203 -- "L'idée de conférence internationale
ou la grande mystification des peuples", Gazette du Golfe
et des banlieues, n.2, Paris, mars 1991, p. 16-22
Dix jours après avoir occupé
le Koweit et quelques jours après en avoir proclamé
l'annexion, le président irakien, Saddam Hussein, a proposé
la tenue d'une conférence internationale où tous
les grands problèmes du Moyen-Orient-- en particulier ceux
qui découlent de l'occupation militaire ou de l'annexion,
comme ceux du Liban, doublement occupé, de Jérusalem
et de la Cisjordanie-- auraient été traités,
en application d'ailleurs des très nombreuses résolutions
des Nations Unies restées lettres mortes, ainsi que la
question du Koweit. La réponse fut unanime et immédiate:
Moscou, Paris, Washington, Londres dirent NIET. La raison en était
très simple: les Occidentaux tenaient le prétexte
juridique parfait pour monter une opération de destruction
de la puissance régionale de l'Irak. On avait pu en observer
les préparatifs depuis longtemps, dans le domaine de la
propagande. Car en même temps qu'ils refusaient absolument,
sans nuance, l'idée d'une telle conférence où
Saddam aurait mis le Koweit dans la balance, les mêmes puissances
convenaient qu'il faudrait bien, à un autre moment, et
après la défaite de l'Irak, tenir une telle conférence
pour régler les problèmes lancinants du Moyen-Orient,
qui portent en eux le danger toujours présent de la guerre,
de l'instabilité et de l'agitation contre l'hégémonie
des grandes puissances.
Les Soviétiques, très engagés dans la collaboration avec les Américains, pour tenter, en s'appuyant sur eux, d'empêcher l'éclatement de l'Union, se sont provisoirement retirés du jeu moyen-oriental. Rien ne dit qu'ils n'y reviendront pas si les nécessités intérieures le commandent ou le permettent. Mitterrand, de son côté, a fait de l'idée d'une conférence internationale qui, miraculeusement, réglerait tous les problèmes de la région, son petit cheval de bataille. Le ballet diplomatique auquel nous avons assisté entre août et janvier avait pour seule fonction d'endormir l'opinion afin qu'elle ne se réveille, comme la Belle au bois dormant, qu'une fois la guerre déclenchée. Pour coller aux Américains, il fallait seulement reporter cette conférence au lendemain d'une éventuelle mais improbable évacuation volontaire du Koweit par l'armée irakienne. Le seul ennemi véritable de cette idée est Israel, et nous verrons pourquoi. Les Américains qui, dans le passé, ont maintes fois proposé une formule assez vague de discussions portant sur le conflit israélo-arabe dans le cadre d'une pax americana, difficile tant que les Soviétiques étaient là, n'avaient pas de raisons réelles de s'y opposer, sinon le besoin constant de s'aligner sur Israel. Il est de fait qu'une conférence à laquelle Israel ne participerait pas n'aurait guère de sens. La question alors se déplaçait: les Américains avaient-ils le désir, la volonté d'imposer une telle solution à Israel?
Au début de la présidence Bush, le Secrétaire d'Etat James Baker a eu des mots très durs pour condamner l'immobilisme israélien, mais ils n'ont pas été traduits dans les actes. Il est de fait que dans le système politique américain, tel qu'il fonctionne aujourd'hui, aucun président n'a le moyen de passer aux actes s'il veut faire pression sur Jérusalem. Au contraire, toute pression, quelque verbale et platonique qu'elle soit, oblige à compenser Israel par un surcroît de crédits ou d'armements. Profitant de cette situation, le gouvernement Shamir, qui redoute l'éventualité d'une conférence, se démène comme un beau diable, dans la presse et l'opinion américaine, pour la bloquer. Pour le moment, et tant que la guerre continue, les Américains préfèrent rester dans le vague. Ils n'ont d'ailleurs pas encore entamé une réflexion sérieuse sur ce qui se passera après la fin de la guerre, tout en étant convaincus que la guerre aura effectivement une fin, assez proche. Cette analyse pourrait bien se révéler erronée, comme quelques autres faites à Washington sur ces sujets.
Pourquoi Israel se refuse-t-il avec une telle véhémence à accepter le principe d'une conférence internationale qui résoudrait ses problèmes de sécurité? Il y a plusieurs sortes de raisons. La première, et sans doute la plus importante, c'est qu'aux yeux des fondateurs de l'Etat, encore au pouvoir aujourd'hui, qui sont de vieux militants sionistes, l'Etat d'Israel est loin d'avoir obtenu l'étendue géographique qui devrait être légitimement-- dans l'esprit sioniste-- le sien. Certes, il y a plusieurs courants dans le sionisme et ils se différencient entre autres sur cette question. Mais il se trouve que les gens actuellement au pouvoir sont des partisans déclarés du "Grand Israel", un espace qui irait du Nil, ou en tout cas du Sinai, à l'Euphrate, ou en tout cas jusqu'aux steppes désertiques qui le bordent dans le désert syrien. Dans cette conception géopolitique, le rapport de force actuel n'est qu'une étape, une transition vers un accroissement de cet espace vital perçu comme nécessaire du point de vue militaire et justifié par référence à la Bible.
On voit bien, à l'époque des missiles à longue portée, ce que cette vision de la sécurité, fondée sur des concepts militaires périmés, peut avoir d'archaique et de dérisoire. Mais Israel n'a jamais pu se résoudre à une conception politique de sa sécurité, qui ébranlerait des dogmes fondateurs. Une chose en tout cas est sûre: l'Etat d'Israel n'a pas de frontières. Il n'a jamais, dans aucun document officiel, depuis 1948, défini une ligne qui pourrait s'appeler frontière. Il ne connaît que des lignes d'armistices et il n'a jamais indiqué qu'il voulait les transformer en frontières "sûres et reconnues". Une bonne partie des dirigeants étaient hostiles aux Accords de Camp David parce qu'ils obligeaient à rendre le Sinai, déjà conquis deux fois, et encore aujourd'hui on ne considère pas, dans ces mêmes milieux, la frontière avec l'Egypte comme réellement définitive. De même, Israel, sans doute pour mieux marquer que la situation est provisoire et qu'il n'a pas achevé de se déployer entièrement, n'a pas formulé de constitution. On se satisfait des lois coloniales anglaises que l'on bricole en fonction des besoins
La deuxième raison est qu'en choisissant, bien avant 1948, d'imposer la création d'un Etat par la force militaire et en refusant ensuite tout accord avec les Etats arabes, Israel a choisi de ne vivre, et de ne survivre que par la force brute et la suprématie militaire. Après 1948, Israel s'est lancé dans la guerre à trois reprises (1956, 1967, 1982) pour écraser tout début de résurgence d'une force arabe quelconque. Une seule fois, les Arabes ont attaqué, en 1973, et c'était leur propre territoire, alors occupé par les Israéliens. En même temps qu'il exerçait cette suprématie militaire quasi absolue, Israel répandait dans le monde l'image d'un pauvre petit peuple menacé par de gros et méchants voisins, ce qui était l'inverse complet de la réalité. Ces jérémiades, parfaitement orchestrées dans l'opinion européenne et américaine grâce à une presse entièrement dévouée, allaient rapporter une aide colossale, en argent frais et en armes, qui ont garanti à la fois un niveau de vie, sans rapport avec les capacités productrices réelles de la société israélienne, et le maintien d'un arsenal très moderne, infiniment supérieur à celui de tous les Etats arabes réunis.
Si une conférence parvenait à créer, dans l'opinion mondiale, le sentiment qu'Israel n'est plus menacé, qu'un arrangement de sécurité permettait d'ôter toute crainte aux partisans d'Israel, alors le flux des aides financières se tarirait peu à peu. La solidarité ne paierait plus. La culpabilité tomberait en friche. Le niveau de vie des Israéliens, n'étant plus dopé, s'effriteraient vite. (Rappelons que les seuls Etats-Unis injectent entre 3 et 5 milliards de dollars par an, soit pour environ 4 million de personnes, entre le tiers et la moitié de ce que les Etats-Unis fournissent comme aide au reste de la planète). Beaucoup de gens retourneraient en Europe et aux Etats-Unis pour retrouver un niveau de vie auquel ils se sont habitués. La discipline sociale imposée par la profonde militarisation de la société perdrait sa raison d'être. Les tensions entre juifs orientaux coincés sur place et achkénazes, beaucoup plus liés au monde industriel et pouvant partir plus facilement deviendraient intolérables. Le puissant racisme anti-arabe, né de 40 ans de guerre et de répression vraiment sauvage, devenu une des formes dominantes de la conscience israélienne, serait un obstacle énorme à l'intégration des Israéliens dans un Moyen-Orient pacifié. Toute l'architecture de l'Etat, sa symbiose avec l'armée et les services de renseignements, son système d'éducation militariste, son sens de la communauté fondée sur l'angoisse partagée devant la guerre et ses menaces, tout cela s'effondrerait si la paix venait leur ôter toute raison d'être. En Israel, tout, y compris l'implantation de l'habitat, la répartition de l'eau d'irrigation, le système d'intégration des étrangers, le commerce extérieur, entièrement dépendant des ventes d'armes, tout est fondée sur la guerre et l'anticipation de la guerre. On conçoit qu'une telle société, résolument organisée par ses pères fondateurs pour exercer une hégémonie militaire sans limite, y compris le chantage nucléaire, soit tétanisée dans le refus d'un processus qui amènerait, avec la paix, la remise en question de la totalité des dogmes qui président à son existence.
Sur le plan diplomatique, le gouvernement israélien préconise comme alternative à une conférence internationale qui limiterait son expansion territoriale et lui imposerait la paix, et peut-être une limitation des armements, une négociation individuelle, au coup par coup, avec chacun des Etats arabes de la région, de préférence juste après qu'ils aient subi un désastre militaire. On ne négocie pas avec un adversaire fort, militairement ou politiquement. Mais on tente d'imposer ses exigences à un opposant défait, sans se soucier du fait que de si mauvais acquis seront remis en cause à la génération suivante. On en a un exemple avec l'Egypte. Au cours des longues et pénibles négociations, à Camp David, qui sont intervenues sous la pression de Jimmy Carter, alors président des Etats-Unis, les Israéliens, en échange de la paix avec l'Egypte, se sont engagés à donner l'autonomie aux Territoires occupés. Cette autonomie, outre toutes les justifications qu'elle pouvait avoir en soi, représentait pour le gouvernement Sadate, la seule preuve qu'il y avait, pour les Arabes, quelque chose à gagner à passer un accord avec Israel, que l'on pouvait, sans guerre, avancer concrètement sur le chemin de la reconnaissance et l'émancipation du peuple palestinien. Mais, Begin et ses successeurs n'ont pas pensé une seconde à remplir leur part de contrat. Dans le principe de l'autonomie, il y avait évidemment celui d'élections libres. Elles auraient fatalement amené une assemblée avec une large majorité OLP.
Or les Israéliens veulent bien discuter avec des Palestiniens à condition qu'ils soient "modérés", c'est-à-dire qu'ils soient entièrement dévoués à Israel. Ces "modérés" sont introuvables car même ceux qui sont effectivement les plus modérés, politiquement, sont solidaires d'une OLP qui l'est elle-même passablement. Rappelons que l'OLP, pour se faire admettre comme partie prenante dans un processus de paix, a accumulé concessions sur concessions, allant jusqu'à reconnaître unilatéralement l'Etat d'Israel. Le seul résultat de cette politique de souplesse a été l'invasion du Liban en 1982, l'expulsion d'une OLP que l'armée israélienne n'a pas osé essayer de détruire, le massacre des civils palestiniens à Sabra et Chatila, une répression beaucoup plus féroce dans les Territoires occupés et un refus total par le gouvernement israélien d'accepter que l'OLP ait un rôle quelconque dans les négociations. Si l'on cherchait une preuve de plus, fort récente, de l'hypocrisie profonde de cette politique israélienne, on la trouverait dans l'arrestation, peu après le début de la guerre du Golfe, du professeur palestinien Sari Nusseibe. C'est un intellectuel connu, modéré, influent, que les Américains considèrent comme le type même de l'interlocuteur valable. Les Américains avaient spécifiquement demandé aux Israéliens de lui marquer une certaine considération. Par pure provocation, et pour marquer le mépris dans lequel il tient la politique américaine, le gouvernement israélien l'a fait arrêter sous l'inculpation grotesque d'espionnage au profit de l'Irak. Faute de trouver des arbres qui cacheraient la forêt, les Israéliens ont donc renoncé, et pour longtemps, a donner l'autonomie. C'est de là qu'est née l'Intifada.
Tout gouvernement arabe, même s'il était tenté de discuter avec le gouvernement israélien, sait donc que ce dernier cherchera à lui extorquer, malgré l'état de guerre en vigueur depuis 1948, un engagement de non hostilité en lui faisant des promesses qu'il ne tiendra pas. Les Américains, qui avaient garanti le processus de Camp David et donc de l'octroi de l'autonomie aux Territoires occupés, ont renoncé à faire la moindre pression sur Jérusalem. Ils se sont ainsi durablement déconsidérés dans le monde arabe qui a tendance à voir en eux des mercenaires de Jérusalem.
Les Israéliens le disent très clairement, ils le crient même très fort: ils ne veulent pas d'une conférence internationale. Mitterrand affirme qu'il y tient. C'est pourquoi il se fait insulter à longueur de colonnes dans la presse israélienne qui l'accuse d'avoir "surarmé" l'Irak. Il n'aurait pas le moindre crédit en pays arabe s'il ne tenait pas à ce minimum, qui n'engage en fait a rien. Il y a des conférences qui échouent, ou qui durent des années. Pour Israel, qui recourt facilement au chantage ("Rappelez-vous comment, avant la guerre, vous avez laissé tomber les juifs!"), il faut durer le plus longtemps possible, tout en sachant que les pressions pourraient un jour arriver. Il a été dit assez clairement que la "retenue" de Shamir lors des attaques de Scud a été négociée avec Washington pour obtenir un engagement clair des Américains qu'ils ne feraient aucune pression, après la guerre du Golfe, pour réunir une telle conférence et forcer les Israéliens à y siéger.
Mitterrand sait donc pertinemment que cette conférence n'aura pas lieu. Il aurait très bien pu en faire un véritable cheval de bataille. Il aurait pu échanger cette idée de conférence contre un veto au Conseil de Sécurité au moment du vote de l'ultimatum. Il aurait pu, le dernier soir, au Conseil de Sécurité, mettre en balance l'engagement militaire français contre la promesse d'une telle conférence. Au contraire, il n'a pas insisté, il a baissé les bras tout de suite. Lors de ses interventions à la télévision, il a passé sous silence le refus assez sec des Américains et il a attribué l'échec de sa proposition au seul Saddam Hussein. Proposer cette conférence comme,"but de paix" alors qu'on sait qu'elle n'aura pas lieu participe de la même tromperie que celle qui a consisté à faire croire aux Français qu'on pouvait maintenir la paix dans le Golfe, en sachant très bien qu'on allait tout droit à la guerre, et qu'on la préparait activement. Tromper les Français et tromper les Arabes à seule fin de complaire aux Américains? Cette politique est totalement lamentable.
Mitterrand a d'ailleurs commencé une savante manoeuvre de recul. A la télévision, le 7 février, il a parlé de "une ou plusieurs conférences", s'alignant encore une fois sur les Américains. James Baker, un ou deux jours auparavant, a parlé de plusieurs problèmes, contrôle des armements, rééquilibrage politique, reconstruction du Koweit et de l'Irak, et, tout à la fin, question israélo-arabe Il y aurait donc une série de problèmes qui seraient traités les uns après les autres et, en dernier lieu, celui des Palestiniens. C'est bien ce qu'a laissé entendre Mitterrand. Il est évident que si "on" règle tous les problèmes des Arabes et qu'il ne reste plus à traiter que la question palestinienne, on aura des Arabes matés, assommés par la guerre, réorganisés par la volonté stratégique des Américains et qu'on pourra, à ce moment-là, leur extraire toutes les concessions utiles à Israel qui n'en fera aucune, ou qui prendra à l'égard des Palestiniens des engagements qu'il lui sera facile de ne pas tenir. L'histoire de Camp David se répétera. Les Palestiniens, floués une fois de plus, se feront massacrer dès qu'ils protesteront et on les accusera de menacer Israel. Avaler le principe de "plusieurs" conférences, c'est accepter qu'on mette à la fin du processus la solution du problème central et surtout l'éventualité qu'on ne le traite pas du tout.
C'est en découpant les problèmes comme des tranches de saucisson qu'on pourra éviter un règlement global qui ferait perdre à Israel sa valeur d'élément de division et de perturbation de l'équilibre régional. La proposition de Saddam Hussein de mettre tout sur la table, et de régler tous ces problèmes qui sont étroitement interconnectés, était dangereuse en soi pour l'Occident puisqu'elle restaurait, ou impliquait, la capacité des Etats de la région à trouver entre eux une solution globale. Elle marginalisait les Occidentaux et c'est pourquoi ceux-ci, et les Russes également intéressés, l'ont rejetée immédiatement et ont même tenté de faire croire à l'opinion qu'une telle proposition était subversive puisqu'elle représenterait une "prime donnée à l'agresseur".
Enfin, il faut ajouter que, même si elle était possible, une telle conférence internationale, ou pèseraient d'un poids décisif les grandes puissances, serait profondément immorale et néfaste. Immorale parce que fondamentalement, et dans le cadre du principe de la liberté des peuples à déterminer eux-mêmes leur destin, on ne voit pas ce qui donnerait la moindre légitimité à des puissances extérieures de venir se mêler de ces affaires. Imaginons un instant que les problèmes de construction européenne, de réorganisation de l'espace centre-européen, de sécurité collective fassent l'objet de sollicitations pressantes de la part des Chinois, des Brésiliens, des Zairois. Néfaste, parce qu'elle interviendrait comme la loi des vainqueurs imposée aux vaincus. Les vaincus, en l'espèce, seraient les Irakiens, les Palestiniens et une grande partie des masses arabes qui se seront identifiées à la lutte contre l'intervention américaine. On peut toujours régler les problèmes de cette façon-là. C'est ce qu'on a fait à Versailles, au lendemain de la première guerre mondiale, préparant ainsi le terrible retour du bâton de 1940. Réglés par les Américains et les Israéliens, et à leur profit, les problèmes du Moyen-Orient ne le seraient qu'en apparence. On préparerait l'éclosion de cinquante petits Saddam qui auraient pour but la revanche et comme moyen l'extermination. Ce n'est, à long terme, l'intérêt de personne. La seule véritable solution, la seule durable, c'est que les Occidentaux se retirent, qu'ils fassent-- ils y seront contraints un jour, comme en Indochine-- comme les Anglais, qui auraient mieux fait de s'y tenir: "Pas de présence à l'Est de Suez". Le Moyen-Orient n'a pas besoin d'une "conférence internationale" qui vienne figer des rapports de force. Si les grandes puissances cessent d'armer et de téléguider les protagonistes, il trouvera en son sein les moyens de retrouver un équilibre qui sera bien plus sûr et durable que le diktat des Yankees, infoutus de mettre le Koweit sur une carte.
Cette conférence "est un conte pour enfants", dit Corneille Castoriadis. On pourrait croire que nos dirigeants, qui prônent cette politique, sont myopes ou infantiles. Même pas. Voici ce qu'on dit à l'Elysée, rapporté dans Le Monde (8 février 1991): "Si les Etats-Unis restent soumis à l'approche israélienne, il ne se passera rien, sinon une espèce de traité de Versailles. Les rancoeurs continueront de s'accumuler jusqu'à la prochaine crise. La France aura fait de la figuration estimable." Le mot "estimable" nous parait pour le moins déplacé.
10 février 1991