1. Tristan Sarong,
"En mai 1969 déjà, l'attaque des bâtiments
diplomatiques viêtnamiens avait été préparée,
puis décommandée", Le Monde du 14 mars
1970.
2. Philippe Devillers,
"L'impasse des négociations de Paris: l'attitude américaine
ne laisse entrevoir que la poursuite d'une guerre d'usure au Viêt-Nam",
Le Monde diplomatique, décembre 1969.
3. Cf. Le Monde
du 2 juillet 1969. Le G. R. P. diffusera une circulaire dans ce
sens. (Voir plus haut p, 35, note 62).
4. C'est la position
du prince Souvanna Phouma, au Laos, qui, ne représentant
pas la droite, peut faire une politique de droite et maintenir
ainsi un équilibre virtuel qui préserve une dernière
chance de compromis. Voir également, plus loin, p. 258.
5. Termes du communiqué
diffusé par le "gouvernement de sauvetage", le
18 mars.
6. op. cit.,
p. 18.
7. De Pékin,
dans une déclaration écrite à la presse,
datée du 15 avril. En annexe, p. 357.
8. S'aidera-t-on
jamais assez de Paul Mus pour comprendre les soubresauts de la
société indochinoise? "Selon la manière
de voir locale, c'est une conception que l'on pourrait nommer
cosmique ou climatique des révolutions: cette manière
de dire est d'ailleurs constante dans les textes chinois. Selon
eux, en ces moments critiques, les institutions, les doctrines
et les hommes qui sont au pouvoir changent en bloc, comme une
saison se substitue à la précédente."
Et plus loin: "Pour chacun, au Viêt-Nam, et particulièrement
pour les classes possédantes et dirigeantes, la silhouette
du pouvoir eu période de stabilité est tout autre
qu'émaciée. Le caractère chinois yuan, qui
veut dire "rond" et qui évoque la plénitude
du cercle, était le terme générique servait
à désigner les choses respectables, notamment les
mandarins. Une vertu antagoniste préside au contraire aux
révolutions, en ces moments critiques, comparables à
un changement de saison où le destin règle ses comptes
avec lui-même et où la main passe." (Viêt-Nam,
sociologie d'une guerre, p. 26 et 28.)
9. Des thèses
contradictoires circulent à propos de MM. Hu Nim, Khieu
Samphân et Hou Yuon, députés des provinces
de Kompong Cham et de Kandal, devenus ministres dans le gouvernement
en exil du prince Sihanouk. Selon Phnom Penh, Norodom Sihanouk
aurait promu des morts -- deux au moins d'entre eux auraient été
liquidés par la police en 1967. D'autres pensent qu'ils
sont tous les trois en vie. Si le G. R. U. N. le prouvait, il
porterait un coup sévère au personnel politique
du régime de Phnom Penh. D'après des sources proches
du F. U. N. K., à Paris, c'est M. Hu Nim qui, dans une
allocution radiodiffusée, a inauguré l'émetteur
de la "Voix du F. U. N. K.", le 1er août 1970.
(Cf. Nouvelles du Cambodge, n· 16, 10 août
1970.)
10. Par exemple,
le texte d'un tract diffusé le 5 avril, intitulé
"Les Khmers doivent vaincre les Viêts": "Frères
de sang khmer! En ce moment Sihanouk le traître autorise
les Viêtcong à envahir la terre khmère et
à tuer les Khmers. Mais les Khmers, cette race courageuse,
doivent s'unir pour lutter hardiment. La race khmère ne
se laisse vaincre par personne. Quoiqu'il arrive, les Khmers ne
quitteront pas leur pays. Levez-vous hommes et femmes, et vous,
enfants et vieillards. Organisons-nous pour défendre la
terre de nos ancêtres. Unissons-nous pour chasser la race
des bandits viêtcong hors de notre territoire..." (Reproduit
dans les Cahiers de mai, n· 20, mai 1970, p. 27.)
Ou encore celui-ci qui date aussi d'avril
et dont le texte accompagne une caricature montrant Sihanouk donnant
la becquée à un Viêtcong hilare, assis sur
une chaise, tandis qu'un jeune couple khmer, assis à terre
tend désespérément un bol vide: "L'an
passé, il y avait abondance de riz chez nous, mais Sihanouk
envoyait tout aux Viêtcong si bien que les Khmers n'avaient
plus rien à mettre dans leurs marmites. Quand le peuple
khmer mourait de faim, Sihanouk accusait les Thévoda [esprits]
de ne pas faire assez pleuvoir. C'est pourquoi on manquait de
riz au Cambodge. Sihanouk envoyait du riz aux Viêtcong pour
leur donner de la force afin qu'ils tuent les Khmers du Kampuchea
krom et de la frontière. Sihanouk a trahi la nation khmère."
11. Les préjugés
raciaux et l'idéologie raciste sont loin d'être le
privilège de la société occidentale et, en
Asie, plongent leurs racines dans un passé culturel antérieur
à la colonisation, bien que cette dernière ait beaucoup
fait pour les exacerber et leur donner une formulation moderne.
Sans chercher ici à en retracer l'histoire, on se bornera
à constater qu'à l'heure actuelle les préjuges
racistes sont surtout l'apanage des classes "bourgeoises"
dans les villes. Leur premier objet est la couleur de la peau.
On trouvera couramment chez les jeunes Viêtnamiens le sentiment
de la supériorité de la peau jaune sur la blanche,
et a fortiori sur la noire. Au Viêt-Nam comme ailleurs,
la population est assez mélangée et les individus
très basanés ne sont pas rares: ils ont à
subir les plus odieuses moqueries. Les indigènes montagnards
ou négroïdes, les Noirs américains, les Indiens
sont considérés par certains comme n'étant
pas réellement humains. Les Khmers, de complexion généralement
plus foncée, sont méprisés pour cette raison,
au même titre d'ailleurs que les paysans tannés par
le soleil de la rizière. "Ils sont noirs comme des
singes", entendra-t-on dire par des jeunes filles de bonne
famille qui, pour rien au monde, n'accepteraient de s'exposer
aux rayons du soleil. Les Chinois, satisfaits de leur pâleur,
pensent de même. Dams le canon sino-viêtnamien, L'ivoire
et la face de lune sont des critères de la beauté
du teint. Pour les jeunes bourgeois ou semi-intellectuels khmers
qui partagent ces préjugés, la situation est plus
difficile en raison de la place médiocre qu'ils occupent
eux-mêmes dans l'échelle de la blancheur. C'est une
des racines du complexe d'infériorité que beaucoup
ressentent à l'égard des Viêtnamiens ou des
Européens.
Les préjuges sur la religion ne
contribuent pas peu au malentendu. On croit couramment, en milieu
khmer, que les catholiques égorgent des enfants pendant
la messe. La symbolique chrétienne se voit ainsi prise
au pied de la lettre. De fait, ces préjugés sont
surtout véhiculés par ce qu'il faudrait bien appeler
une culture "bourgeoise" locale, qui est essentiellement
un sous-produit du système d'éducation colonial.
Autrement dit, il touche peu les campagnes oh les différences
ethniques et culturelles sont certes perçues, mais intégrées
à un univers cosmique et moral qui définit l'étranger
comme avant tout "celui qui n'est pas d'ici", et où
rôles sont distribués une fois pour toutes. L'idée
de pogrom n'y a pas cours. Mais même dans les villes, où
existe une certaine prédisposition des esprits, la participation
spontanée aux pillages ou aux violences racistes s'est
limitée à un nombre extraordinairement restreint
d'individus, le plus souvent des jeunes lycéens, encouragés
par quelques maîtres fanatiques.
12. A la veille
de la crise de mars 1970, la communauté viêtnamienne
du Cambodge comptait de trois à quatre cent mille âmes.
L'Eglise catholique comptait soixante mille fidèles environ,
dont à peu prés cinquante mille Viêtnamiens.
13. Ces brutalités
sont assez difficiles à expliquer. D'une manière
générale les Cambodgiens sont des gens doux et paisibles,
doués d'une extrême patience. Mais il semble que,
extirpés de leur milieu villageois et de ses contraintes
coutumières, confrontés à l'enjeu de la vie
dans la guerre ou le banditisme, les contraintes soient toutes
levées d'un coup, comme si l'absence de corps intermédiaires
dans la société trouvait un parallèle dans
la psychologie individuelle: l'absence d'un code de conduites
graduelles permettant de réagir à la confrontation,
à différents niveaux; Selon la pression exercée,
on passerait ainsi de l'extrême docilité à
la plus implacable cruauté. Il faudrait donc imputer à
la culture khmère cette absence de faculté d'adaptation,
dont témoigne en tout cas l'histoire du royaume et de ses
institutions. Mais ce n'est là qu'une hypothèse,
assez gratuite au demeurant, et que beaucoup de faits viendraient
contredire. Quant à la cruauté d'autres groupes,
comme ceux de mercenaires khmers krom ou des contrebandiers aux
frontières, on peut l'assimiler sans trop de risques à
celle de soudards habitués au pillage ou de bandits sans
feu ni lieu.
14. Dès
1968-1969 en effet, diverses mesures avaient provoqué un
sentiment d'insécurité parmi la communauté
viêtnamienne. Les pots-de-vin réclamés en
diverses occasions, en particulier pour l'obtention de papiers
d'identité étaient devenus exorbitants. A partir
de mai 1969, des rafles eurent lieu. Des centaines de Viêtnamiens
étaient parqués, parfois pendant plusieurs jours
dans des sortes de camps, à la sortie de la ville, sans
qu'aucune raison officielle ne soit donnée. Le prétexte
fallacieux d'une criminalité particulièrement élevée
dans le quartier viêtnamien, dit village catholique, permettait
à la police toutes sortes d'exactions. Il n'y avait de
recours que sonnant et trébuchant.
15. Le fait que
les catholiques aient été au centre de la répression
et la présence de nombreux journalistes occidentaux ont
joué un rôle décisif pour freiner les massacres
en cours. Quatre ans plus tôt, en Indonésie, le massacre
d'un demi-million de personnes était passé pratiquement
inaperçu, sur le moment, de l'opinion internationale. La
presse a d'ailleurs payé un large tribut entre mars et
août 1970: cinq morts, vingt-cinq prisonniers ou disparus
pendant des semaines ou des mois, de nombreux blessés,
une dizaine de journalistes expulsés ou interdits de séjour.
16. "Les
organisations de secours bouddhistes, catholiques et laïques
sont arrivées en privé, à l'estimation suivante:
de vingt à trente mille Viêtnamiens ont été
tués ici [au Cambodge] après le coup d'Etat de mars
qui a déposé le chef de l'Etat, Norodom Sihanouk.
Les officiels cambodgiens rejettent ces chiffres qu'ils estiment
exagérés, mais refusent de donner les leurs."
(The Baltimore Sun, 22 août 1970.)
17. Cf. "En
un mois, dix bataillons khmers ont disparu, dix autres sont encerclés
ou en voie de l'être", Le Monde du 8 mai 1970.
18. Cf. "La
prise du bac de Neak-leung", Le Monde du 15 mai 1970.