huit ans, vivant en Floride, « a écrit un texte qui
sera une très bonne préface pour mon livre lorsqu’il sera publié
aux États-Unis [6].
» Il cherche également refuge auprès de ses amis arabes.
François Brigneau signe, le 16 mai, dans
National Hebdo,
un article sur « Le samizdat de Garaudy » où il esquisse un
tableau de l’incessante persécution subie en France par les
écrivains affligés du stigmate de « l’extrême droite ». Au
passage, il note : «Je ne reviendrai pas sur le fond du livre.
M. Garaudy n’est pas de notre paroisse. Certains aspects de son
ouvrage sont déplaisants. Je pense à l’exploitation qui est
faite des découvertes du professeur Faurisson (en particulier
sur l’histoire d’Anne Frank), de ses travaux d’investigation et
de l’ensemble de son œuvre qu’il a payée si cher, alors que
Garaudy ne lui consacre [dans la première édition de son livre]
que trois lignes, en passant... C’est assez pénible. »
Le 23 mai,
Libération fait état d’un éditorial
d’Al-Ahram,
journal au nom prestigieux, considéré comme la voix officieuse
du pouvoir égyptien. Ce journal se dit « fier » d’avoir
accueilli dans ses pages R. Garaudy, auteur d’un livre poursuivi
en France, et il souligne qu’« une campagne médiatique a
interdit [à ce dernier] d’exprimer ouvertement son point de vue
». Dans son éditorial, ce journal reproche à
Libération
ses « procédés de propagande sioniste » à l’égard de R. Garaudy
alors que le même Libération
défend le droit de Salman Rushdie
d’attaquer l’Islam.
Le 31 mai, R. Garaudy envoie à ses amis
une lettre circulaire qui commence ainsi : « Chers amis, Je vous
remercie de la confiance que vous m’avez témoignée à propos de
mon livre Les Mythes fondateurs de
la politique israélienne dans
lequel vous n’avez trouvé nulle trace de “négationnisme”. – Ceux
qui m’ont accolé cette étiquette barbare, ou bien n’ont pas lu
mon livre ou bien l’ont fait avec une mauvaise foi délibérée. »
Le même jour,
Le Figaro
publie des extraits d’une interview de R. Garaudy. A en croire
le journaliste Élie Maréchal, voici une question et sa réponse :
« Pourquoi avez-vous publié à La Vieille Taupe [éditeur de R.
Faurisson] la première édition de votre livre [...] ? – Par
nécessité. Mais je ne connaissais pas cet éditeur. Sinon, je ne
me serais jamais lié avec lui ». Mais, les mœurs de la grande
presse étant ce qu’on sait, on peut douter que R. Garaudy soit
allé aussi loin dans le reniement.
Le 29 mai, la presse avait annoncé : « L’abbé Pierre a quitté
définitivement la France pour un monastère italien. » R. Garaudy
va rendre visite à l’abbé Pierre au monastère de Praglia. Il
déclare à la presse que ce dernier a enfin trouvé le temps de
lire son livre : « Cette lecture a conforté [l’abbé Pierre]. Il
a constaté qu’aucun article paru dans la presse n’a réfuté mes
thèses. »
Mais l’affaire va soudain s’aggraver.
L’abbé Pierre déclare au
Corriere della Sera :
« L’Église de France est [...] intervenue pour me faire taire
sous la pression de la presse, inspirée par un lobby sioniste
international
[7].
» La formule provoque un hourvari à travers le monde.
Au mois de juin, les journalistes
Michel-Antoine Burnier et Cécile Romane publient un opuscule,
Le Secret de l’abbé Pierre, où
ils révèlent que, près de trois ans auparavant, le 27 mars 1993,
ils ont eu un entretien avec l’abbé Pierre, à son lieu de
résidence, et cela en présence des juifs Bernard Kouchner et
Marek Halter. Il s’agissait de recueillir et de mettre en forme
les dialogues de l’abbé Pierre et de son ami B. Kouchner pour le
livre Dieu et les hommes.
Or, l’abbé Pierre leur avait déjà tenu sur certains livres de
l’Ancien Testament et sur le sionisme les propos les plus
sévères. Les deux journalistes avaient censuré ces propos dans
leur livre. Censeurs et fiers de l’être, ils déclarent
aujourd’hui qu’à l’époque ils ont fait leur travail de
journalistes responsables. Ce qui leur permet d’administrer une
leçon de morale à l’abbé Pierre et aux révisionnistes.
R.
Garaudy cherche refuge dans la surenchère
Paraît également au mois de juin un autre
opuscule :
Droit
de réponse. Réponse au lynchage médiatique de l’abbé Pierre et
de Roger Garaudy (samizdat
R. Garaudy). R. Garaudy, faisant le point sur ce qu’il affirme,
sur ce qu’il conteste et sur ce qu’il nie, dit que son «
révisionnisme » s’apparente simplement à celui d’historiens
orthodoxes comme François Bédarida. Pour ce qui est des chambres
à gaz, il rappelle qu’aucun tribunal n’a cherché à examiner
l’arme du crime, qu’il y a le rapport Leuchter ainsi que « les
contre-expertises de Cracovie et de Vienne » et qu’il s’« étonne
que ces rapports n’aient pas fait l’objet d’une publication et
d’un débat ouvert ». Il ajoute : « Alors qu’est-ce que je nie ?
— Ce que je nie, c’est le droit que s’arrogent les sionistes de
minimiser les crimes de Hitler en les réduisant à
l’incontestable persécution des juifs. Sa volonté d’expansion a
fait cinquante millions de morts, dont seize millions de Slaves,
russes ou polonais, comme le rappelait à Miami le pape Jean-Paul
II ».
Ainsi qu’on le constate, R. Garaudy pratique dans l’antinazisme
une surenchère identique à la surenchère dans l’antiracisme dont
se délectait l’avocat J. Vergès au procès de Klaus Barbie, à
Lyon, en 1987 ; J. Vergès, lui, s’en était pris à la France qui,
disait-il, se permettait de condamner le racisme de K. Barbie
alors qu’elle avait pratiqué, elle-même, un racisme criminel
contre les peuples coloniaux noirs, jaunes ou arabes.
En annexes de son opuscule, R. Garaudy ne
craint pas de reproduire « Le témoignage d’un pasteur
protestant [8] »
et « Le cri d’un déporté [9] ».
Du pasteur Roger Parmentier, il retranscrit la phrase suivante,
sans l’assortir de la moindre réserve ou correction : « On
appelle “négationnistes” les nazis d’aujourd’hui qui veulent
réviser l’Histoire pour donner raison aux nazis d’hier ». Et le
pasteur d’ajouter : « On ne me fera jamais croire [après lecture
des déclarations de l’abbé Pierre et du livre de R. Garaudy] que
ces frères se sont convertis au nazisme ». Quant au « déporté »,
il écrit, dans le même esprit de surenchère que R. Garaudy
lui-même : « Que les journalistes sachent une chose : la très
grande majorité des déportés dans les camps nazis n’ont pas été
les juifs, bien que tous les médias aient accrédité la thèse que
seuls les juifs ont été déportés et exterminés ». Et le déporté
d’invoquer des chiffres fantaisistes quant au nombre des soldats
soviétiques, des Tsiganes et des Polonais « exterminés ».
Une publication islamique prend la défense
de R. Garaudy qui est allé trouver ses amis musulmans hors de
France ; elle écrit : « Garaudy n’a jamais remis en question
l’existence des chambres à gaz ; il n’a jamais tenté de
falsifier ou de banaliser le génocide des juifs pendant la
seconde guerre mondiale. Les sionistes font là un mauvais procès
à Garaudy, car la seule chose que l’auteur conteste, c’est le
nombre de juifs exterminés [10].
»
P. Guillaume et R. Garaudy sont mis en
examen pour la première édition des
Mythes. Au
surplus, R. Garaudy est mis en examen pour la seconde édition
des Mythes
et son Droit
de réponse.
L’ultra-gauche en effervescence
Dans un petit ouvrage collectif publié en
juin par des libertaires, on tient des propos confus sur – ou
plutôt contre – les libertaires ou les gauchistes qui ont, à un
moment de leur vie, manifesté leur sympathie pour le
révisionnisme [11].
L’avant-propos est signé de Gilles Perrault qui, avec le plus
grand sérieux, écrit que « les négationnistes ont reçu avec la
loi Gayssot un inappréciable cadeau [12] »
; il dénonce « la crapule révisionniste [13] ».
Dans le corps de l’ouvrage, P. Guillaume est traité de « menteur
», de « pervers » et de « salaud » [14] et
on revient sur les procès «qui, ironiquement, assurent aux
révisionnistes une véritable rente publicitaire inespérée [15] ».
Il faut dire qu’on y dénonce aussi « des témoins douteux comme
Élie Wiesel » et que la LICRA y est accusée de « détournement de
cadavres » au profit d’Israël [16] ;
on s’en prend également à «la littérature de gare
concentrationnaire des Bernadac, Steiner, Gray et compagnie qui
fait appel aux plus bas instincts pour se vendre [et] a fait
beaucoup de mal à la recherche historique [17] ».
La zizanie s’est mise dans les rangs de la gauche et de
l’ultra-gauche. Un auteur de romans policiers, Didier Daeninckx,
lève l’étendard de l’épuration antirévisionniste dans les rangs
des intellectuels de gauche. L’universitaire Philippe Videlier,
fortement enclin à la délation, reprend du service.
L’abbé Pierre lance son appel du 18 juin
Un sondage réalisé par Louis Harris pour
le magazine lyonnais Golias
les 7 et 8 juin fait apparaître que l’abbé
Pierre, comme le dit Libération
(11 juin), «garde la cote chez les
catholiques». Le livre de R. Garaudy se vend bien, malgré les
difficultés de diffusion. Toutefois, en Suisse, il est saisi et
séquestré chez un libraire de Montreux, Aldo Ferraglia, sur
ordonnance d’une jugesse d’instruction de Lausanne, Valérie
Barth. Par la même occasion, cette personne pousse le zèle
jusqu’à faire saisir également deux livres dont je suis
l’auteur, qui ont été publiés en 1982 et 1983 et n’ont jamais
été l’objet de plaintes ou de condamnations en France ou
ailleurs ; elle réserve le même traitement au livre de François
Brigneau : Mais qui est donc le
professeur Faurisson ? ; elle prend
enfin l’initiative d’envoyer des policiers dans des librairies
pour mettre en garde les libraires contre la vente de tout
ouvrage révisionniste. Or, il se trouve que l’abbé Pierre a
quitté l’Italie pour la Suisse. De « Zermatt, le 18 juin », il
envoie à un journaliste du Monde
un fax de douze pages intitulé : «
Vivre la vérité ».
Ce journal a multiplié les articles les
plus venimeux. L’abbé Pierre a, en principe, le droit de
répondre à ces articles. Les lecteurs du
Monde
constatent, jour après jour, que leur quotidien ne publie aucun
texte de l’accusé. Un journaliste du
Monde, avec
l’accord de sa hiérarchie, fait, enfin, miroiter à l’abbé la
possibilité de publier un texte. L’abbé se met au travail. En
trois jours il compose ces douze pages dactylographiées dont,
fidèle à ses habitudes de censure vertueuse, le journal ne
publiera pas une ligne. Dans ce texte, l’abbé assure que son ami
Garaudy, en « cinquante ans de dialogue [...] n’a jamais cessé
de crier l’horreur des crimes, scientifiquement organisés par
les nazis, surtout contre les juifs ». Il dit vivre « la plus
cruelle des épreuves de [s]a longue vie » ; il parle de «
véritable lynchage, étonnamment simultané et identique, comme
sur commande (de qui ?) de tous les médias » ; il dit : « Jamais
sans doute je n’aurai tant eu mal, [tant été] calomnié, insulté,
accusé d’antisémitisme. » Il fait état de ses bonnes relations
avec Shimon Perès et avec leur ami commun, André Chouraqui. Il
proteste de son amour pour les juifs qu’il considère comme une
sorte d’élite, des « ferments », dit-il, mais il dénonce «
l’ivresse sioniste ». Il ne parle quasiment pas du contenu du
livre de R. Garaudy. Il affirme : « Pour moi, au monastère, j’ai
pu au calme lire et annoter le livre incriminé. N’ayant rien pu
y trouver de blâmable et me sachant bien peu savant, j’ai
demandé aux recteurs de deux des plus grandes universités
catholiques en Europe de bien vouloir remettre le livre, traduit
en leur langue, à trois maîtres hautement spécialistes
d’histoire, de théologie et de science biblique. Leurs avis
m’importeront plus que ceux de la LICRA, et aussi de quelques
excellents amis s’étant dits “atterrés devant le livre”. »
L’abbé Pierre s’en prend également à la loi Gayssot.
Le professeur Albert Jacquard, coqueluche
de la gauche caviar, envoie au
Monde une lettre de soutien à
l’abbé Pierre mais le journal en refuse la publication.
Mgr
Lustiger,
cardinal-archevêque de Paris, d’origine juive, déclare à
l’hebdomadaire Tribune juive
(édition du 20 juin) qu’il a « vécu cette
polémique comme un immense gâchis » ; il adresse une sorte de
blâme public à l’abbé Pierre et dégage la responsabilité de
l’Église. Plus tard, le 26 septembre, lors d’une « soirée-débat
sur la Shoah » à la Sorbonne, il déclarera : « Le négationnisme
est le type même du mensonge de l’homme qui tue son frère pour
fuir la vérité », et son ami Élie Wiesel lui dira en écho : «
Les négationnistes n’ont peut-être pas d’âme. »
L’offensive antirévisionniste
Dans sa livraison du 26 juin,
Le Monde
annonce que « des mains anonymes ont collé ces dernières nuits,
sur le boulevard périphérique, à Paris, des affiches
interrogeant : “Et si l’abbé Pierre avait raison ?” ».
Le 27 juin, la France découvre des
affiches publicitaires de
L’Événement du jeudi reproduisant
la page de couverture avec le titre : « Holocauste. La victoire
des révisionnistes. » Bien entendu, l’hebdomadaire déplore ce
qu’il appelle « la victoire des révisionnistes » ; il s’agit là
d’une exagération car, plus que jamais, règne la terreur et les
révisionnistes se voient privés de tout moyen d’exposer
publiquement leurs arguments et de répondre aux innombrables
attaques dont ils sont la cible.
Quant à l’abbé Pierre et à R. Garaudy, ils veillent, plus que
jamais, à prendre leurs distances d’avec ces « révisionnistes »,
qu’ils ont décrits ou laissé décrire comme des suppôts du
nazisme.
Le jour même où
L’Événement du jeudi
arbore ce titre, le tribunal de grande
instance de Bordeaux condamne le libraire bordelais Jean-Luc
Lundi, père de onze enfants, à un mois de prison avec sursis et
cinq mille francs d’amende pour exposition et vente de livres
révisionnistes. Assorti d’une mise à l’épreuve de cinq ans, le
jugement ordonne, en outre, la destruction des livres saisis
dans la boutique du libraire.
Le 16 juillet, Georges Piscoci-Danesco,
réfugié politique de Roumanie, tenant dans le quartier Latin la
modeste Librairie du Savoir
(5, rue Malebranche, 75005 Paris) où
peuvent s’acheter des ouvrages révisionnistes et, notamment,
celui de R. Garaudy, est blessé par des membres du Betar et sa
librairie est dévastée : deux mille volumes (dont certains sont
très rares) se trouvent maculés au point d’en être rendus
invendables ; les dégâts – dont l’assurance ne remboursera pas
un franc – sont évalués à deux cent cinquante mille francs. Le
Betar jouit de la protection du ministère de l’Intérieur et,
comme d’habitude, rien n’est fait par la police pour interpeller
les malfaiteurs ou les criminels. Dans ces quinze dernières
années, les troupes de choc juives ont ainsi accumulé impunément
plus de cinquante actions criminelles aux conséquences les plus
graves tandis que pas un seul «antisémite» n’a touché un seul
cheveu d’un seul juif [18].
La
rétractation de l’abbé Pierre
Le 23 juillet,
La Croix
publie deux textes de l’abbé Pierre, datés du 22 juillet.
Le premier est une lettre adressée à R. Garaudy. L’abbé Pierre
rappelle à son ami dans quel « état de détresse » se trouvait ce
dernier en avril : « Cher Roger, sûrement tu te souviens de
l’état de détresse où tu te trouvais en avril dernier lorsque,
en de multiples téléphones, tu m’appelais à l’aide ». Il lui dit
qu’à l’époque il ne savait personnellement rien du «
révisionnisme » et «négationnisme». Il ne se doutait pas alors
du « fol déchaînement de passion, à travers les médias » qui
allait s’abattre sur tous deux. Il lui annonce que, pour sa
part, il doit « cesser toute participation à ce cruel débat ».
Il lui conserve toute sa confiance en sa sincérité mais, dit-il,
« conformément aux termes du communiqué ci-joint, ma décision
absolue et définitive est que, à dater de ce jour, mon nom ne
soit plus d’aucune façon lié au tien à propos de ce livre ».
Le communiqué adressé à
La Croix est
le suivant : « Soucieux de Vivre la Vérité, libre de toutes
pressions, voyant mes propos relatifs aux travaux de Roger
Garaudy, spécialement le livre Les
Mythes fondateurs de la politique israélienne,
exploités par des courants qui jouent dangereusement avec les
périls antisémites, que j’ai combattus et que je combattrai
toujours, je décide de retirer mes propos, m’en remettant
entièrement aux seules opinions des experts de l’Église, et,
demandant pardon à ceux que j’ai pu blesser, je veux laisser
Dieu seul juge de la droiture des intentions de chacun ».
Il retire donc ses propos. Il bat sa
coulpe. Il demande pardon et va jusqu’à se dire «libre de toutes
pressions» ! C’est ce qu’il appelle, en usant de majuscules,
être «soucieux de Vivre la Vérité». Plus tard, il dira au
professeur Léon Schwartzenberg : « Je te demande pardon [19].
» Plus tard encore, il choisira une voie typiquement médiatique
pour essayer d’obtenir le pardon des juifs et son retour en
grâce auprès des médias. Dans sa livraison de
Faits et Documents
du 15 octobre, Emmanuel Ratier écrit en
effet : «L’abbé Pierre a vraiment fait sa
techouva
(pénitence juive) quant à son soutien à Roger Garaudy. Il sort
avec le groupe Planet Generation Global Move, un groupe musical
« engagé et humanitaire », un CD de quatre titres intitulé
Le Grand Pardon.
Ce mini-CD, qui se veut « une musique pour une conscience
planétaire contre tous les nationalismes », comporte aussi pour
titres No Escape
(abbé Pierre-Dee Nasty, père du hip-hop en
France), 2 Zion
(King-MajaSutra) et
Kaï in ze sky
(King) ». Dans sa livraison du 31 octobre
au 6 novembre, Le Nouvel
Observateur reprend l’information ;
dans un article intitulé «Le rap du repentir», le magazine
précise que le projet de ce CD a été conçu par l’association «
Les Anges pressés » et qu’il « se veut une mise au point hip hop
sur l’affaire Garaudy ».
Cependant, les maximalistes juifs se déclarent évidemment
insatisfaits ; la rétractation de l’abbé Pierre ne les convainc
pas. La « confiance » qu’il maintient en la sincérité de son ami
Garaudy laisse perplexes le Conseil représentatif des
institutions juives de France (CRIF) et la LICRA.
Les
à-côtés de l’affaire
L’affaire Garaudy-abbé Pierre a créé
l’habituel climat de chasse aux sorcières entretenu par les
médias en général et le journal Le
Monde en particulier. Pendant
plusieurs mois se sont succédé en France toutes sortes d’autres
« affaires » du même genre, dont les victimes ont été
soupçonnées d’avoir commis le péché mortel de révisionnisme.
Citons, à titre d’exemples, l’affaire Olivier Pernet, professeur
de philosophie à Lyon, celle de Marc Sautet, le promoteur des
cafés de philosophie, celle de Raymond Boudon et de Bernard
Bourgeois, membres de la Société française de philosophie, celle
de Noëlle Schulman, enseignante de physique-chimie dans un
collège du département des Yvelines, celle des nageuses
olympiques préparant pour les Jeux d’Atlanta un spectacle
destiné à évoquer l’«Holocauste» et celle de l’hebdomadaire
corse U Ribombu,
organe d’un mouvement autonomiste corse, prenant parti pour R.
Garaudy et l’abbé Pierre. Ainsi qu’on l’a vu plus haut,
l’ultra-gauche et la gauche libertaire ont été saisies d’une
frénésie d’accusations mutuelles et d’auto-accusations. La loi
Fabius-Gayssot a été remise en question, sauf par les
communistes « lignards » Jean-Claude Gayssot et Charles
Lederman. Une foule d’hommes politiques sont intervenus, la
plupart du temps avec le souci d’insulter les révisionnistes,
privés, comme d’habitude, de tout droit de réponse à la vague
déferlante des attaques, des calomnies, des diffamations. Les
porte-parole de la communauté juive ont entonné à nouveau leurs
couplets sur la résurgence de la bête immonde ; ils ont exprimé
leur colère, sentiment dans lequel, apparemment, ils se plaisent
à vivre.
Une
conséquence positive : l’aveu de Jacques Baynac
Jacques Baynac, âgé de cinquante-sept ans,
est un historien orthodoxe, marqué à gauche. Il est l’auteur de
Ravachol et ses compagnons, Mai
[1968] retrouvé, Les Socialistes révolutionnaires russes
(1881-1917),
La Révolution gorbatchévienne.
Antirévisionniste convaincu depuis toujours, il a collaboré avec
l’historienne Nadine Fresco, jusque dans les colonnes du
Monde, à la
dénonciation, en particulier, de R. Faurisson et de P. Guillaume
[20].
Je me souviens d’une algarade personnelle avec lui, à Paris, en
octobre 1980.
Or, les 2 et 3 septembre,
Le Nouveau Quotidien
(de Lausanne) publie une longue étude,
très informée, sur le révisionnisme à la lueur, si l’on peut
dire, de l’affaire Garaudy-abbé Pierre. J. Baynac y affirme que
les révisionnistes, qu’il appelle «négationnistes», ont tout
lieu de se réjouir de ce scandale qui a « changé l’atmosphère en
leur faveur ». Il note que, chez les adversaires des
révisionnistes, «le désarroi a succédé à la consternation», que
Pierre Vidal-Naquet « se désole », que Bernard-Henri Lévy «
s’affole », que Pierre-André Taguieff « s’effraie » et que,
depuis le début de « l’affaire Faurisson» en 1978-1979, les
historiens ont préféré se dérober : ils « se sont défilés ». Il
reproche à ces historiens d’avoir fait confiance à Jean-Claude
Pressac, un pharmacien, un « historien amateur». Il considère
que, pour prouver l’existence des chambres à gaz nazies, on a
trop eu recours aux témoignages, ce qui est « ascientifique ».
Quant aux preuves scientifiques, il commence par rappeler le
constat de l’historien juif américain Arno Mayer en 1988 :
Les sources dont nous disposons pour étudier les chambres à gaz
sont à la fois rares et peu sûres.
Puis, allant plus loin, il dit qu’il faut
avoir la franchise de reconnaître qu’en fait de documents, de
traces ou d’autres preuves matérielles prouvant l’existence
desdites chambres à gaz, il n’y a tout simplement... rien ! Il
croit, pour finir, que les historiens devraient désormais
s’efforcer à l’avenir d’explorer une autre voie : puisqu’il est
décidément impossible de prouver que ces chambres à gaz ont
existé, J. Baynac suggère que les historiens cherchent à prouver
qu’il est impossible qu’elles n’aient pas existé !
Cette prise de position n’est pas vraiment
nouvelle pour les connaisseurs. Depuis plusieurs années, des
historiens orthodoxes ont tenu des propos analogues ou se sont
comportés comme s’ils cherchaient à se débarrasser de ces
encombrantes chambres à gaz. Mais c’est probablement la première
fois qu’un historien orthodoxe fait ainsi publiquement des aveux
d’une telle candeur
[21].
Une
dure leçon, un progrès
Deux octogénaires, qui croyaient connaître la vie et les hommes,
ont découvert soudainement, et avec une surprise d’enfants,
qu’en réalité leur existence passée avait été, en somme, facile.
Tous deux, en quelques jours, ont eu à affronter une épreuve
exceptionnelle : celle que les organisations juives ont pour
habitude d’infliger aux individus qui ont le malheur de
provoquer leur colère. Il n’y a là, de la part de ces
organisations, ni complot, ni conjuration mais comme un réflexe
ancestral. Les médias, qui sont à leur dévotion et à qui il peut
coûter très cher de les contrarier, savent se mobiliser contre
les « antisémites », c’est-à-dire contre des personnes qui, sauf
exception, ne haïssent pas les juifs mais sont haïes par les
juifs. La haine vétéro-testamentaire est l’une des plus
redoutables qui soient : anxieuse, fébrile, frénétique,
illimitée, elle suffoque ses victimes par la soudaineté et la
durée de sa violence. Elle est inextinguible parce que ceux qui
l’éprouvent ne peuvent pas se permettre d’en révéler le vrai
motif et de soulager ainsi, au moins en partie, leur fureur. Par
exemple, on a, pendant des mois, cherché querelle à R. Garaudy
sur son estimation « minimisante » du nombre des juifs qui sont
morts pendant la seconde guerre mondiale. Mais ce n’était
qu’affectation. Le vrai motif était ailleurs ; il était dans la
mise en doute sacrilège de l’existence des chambres à gaz.
Cependant, révéler cette mise en doute, c’était prendre le
risque de faire naître ce doute dans le grand public ou de
l’accroître. D’où la nécessité de parler d’autre chose. Dès le
27 avril, j’écrivais :
Je
note jusqu’ici la timidité, pour ne pas dire le quasi-silence,
des journalistes sur le sujet des chambres à gaz. Tous auraient
dû, sur-le-champ, dénoncer le profond scepticisme de Garaudy en
la matière. Mais telle est précisément la caractéristique du
tabou
:
ceux
qui ont pour mission de le préserver n’osent pas même révéler
qu’il a été profané. Garaudy a pénétré dans le saint des saints
et il a découvert que le tabernacle censé contenir la magique
chambre à gaz était vide. Taisons la nouvelle !
Cette observation, qui date du 27 avril, est restée valable pour
tous les mois qui ont suivi.
En ce qui concerne l’abbé Pierre, on s’est livré au même manège.
On a tempêté contre son prétendu antisémitisme et contre son
entêtement à soutenir un vieil ami qui s’était égaré ; en
réalité, son crime a été de réclamer... un débat et de le
réclamer avec insistance et ingénuité. Agir comme le faisait le
vieil homme, c’était d’abord révéler au grand public qu’il n’y
avait précisément pas de débat ; ensuite, c’était placer les
historiens, les journalistes et les responsables des
organisations juives dans la plus inconfortable des positions :
celle d’avoir à forger de minables prétextes pour fuir un débat
dont on avait manifestement peur comme de la peste.
R. Garaudy et l’abbé Pierre ont une haute idée d’eux-mêmes ;
leurs écrits ou leurs propos respirent la fausse humilité ; ils
parlent un peu trop du cœur, de leur cœur ; ils s’affirment
volontiers « épris d’absolu », ce qui est beaucoup, et ils se
disent animés « de la même passion du vrai », ce qui est
présomptueux. En la circonstance, il leur est arrivé de
fortement maltraiter la simple vérité.
L’épreuve soudaine qu’ils ont eue à subir en fin de vie devrait
les amener à plus de modestie. Comme on dit dans le langage de
tous les jours, ils ont «craqué». R. Garaudy a le mérite de
continuer son combat mais il ne peut plus l’appeler un combat
pour toute la vérité puisque, par peur et par opportunisme, il
en est venu, selon les circonstances, soit à fortement atténuer,
soit à totalement abandonner le combat pour la vérité historique
sur ce qu’il appelait, dans son livre, le mythe de l’Holocauste.
Quant à l’abbé Pierre, il en est venu à abandonner toute
dignité. Personnellement, je ne puis leur en faire vraiment
grief parce que je suis payé pour savoir ce qu’il en coûte
d’affronter les forces de la haine, du mensonge ou de la bêtise
dans le domaine limité de la recherche historique. Mais je
regrette que l’affaire Garaudy-abbé Pierre ait, en fin de
compte, pris cette tournure. Je le regrette pour les deux
intéressés et pour les révisionnistes français, quoique, pour le
révisionnisme lui-même, cette affaire ait, en dépit de tout,
marqué un nouveau progrès, à l’échelle du monde entier, dans la
recherche de la vérité historique.
C’est ainsi que, pour la première fois depuis 1945, un historien
orthodoxe, J. Baynac, s’est vu contraint d’admettre qu’il n’y a
aucune preuve de l’existence des prétendues chambres à gaz
nazies.
BIBLIOGRAPHIE
– Roger GARAUDY,
Les Mythes fondateurs de la politique
israélienne, paru en numéro
spécial, hors commerce, de la revue
La Vieille Taupe,
n° 2, décembre 1995, 240 p.
– Roger GARAUDY,
Les Mythes fondateurs de la politique
israélienne, Samizdat Roger
Garaudy, 1996 [mars], 279 p. ; sans en prévenir le lecteur,
l’auteur a sensiblement modifié son texte pour en atténuer le
caractère révisionniste. On comparera, par exemple, les pages
119-120 de la première édition avec les pages 134-135 de la
seconde édition. Il n’y a pas de bibliographie, sinon, sous la
dénomination de « bibliographie », une liste des ouvrages du
même auteur ainsi qu’une liste des études qui lui ont été
consacrées.
– Roger GARAUDY,
Le Communisme et la morale,
Éditions sociales, 1945, 126 p. ; cet opuscule, qui s’ouvre, en
guise de préface, sur un long extrait d’un texte de Maurice
Thorez (secrétaire général du Parti communiste français), permet
de faire le point sur le communisme orthodoxe de l’auteur en
1945.
– Roger GARAUDY,
Parole d’homme,
Robert Laffont, 1975, 269 p. ; cet ouvrage permet de faire le
point sur la personnalité de l’auteur et sur ses idées en 1975.
– Michel-Antoine BURNIER et Cécile ROMANE, éditions Mille et Une
Nuits, collection « Les petits libres », n° 11, 1996 [juin], 48
p. in-16 ; les auteurs révèlent que, dans un ouvrage qu’ils
avaient publié en 1993 aux éditions Robert Laffont, ils avaient
jugé bon de censurer certains propos de l’abbé Pierre.
– Collectif (Pierre Rabcoz,
François-Georges Lavacquerie, Serge Quadruppani, Gilles Dauvé,
«Reflex») Libertaires et
«ultra-gauche» contre le négationnisme,
préface de Gilles Perrault, 1996 [juin], 111 p.
– Pierre-André TAGUIEFF, « L’abbé Pierre
et Roger Garaudy. Négationnisme, antijudaïsme, antisionisme »,
Esprit,
août-septembre 1996, p. 205-216.
– Roger GARAUDY,
Droit de réponse. Réponse au lynchage
médiatique de l’abbé Pierre et de Roger Garaudy,
Samizdat Roger Garaudy, 1996, 38 p. – Le n° 47 du bimestriel
Golias Magazine
(mai 1996), organe de catholiques de
gauche ou d’extrême gauche.
– La Croix,
23 juillet 1996 ; cette livraison contient le « Communiqué à
La Croix
» du 22 juillet (« je décide de retirer
mes propos »), le texte d’une lettre « A Roger Garaudy, le 22
juillet 1996 », ainsi que des extraits d’une circulaire de
quatre pages, rédigée en juillet 1996 à l’abbaye de Praglia et
intitulée « Réponse à un inconnu ». L’intégralité de cette
circulaire n’a nulle part été reproduite.
La Croix en a
édulcoré le contenu par d’habiles coupures dont l’une, non
signalée, est particulièrement malhonnête. Les propos de l’abbé
Pierre sur la mise en examen de R. Garaudy, due à une plainte de
la LICRA, et sur la loi Gayssot sont passés sous silence. Ils
constituent le seul passage où l’abbé fait preuve de caractère,
quand il écrit :
La
LICRA a attaqué [R. Garaudy] en justice
;
je
suis tenté de dire :
“tant
mieux !” Mais j’ai compassion pour les juges qui auront à
décider en fonction d’une loi, dite Gayssot, déclarée par Simone
Veil “loi qui affaiblit la vérité historique en essayant de lui
donner valeur légale”. Loi contre laquelle votèrent, avec
Chirac, Juppé, Deniau, Jean de Gaulle, Barre, Balladur, les
actuels ministres de la Justice et de l’Intérieur Debré, et plus
de deux cent cinquante députés, membres aujourd’hui de la
majorité. Certes les termes de la loi Gayssot sont si nouveaux,
et si absurdes, qu’ils placent les juges dans une position
impossible, selon les propos de Monsieur Toubon [le 21 juin
1991] déclarant cette loi “inapplicable”.
– Le Nouveau
Quotidien de Lausanne, 2 et 3
septembre 1996 ; ces deux livraisons comportent une longue étude
de Jacques Baynac, intitulée « Le débat sur les chambres à gaz
».
– Robert FAURISSON,
« Un historien orthodoxe admet enfin qu’il n’y a pas de preuves
des chambres à gaz nazies » ; ce texte, daté « 2 et 3
septembre 1996 », porte sur l’étude, susmentionnée, de J.
Baynac.
1er novembre 1996
Notes
[2] Id.,
p. 72-147.
[3] Id.,
p. 135.
[4] Voy. Ecrits
révisionnistes (1974-1998), p. 1759.
[5] «
Si [l’abbé Pierre] avait nié la divinité du Christ, la presse
l’acclamerait pour sa farouche indépendance d’esprit. » J.
Sobran,
The
Wanderer,
9 mai 1996 (hebdomadaire catholique de l’Ohio – États-Unis.).
[6] Tribune
juive,
16 mai 1996.
[7] Selon
Le
Figaro,
1er-2
juin 1996.
[9] Id.,
p. 35-36.
[10] Le
Message de l’Islam,
Téhéran, juin 1996, p. 21.
[11] Collectif,
Libertaires et « ultra-gauche » contre le négationnisme,
Paris, Reflex, 1996.
[12] Id.,
p. 8.
[13] Id.,
p. 9.
[14] Id.,
p. 57.
[15] Id.,
p. 60.
[16] Id.,
p. 47.
[17] Id.,
p. 66.
[19] Le
Figaro,
22 août 1996.
[20] J.
Baynac et N. Fresco, « Comment s’en débarrasser ? », Le Monde,
18 juin 1987, p. 2.