Sahar :
Les cent
premiers jours de la présidence de M.Sarkozy s’achèvent. Quel bilan
politique national et international tirez-vous de ses premiers pas,
relativement à ses engagements électoraux qui lui ont valu son
succès ?
Pierre Dortiguier :
Le nouveau Président est demeuré, tel un éternel
candidat, sur un plan d’agitation vague et prometteuse ; et non
d’action limitée et définie. Il s’agit, à lire les sondages, d’un
bilan publicitaire positif [ celui effectué Dimanche 26 août
donne 71% d’opinion favorable,dont 96% pour l’électorat conservateur
et 48% pour celui de « gauche »] et tout se passe comme si la
campagne électorale suivait paradoxalement son train, devant des
Français charmés et parfois surpris d’une intimité de ton qu’ils
sentent un peu fausse et forcée, comme un sourire crispé, et
néanmoins flatteuse ; mais ce fut un vide politique.
Cette période des Cent jours est la prolongation de sa campagne
électorale sur la scène internationale, jusqu’à son second mandat
qu’il est ainsi en voie d’obtenir non pas par une direction réelle
des affaires publiques et internationales, à savoir par un programme
bien tracé, comme l’oeil du capitaine en mer fixé sur les étoiles,
et une perspective claire, une stratégie convaincante, mais par une
séduction constante et des tours de passe passe qui distrayent les
passagers ; il est occupé de plaire et laisse par conséquent dans le
flou ou dans une ambiguité constante tout ce qu’il fait .
Mais il a, ne pouvant se soustraire à la justice divine qui règle la
politique, dans son bilan rencontré deux obstacles que sa population
électorale n’a point encore saisis, mais qui ont révélé
l’impuissance ou mieux l’ignorance politique proprement dite de
l’ « hyperprésident » ; son talon d’Achille politique est
surtout fragile à l’étranger, en attendant que la situation
économique et l’augmentation des prix, par exemple, la faiblesse de
croissance etc. n’inquiètent les Français et leur fassent comprendre
combien les facilités faites aux fortunes alourdissent toutes les
charges des plus pauvres d’une société en voie de paupérisation,
sous les lampions menteurs de la publicité :
D’abord, son premier échec durable a été au Conseil de l’Europe,
lors de la discussion de la Constitution, quand il s’est emparé, au
mépris de ses partenaires, du mérite de la conclusion des débats,
comme la « mouche du coche » dans la fable de La Fontaine, et
ensuite en Afrique, lors de son discours du 25 juillet tenu à Dakar.
Dans le premier cas, il n’a pu duper ni Madame le Chancelier
d’Allemagne Angelina Merkel, par ailleurs inclinée vers l’Atlantisme
moins par conviction que par nécessité nationale de subir le poids
de soixante ans d’une occupation américaine interminable et d’autres
parasites, ni son ministre des Affaires Etrangères social-démocrate
M. Steinmeier ni les autres ministres du Bénélux, du monde
germanique continental, quand il a réclamé démagogiquement de
baisser le taux de l’euro, ce qui est une ignorance de l’économie et
de la nature du travail financier, un manque de sérieux ; jamais
l’Espagne, le Portugal de M.Barosso ni l’Italie n’eussent proposé
une telle insanité économique !
C’est au contraire la force de l’euro qui a permis, surtout à la
fragile France, d’éviter plusieurs dévaluations ; et le succès
économique du commerce extérieur allemand, bénéficiaire de 96,7
milliards conte un déficit de notre part de 15 milliards durant le
premier semestre, est là pour dire que les causes des misères
françaises sont ailleurs que dans une monnaie forte qui permet de
résister aux pressions américaines, notamment après l’éclatement de
la bulle immobilière et l’écroulement du château de cartes
financier.
Ensuite, et ce n’est pas le moindre événement de ces Cent jours, en
Afrique le divorce s’est produit définitivement entre la
personnalité de M. Sarkozy enfin fondue au soleil de Dakar et
l’élite de la jeunesse africaine qui n’attendait pas pareilles
considérations infamantes et venimeuses sur l’Afrique accusée d’être
peu encline à l’aventure et d’avoir été par nature incapable de
penser à l’avenir, qui étaient autant de clins d’oeil, comme s’il
parlait non pas à l’ auditoire africain devant lui, mais plongé dans
le rétroviseur de son récent électorat qu’il s’agit de garder sous
pression, alors que les Africains attendaient un entretien
objectif sérieux sur le développement d’une Afrique ouverte
désormais au monde, à toute l’Asie.
Ce qui intéresse M.Sarkozy n’est pas une politique à mener,
mais son image à conserver brillante Il sait la monnayer , mais non
point réfléchir à une politique et en convaincre parce qu’il
n’invente pas, il occupe une place, sans plus. Telle est la
différence que la philosophie opère entre un sophiste, un vendeur de
sagesse et un savant qui possède cette dernière et la communique ;
il n’y a pas eu dans cet épisode des Cent jours de langage
politique ; rien qu’une manoeuvre ou une volonté de retenir ainsi
l’attention sur scène, car l’acteur en question ne circule dans
aucune autre enceinte : il n’a pas quitté le théâtre électoral où il
cherche les applaudissements à la tombée de rideau.
Sahar :
On a beaucoup parlé aussi du
symbole des dernières vacances de M.Sarkozy choisies dans le Maine,
près de la demeure familiale des Bush et de sa tendance à se
rapprocher des points de vue des Etats-Unis, pensez-vous qu’il y a
là le signe d’un rapprochement franco-américain en politique
extérieure qui romprait avec la politique suivie par la France
depuis le général de Gaulle?
Pierre Dortiguier :
L’on ne peut parler proprement de tendance, car
toute tendance est un compromis et une certaine hésitation ou
oscillation entre ce qu’on n’est pas et ce qu’on voudrait être, car
il s’agit, au contraire, dans le cas de celui qui se montre
« hyperprésident », du partage complet et bien assis d’une
conception du monde avec celle de M. Bush et plus généralement avec
la manière anglo-américaine à laquelle MM.. Sarkozy et Kouchner ont
donné leur accord, par l’appui ancien et clair à l’invasion de
l’Irak ou le mépris, qui a échappé à M. Sarkozy, du Hezbollah traité
de « terroriste » à la veille de la conférence de Paris .
Et il ne s’agit donc pas seulement d’un goût pour le cinéma
américain, mais d’une adhésion commune non pas à la démocratie, mais
à la ploutocratie ou pouvoir de la richesse ; la ploutocratie
qui est le modèle politique américain par excellence et de ceux qui
l’inspirent et a modelé l’impérialisme britannique du siècle
dernier, substitue la loi du profit financier à celle de la
construction, de l’édification reposant sur une harmonie sociale;
c’est pourquoi Sarkozy prèche sur le plan national et international
le regroupement des riches, en se séparant des pauvres par un mur
politique.
C’est une avarice, qui est le plus grave des vices en théologie
morale, et chez nous le pape Léon XIII, citant saint Augustin
commentant le Psaume XXXI, a condamné, à la toute fin du XIXème
siècle, cette variante de l’activisme, de l’agitation effrénée, de
la course de vitesse autour des seuls bénéfices, sous le nom d’ « américanisme »
dans sa lettre encyclique latine au cardinal- archevêque de Boston
Jacques Gibbons datée de Rome, 22 janvier 1899 : « de grandes
forces, une course très rapide, mais en dehors de la voie ».
Kouchner est dans la course, il suit ; agitateur soixante-huitard
de la Faculté de Médecine de Paris déclamant, en énerguène,
furieusement contre le général De Gaulle qui était alors victime,
sous une démagogie de révolution de rue, de sa condamnation en 1967
de l’agression sioniste. Il déclame aujourd’hui contre les
imitateurs de De Gaulle en Irak,au Liban.
Cette rupture d’avec la politique du général est bien sûr
hypocrite, feutrée, mais pour employer n mot ancien, foncière.
Les Français ne doivent pas s’en rendre compte brutalement.
Aussi M. Sarkozy dissipe-t-il le crédit de la France accumulé par
ses prédécesseurs patriotes, comme un « fils de famille » soumet à
son bon vouloir l’entreprise héritée, tandis que ses prédécesseurs
pliaient leur volonté aux nécessités à la fois nationales et
internationales de paix politique et sociale et de « repos de
l’ordre » qui est la seule paix politique et sociale, la seule voie
de justice, comme De Gaulle le remarqua contre Israël en 1967 et
Chirac-Villepin le redirent, contre les néo-conservateurs et le
concert des médias sionistes des deux côtés de l’Atlantique, en 2003
à l’O.N.U., dans le seul discours qui ait jamais été applaudi par
l’assistance unanime.
Aussi peut-on dire que le pavillon sous lequel navigue M.Sarkozy
sur son lac politique, n’est proprement ni le drapeau tricolore
américain, ni le français qui fut son imitation rapportée par La
Fayette - ; mais un drapeau de « derrière la tête », eût
écrit Pascal , incliné sur le sillage de sa navigation, celui de la
ploutocratie convertie en caricature politique et qui s’effondrera,
tel un tréteau pourri, comme la Foi nous l’enseigne et les partis
l’ignorent.
Cent jours dont la fin est comparable seulement à celle qui a vu,
par l’effet d’une manipulation des événements, la hausse
rothschildienne de la bourse de Londres en 1815, et non la chute du
Corse imitateur d’Alexandre le Grand.
Entretien du Dimanche 26
août 2007 avec l’IRIB sur le remplacement du Premier ministre
irakien demandé par le chef de la diplomatie ffrançais.
IRIB:
le Ministre français des Affaires
Etrangères, M.Bernard Kouchner a déclaré que le Premier ministre
irakien Nouri al Maliki doit être remplacé. Comment en fait
expliquez vous cette déclaration du ministre français des affaires
étrangères ?
Pierre Dortiguier :
Certainement par un objectif stratégique
qui est discuté depuis très longtemps entre les Américains etet il
faut appeler leurs alliés proches, à savoir l’effacement de
l’ancienne unité de l’Irak. Je crois que ce qui est derrière les
reproches de M.Kouchner, ce n’est pas un jugement personnel contre
la valeur de M.Maliki.
Mais c’est une résistance et une opposition qu’ont les Américains en
la personne de ce premier ministre irakien, car celui-ci essaie au
dessus des dissensions qui sont créées et alimentées entre autre par
le terrorisme, de maintenir,disons, un bien commun,une perspective,
une force ,disons, de l’Etat irakien qui s’est manifestée dans sa
dernière visite en Iran, il a fait cette visite, il apparaît comme
le chef à l’intérieur d’un Etat qui défend l’idée d’un Etat irakien.
Je crois que la perspective des Américains est de diviser, ce qu’ils
appellent la démocratie, mais en fait c’est le partage territorial
de l’Irak ; ils veulent diviser en trois parties l’Irak, un Irak
chiite, un Irak, sunnite et un Kurdistan ; ils veulent même étendre
la part du Kurdistan pour mordre sur la Turquie ; il s’agit d’un
remodelage qui vise tous les autres pays d’Orient, ce n’est pas
seulement une question irakienne, or nous voyons avec une très
grande appréhension ces va-et-vient de M.Kouchner qui ne sont pas
simplement pour régler telle ou telle question précise, mais
justement pour pouvoir redonner un sens à cette solution qui est
déjà discutée et qui évidemment est discutée à l’encontre des
peuples et discutée avec le mépris complet de la démocratie.
C’est en fait une néo-colonisation , sous le paravant quelconque
humanitaire et autre; il s’agit d ‘entreprise très difficle, très
dangereuse ; je crois que le masque cependant tombe, je pense que M.
Kouchner fait apparaître son vrai visage à l’opinion publique, je
crois malheureusement que nous autres en France nous serons les
derniers à nous en rendre compte,mais la réaction du peuple
français, à mon avis, sera une réaction de défaveur et de
désapprobation de cette politique.
IRIB:
En fait les déclaration de M.Bernard
Kouchner interviennent à un moment où lors en fait de sa récente
visite en Irak, M.Kouchner a plaidé pour une solution irakienne tout
en disant qu’il n’avait pas de solution miracle pour les Irakiens ;
or il a appelé les Irakiens à la patience, il a plaidé pour une
solution irakienne ; mais en fait ces déclarations contredisent
cette idée même de M.Kouchner, n’est-ce pas ?
Pierre Dortiguier :
Oui, en effet, il ne faut pas se prendre au jeu
de M.Kouchner ou des personnes de son apparence, lorsqu’il dit
que les Irakiens doivent régler entre eux leurs affaires, il
sous-entend que ce sont les étrangers à l’Irak qui sont la cause
même des troubles de l’Irak et non pas l’occupation étrangère
américaine ; il s’agit là d’une manière que nous connaissons ici et
qui est disons, très hypocrite, venimeuse, pour le dire ; et je
crois que si M. Kouchner n’aime pas beaucoup faire de déclarations,
il y a ses sous-entendus ; vous savez que nous savons ici qu’il ne
parle jamais, par exemple, de la guerre en Irak, il parle de
violence en Irak.
Il sous-entend que ces violences viennent également des voisins de
l’Irak. Cest ce flou justement qui est en oeuvre disons, dans ces
manoeuvres, dans ces troubles, dans ces manipulations, je crois que
M.Kouchner ici montre qu’il est entièrement dévoué sous un masque
humanitaire aux objectifs américains, je rappelle d’ailleurs qu’il a
toujours été favorable à la guerre américaine en Irak qu’il a
présentée sous un voile humaniste ou humanitaire et ceci montre le
danger même de la politique extérieure qu’il mène au nom du peuple
français et à laquelle tous les peuples s’opposeront et en premier
le peuple français lui-même.
IRIB:
Que vous semblet-il de la nouvelle
orientation de la politique étrangère de la France ?
Pierre Dortiguier :
C’est le retour progressif à la politique
mandataire d’entre deux guerres ; on veut bien laisser la
disposition de leur corps au gens d’Orient mais à condition d’être
leur tête et de leur désigner, comme à des mineurs,ce qu’ils ont à
faire ! Elle connaîtra le même sort que la précédente, car l’Asie
entière fera son unité contre elle ! |