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[194 -- C'est quoi, la guerre? C'est un concentré de politique, de peur, de mots et de mort, tract recto--verso, 22 janvier 1991(Les Balayeurs du Golfe/3).]

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C'EST QUOI, LA GUERRE?

C'EST UN CONCENTRE DE POLITIQUE, DE PEUR ET DE MORT

 

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Tout cela était clair dès le début. Des tas de Français, d'Arabes et d'autres se sont mis la tête dans le sable pour ne pas envisager cette simple réalité: Bush a décidé tout de suite d'envoyer son armée dans le Golfe. 200.000, puis 400.000 soldats, avec leur équipement lourd, n'allaient pas faire de la figuration. La paix n'avait pas l'ombre d'une chance. Il fallait bien six mois pour mettre en place ce gigantesque dispositif, conçu pour éviter l'enlisement, comme au Vietnam. En attendant, ils nous ont fait du spectacle: ballets diplomatiques, "défense de l'Arabie Saoudite", "libération du Koweit", "ultimes tentatives" et autres couillonnades présidentielles sur le "Droit" et le "rang de la France". Derrière cet écran de fumée, on pouvait voir que l'Amérique voulait la guerre, rien que la guerre. Moins idiots que nous, les Irakiens ont vite compris qu'elle était inéluctable.

Cette guerre n'est pas née le 2 août 1990. Elle procède d'une longue réflexion du gouvernement américain sur le rôle que doivent jouer les Etats-Unis après l'implosion du bloc soviétique. Les conflits du passé ont laissé en place des puissances régionales qui ne sont pas totalement inféodés aux Etats-Unis, comme la Syrie, l'Irak, l'Inde, la Chine ou qui pourraient un jour, à la suite de convulsions politique, tomber entre les mains de nationalistes indociles, comme l'Afrique du Sud, le Philippines ou le Mexique, ou d'autres. La fin de la confrontation avec l'URSS implique aussi l'épuisement graduel des guérillas alimentées par les USA - selon la doctrine du low intensity warfare-- comme celle de l'Angola, de l'Ethiopie, des Khmers rouges. Les états-majors américains ont alors développé le concept de MIC: Mid Intensity Conflict, conflit d'intensité moyenne, excluant le nucléaire, qui nécessite l'organisation d'une force militaire adéquate, beaucoup plus importante que les "forces d'intervention rapide", afin d'écraser un pays pauvre qui aurait réussi à se doter d'une armée solide. (Dans le cas de l'Irak, il a fallu déplacer l'équivalent des forces alliés présente en Europe face aux soviétiques...) Le 24 mai 1989, Georges Bush, notant qu'un "nombre grandissant de nations sont en train de se doter de capacités modernes hautement destructrices", affirmait que "nous devons aller à l'encontre des ambitions agressives des régimes renégats". Ce terme de "renégat" dit beaucoup de choses: il désigne ceux qui devraient être dans la mouvance américaine et qui tenteraient de s'en échapper. Au-delà de l'Irak, la leçon doit donc être claire pour le reste du monde, et tout particulièrement pour les pays du Sud: ils n'ont le choix qu'entre la soumission aux intérêts américains ou la destruction totale. Cette leçon vaut également pour des pays satellites-- la France, par exemple-- s'ils étaient tentés, après la fin de la guerre froide et la disparition de la menace nucléaire, de choisir une politique par trop indépendante. L'Amérique en déclin économique, face au Japon et à l'Allemagne, tous deux occupés par l'armée américaine, n'a plus d'autre moyen pour assurer son niveau de vie, que de garantir l'énorme ponction qu'elle prélève sur les ressources mondiales par la menace de punition militaire. Le monde entier devient comme une vaste Amérique latine. "Le nouvel ordre mondial", nous y voilà.

La guerre contre l'Irak doit donc servir de test et d'exemple. Dans un premier temps, on utilise au maximum la différence qui existe dans le domaine de la technologie. Mais c'est la première fois que la panoplie complète des moyens électroniques modernes est mise en action. On ne sait pas encore si elle est efficace. C'est pourquoi les sources militaires américaine restent totalement silencieuses sur les effets réels de son action sur le terrain. Le seul fait que les Irakiens soient capables, après une semaine de bombardement au missile guidé sur des cibles repérées par satellite et aveuglées par le brouillage électronique, de tirer des fusées, de simples V2, doit être pour le Pentagone une grave source de questions. Les militaires et la presse se donnent beaucoup de mal pour cacher le fait qu'une partie de ces fusées arrive à bon port, ce qui est pourtant évident si on analyse de près les données confuses qui nous parviennent.

La question n'est pas purement militaire. Le gouvernement américain est continuellement déchiré par l'impitoyable lutte d'influence que se livrent à Washington l'aviation et l'armée de terre. L'enjeu est formidable: des dizaines de milliards de dollars de contrats juteux, dont les retombées sont vitales pour certaines régions des Etats-Unis et pour la classe politique, toujours abondamment arrosés par les fabricants de matériels militaires. "On a abouti à un compromis typique du Pentagone-- écrit Newsweek-- on a fusionné les deux stratégies", celle de l'armée de l'air et celle de l'infanterie. Au coeur de cette énorme bureaucratie, Bush doit rendre, entre ses lobbies, des arbitrages qui n'ont rien à voir avec la logique militaire. Comme d'habitude, les généraux sont fin prêts pour la guerre précédente, celle du Viêt-Nam où ils ont été battus quand ils étaient colonels.

Mais une guerre se fait aussi avec des mots. Pour diaboliser l'Irak, on l'accuse de posséder des armes nucléaires, chimiques et bactériologiques, toutes choses qui existent normalement dans les arsenaux des grandes puissance. Or s'il est vrai que les Irakiens ont utilisé l'ypérite , célèbre depuis la guerre de 14, ils n'ont pas d'armes nucléaires ou bactériologiques. Et ils n'ont pas les moyens de lancer l'ypérite à longue distance. Mais la propagande anti-irakienne, une vieille spécialité des Israéliens s'est retournée contre ses auteurs: une pétoche insensée à saisi Israel, les Américains et les journalistes pour aboutir à ces scènes grotesques, le carnaval des masques à gaz, pour se protéger d'un danger imaginaire, entièrement fabriqué par eux-mêmes. La peur, la peur des mots plus encore que celle des choses, est le meilleur moteur de la guerre.

Pour ceux qui sont sous les bombes, la peur est là aussi, mais l'histoire montre qu'elle peut s'apprivoiser. Dans un premier temps, l'aviation américaine, cherchant la suprématie aérienne, a pu éviter les grosses pertes civiles. Et puis, il fallait ménager au moins au début, les susceptibilités des alliés arabes. Là aussi, certains se sont trompé s de guerre, en lançant des chiffres absurdes, mais qui sont peut-être simplement prématurés. Dès le troisième jour, les bombardements visaient aussi à priver la population de Baghdad d'eau et d'électricité. La vérité commence à sortir du puits: "Washington s'est fixé pour but de détruire la puissance de l'Irak", titre Le Monde. "Même si Saddam Hussein promettait d'évacuer le Koweit demain, la coalition ne cesserait sans doute pas ses bombardements" écrit le New York Times. "Il faut naturellement détruire le potentiel militaro-industriel de l'Irak", ajoute Mitterrand, avec naturel. Le temps viendra, si l'armée irakienne résiste, o ù il faudra terroriser les civils. S 'il se démontre que la haute technologie est incapable de détruire complètement une armée plus rustique, alors le point de vue de l'armée de terre américaine triomphera et on en arrivera aux grandes opérations de "nettoyage", o ù l'on massacre tout ce qui bouge. Le spectre du Viêt-Nam, symbolisé peut-être par ces 10 .000 travailleurs vi ê tnamiens coincés en Irak, à nouveau écrasés sous les bombes américaines, ressurgira pour déchirer la conscience de l'Occident.

Cette guerre est des plus immorales. Par delà le contexte local, la guerre ne s'était jamais à ce point présentée ouvertement comme le désir des riches de crever les entrailles des pauvres.

 JETONS LES SOCIALISTES DANS LE GOLFE

CHANGEONS DE REPUBLIQUE

 

22 janvier 1991

Le Comité des balayeurs du Golfe / 3

 


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